• Nous avons évoqué dans La Revue l’absence de toute mention à la médiation dans le rapport Prada, alors qu’il est beaucoup question d’arbitrage et de Paris comme Place d’arbitrage international. C’est fort à propos que le Professeur Emmanuel Gaillard a publié « Un avis d’expert » dans la Tribune du 27 mai 2011 intitulé « L’arbitrage, une forme de justice ordinaire ». L’éminent professeur expose avec brio la différence essentielle entre une procédure arbitrale et une procédure devant les tribunaux d’un État, cette différence tenant, selon lui, « au fait que dans l’arbitrage, les parties sont associées au processus à tous les stades du déroulement de la procédure ». Comment ne pas souscrire à cette vérité ? C’est l’affaire « Tapie » qui lui donne l’occasion de ce billet. Il annonce dès le début la couleur : « Le recours dans l’affaire « Tapie » un Tribunal arbitral se prononçant, bien ou mal, sur la responsabilité d’une banque d’affaires, à l’égard de ses clients ne devrait donc pas étonner ».
Ce n’est pas le recours à l’arbitrage entre deux entreprises privées qui est discutable, mais le processus qui a conduit l’État à favoriser cette procédure 15 ans après les faits, c’est-à-dire la revente d’Adidas à Robert Louis Dreyfus en 1993 entre le CDR, établissement public, Bernard Tapie Finance, représenté par son liquidateur et deux personnes physiques, les époux Tapie.
Le Professeur Gaillard n’évoque pas, comme le fait Monsieur Prada dans son rapport, la règle de droit administratif français qui empêche l’État et ses émanations de compromettre en interne. Il ne s’étonne pas que le Crédit Lyonnais, qui a pourtant orchestré la vente d’Adidas, n’était ni partie à l’arbitrage, ni même entendu comme témoin. Il trouve normal que le CDR ait été condamné à verser 45 millions d’euros aux époux Tapie pour réparation de préjudice moral. Il n’évoque pas davantage le rôle joué par Bercy dans la mise en œuvre de la procédure, le choix des arbitres, la rédaction du compromis, le décompte des émoluments versés aux arbitres (300.000 euros chacun, augmentés de 100.000 euros en couverture des frais de fonctionnement du tribunal arbitral). On aimerait en savoir plus sur la décomposition de ces frais de fonctionnement s’agissant d’un tribunal ad hoc. Il omet de mentionner que Bercy, contre l’avis de plusieurs experts, ait renoncé malgré l’énormité des condamnations à exercer un recours en annulation.
Soyons clairs, l’institution de l’arbitrage, une justice privée, dont la souplesse de fonctionnement et une instruction approfondie sont remarquables, ne peut et ne doit en aucun cas être critiquée, surtout dans un contexte international. Mais en l’espèce, il est indiscutable que « l’affaire Tapie » a endommagé la réputation de l’institution, mais nous ne pensons pas que ce dommage soit durable, de plus il n’avait jusqu’à ces derniers jours qu’une portée hexagonale. La situation vient de changer avec la candidature de Christine Lagarde au poste de DSK au FMI, candidature pendue au fil de la décision de la Commission des Requêtes de la CJR qui doit se prononcer le 10 juin 2011. La candidate a donc choisi de donner une noria internationale à « l’affaire Tapie » et aux dérapages collatéraux que certains, comme la Cour des Comptes, le Procureur Général près la Cour de cassation, mais également la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, ont soulignés.
• Les aficionados de l’arbitrage se reporteront, comme tous les trimestres, à la chronique de jurisprudence, publiée par la Gazette du Palais, n°135 à 137, du 15 au 17 mai, sous la direction de notre Confrère Denis Bensaude avec la collaboration notamment d’Annaïg Combe.
J’attire votre attention sur les commentaires sous l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, Pôle 1, Ch. 1, 10 mars 2011, dans une affaire Tecso c/ Neoelectra Group, dont nous avions déjà rendu compte dans La Revue du mois dernier (p.14). L’arrêt rappelle l’obligation de révélation par l’arbitre « aux parties de toutes circonstances de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l’esprit des parties un doute raisonnable sur ces qualités d’impartialité et d’indépendance, qui sont l’essence même de la fonction arbitrale. »