La décision

Suite à une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») initiée par Numéricable, le Conseil constitutionnel a jugé que le mode d’organisation de l’ARCEP ne permet pas de garantir le respect du principe d’indépendance et d’impartialité prévus à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil constitutionnel a rappelé :

  • « qu’une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, peut exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis 
  • qu’en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ; que doivent également être respectés les principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 »

L’article L.36-11 du code des postes et des communications électroniques (« CPCE ») confiait à cette autorité de régulation le soin de réprimer les manquements, par les exploitants de réseaux ou les fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et règlementaires afférentes à leur activité.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’en raison du rôle et de la position du directeur général, «  les dispositions des douze premiers alinéas de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, n’assurent pas la séparation au sein de l’Autorité entre, d’une part, les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d’impartialité » ; que celles de ces dispositions qui sont de nature législative doivent être déclarées contraires à la Constitution.
 

Ses conséquences

Cette déclaration d’inconstitutionnalité a pris effet à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Elle est applicable à toutes les procédures en cours devant l’ARCEP ainsi que toutes les procédures non définitivement jugées à cette date.

L’opérateur Numéricable est donc parvenu à passer à travers les mailles du filet et échappera à la sanction de 5 millions d’euros qui avait été prononcée à son encontre par l’ARCEP (Décision n°2011-1469, 20 déc. 2011) pour inexécution d’une précédente décision destinée à régler ses différends avec France Telecom sur les conditions de réalisation du déploiement et de la maintenance de leurs réseaux de fibres optiques dans le cadre des contrats de cession de ces réseaux.

L’ARCEP est donc dépouillé de son pouvoir mais pas pour très longtemps car le gouvernement a annoncé aussitôt qu’il ferait des propositions au parlement afin de rétablir dans les plus brefs délais une procédure de sanction prenant en compte la décision du Conseil constitutionnel. [1]

Il faut faire vite, car à la fin de l’année l’ARCEP devra contrôler le taux de couverture du réseau 3G de SFR et dans un an et demi l’ARCEP devra vérifier le taux de couverture du réseau Free Mobile, sujet polémique qui nécessitera un pouvoir de sanction si nécessaire.

Il est à noter que le législateur avait pris des dispositions adéquates dans l’organisation du pouvoir de sanction de la CNIL pour préserver l’indépendance et l’impartialité. [2]


[1] Une ordonnance devrait voir le jour suite au projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, en débat en séance publique à l’Assemblée nationale à compter du 1er octobre.

[2] voir notre article «  Réforme des pouvoirs de contrôle et de sanction de la CNIL »

Stéphanie Faber est Membre de voxFemina – Paroles d’Experts au Féminin