1. Développement de la médiation
Le Comité National Français de la CCI (ICC France) a constitué un nouveau groupe de travail sur la médiation à laquelle le soussigné participe aux côtés d’autres confrères, juristes d’entreprise, de Monsieur George, Délégué Général de la CCI France, et Christophe Garnier, Conseiller auprès du Délégué Général. Hannah Tuempel, qui gère le service des Règlements ADR des Litiges ICC, est également membre de ce groupe de travail.
L’objectif est de soutenir l’action de la ICC pour développer le recours, par les entreprises, au règlement des différends à l’amiable (ADR). Une première mission sera de faire une étude du marché français pour apprécier l’intérêt des entreprises pour ce type de résolution des litiges. ICC France réfléchit également à une proposition de service dans le domaine de la médiation en France.
Lors d’une première réunion, ces thèmes ont été abordés ainsi que le profil type du « médiateur international ». Pour sélectionner les médiateurs, les critères suivants ont été évoqués :
• Formation en matière de médiation
• Expérience internationale de la médiation
• Bonne connaissance du monde des affaires, notamment à l’international
• Personnalité et autorité affirmées (charisme bienveillant et autorité « sans pouvoir »)
• La connaissance des langues, qui est indispensable.
2. La Halde c’est presque fini
Depuis la promulgation le 30 mars de la loi créant le Défenseur des droits, la Halde n’était plus une autorité indépendante. Le 1er mai dés potron-minet, sans attendre les défilés plus ou moins unitaires et le 1er discours fleuve de Marine Le Pen, Place des Pyramide, la Halde est regroupée au sein du Défenseur des droits aux côtés du Défenseur des enfants, du Médiateur de la République et de la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS). Mais on n’en sait guère plus sur son rôle et organisation futurs. Il y a eu la présidence musclée et très personnelle de Louis Schweizer de 2005 à 2010 (nous savons par des évènements maison que le muscle est un organe développée chez Renault) et celle aux antipodes de Jeannette Bougrab, qui a été très (trop) vite promue (décembre 2010) à un poste ministériel, évitant ainsi que l’action de Louis le suisse ne soit par trop critiquée (affaire de la crèche Baby Loup). Son successeur et 3ème président est Eric Molinien, candidat à sa propre succession, mais aussi au poste de Défenseur des Droits au coude à coude avec Dominique Baudis.
Des membres du cabinet, proches de la Halde, que ce soit en tant qu’avocat ou médiateur formé au droit de la discrimination, s’interrogent sur la pérennité de ce droit, dont la Halde a été un des précurseurs (discrimination selon l’origine, le milieu familial ou la santé…).
3. Réforme de l’arbitrage
Voir le tableau sur l’entrée en vigueur du décret du 13 janvier 2011 portant réforme du droit français de l’arbitrage, en fonction de (i) la nature interne ou internationale de l’arbitrage, (ii) de la date de signature de la convention d’arbitrage (clause compromissoire ou compromis) et (iii) de la date de constitution du tribunal arbitral.
Nous avons déjà commenté les grandes lignes de la réforme dans La Revue. Pour une analyse complète et claire de la réforme, vous pourrez vous reporter à l’article du Professeur Charles Jarrosson et de Maître Jacques Pellerin, Avoué, publié dans la dernière Revue de l’Arbitrage (2011- N° 1), intitulé « Le droit français de l’arbitrage après le décret du 13 janvier 2011 », complété par un tableau de concordance fort utile des articles anciens et nouveaux du CPC. Les auteurs concluent en évoquant le rôle de la « jurisprudence savante et équilibrée », qui a permis à la France de rester « une place primordiale d’arbitrage ».
Nous avons à maintes reprises souligné les attraits de la France comme place d’arbitrage par excellence, tant par son cadre législatif, la qualité des juges d’appui, des magistrats de la Cour d’appel de Paris et des chambres spécialisées de la Cour de cassation, de l’enseignement supérieur comportant plusieurs DEA et DESS spécialisés en droit de l’arbitrage, d’une communauté d’arbitres de réputation internationale et de nombreux avocats spécialisés. L’hôtellerie et la restauration parisiennes, la beauté et la richesse de l’Ile de France, le centre de conférence de la ICC, avenue Kléber, les autres centres d’arbitrage comme l’AFA et le CMAP, et l’approche du droit continental sont des atouts permanents pour la Place de Paris. Celle-ci est certes chahutée par ses compétiteurs européens, qu’ils soient anglais ou suisses, mais aussi américains et depuis une décennie asiatiques, mais qui résiste bien. Il a souvent été dit que la proximité de la ICC, dont le siège mondial a été maintenu à Paris in extremis, alors que certains avaient déjà bouclé leur valise pour Genève, mais aussi l’approche continentale, qui se traduit par une instruction moins coûteuse et plus rapide, étaient des raisons supplémentaires pour localiser vos arbitrages internationaux à Paris. A nous de convaincre les entreprises que tel est encore plus le cas après la réforme du 13 janvier 2011, ce qui est aisé.
4. Indépendance et impartialité de l’arbitre
Il nous plait de signaler un arrêt important de la Cour d’appel de Paris du 10 mars 2011, qui a annulé une sentence au motif qu’un arbitre n’avait pas révélé ses liens de travail avec le cabinet de l’avocat d’une des parties. La cour a estimé que l’arbitre « doit révéler les liens, même indirects, qu’il entretient avec l’avocat de l’une des parties » (Ca. Paris 10 mars 2011 n°09-28-537, ch.1-1, eurl Tesco c/ SAS Neo « Electra Group).
Johanna Oks résume cet arrêt important sur l’obligation de révélation de l’arbitre sans laquelle son indépendance et impartialité ne peuvent être assurées. L’omission de révéler certains faits est de nature à faire naître un « doute raisonnable » et constitue donc une entrave au droit de récusation de l’arbitre. Parions que cet arrêt fera l’objet d’un pourvoi en cassation.
Sur le thème de l’indépendance des arbitres et de la procédure de récusation, je vous recommande l’article de Mathias Leemann publié dans le Bulletin ASA, vol>. 29, No. 1, 2011, intitulé « Challenging international arbitration awards in Switzerland on the ground of a lack of independance and impartialitity of an arbitration », qui se lit à bon escient, mais ne va pas précisément dans le sens de l’arrêt progressiste de la Cour appel de Paris. Il est également conseillé de relire l’arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2010, qui traite pareillement de l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre et de l’obligation de révélation, qui pèse sur lui (voir ci-dessous).
Matthias Leemann pour sa part conclue son article :
« Even though international arbitration awards are frequently challenged based on an alleged lack of independence and impartiality of an arbitrator, awards are in fact extremely rarely set aside in accordance with article 190 para. 2 letter a SPILA. The hurdles are considerable and the procedural pitfalls manifold. A party who intends to rely on this ground has to pay close attention to this issue already from the early stages of the arbitration proceedings. »
A ce stade l’auteur nous livre la substance du droit suisse.
« He cannot merely rely on the information disclosed by the arbitrator, but has to make his own investigations into the circumstances of a potential conflict of interests. »
Voici souligné la conception plus restrictive helvétique de l’obligation de révélation de l’arbitre, qui montre à souhait que le droit français est plus progressiste, ce qui constitue, si besoin était, un nouvel argument en faveur de la localisation des arbitrages internationaux en France. L’indépendance et l’impartialité de l’arbitre sont sans aucun doute des conditions essentielles de l’arbitrage et si elles ne sont pas assurées et sanctionnées de nullité par le juge national compétent, la place en question peut être légitimement suspecte et offrir un argument dirimant à ses détracteurs intéressés.
Pour la confrérie des distraits, dont nous faisons tous un jour partie, confrérie en pleine expansion du fait de la surinformation que nous subissons, je vous renvoie à la dernière chronique de jurisprudence arbitrale que tient notre estimé confrère Denis Bensaude dans la Gazette du Palais (N° du 6 au 8 février 2011, qui couvre la période de septembre à décembre 2010).
Notre attention a de nouveau été attirée par l’arrêt de cassation du 20 octobre 2010 (cass. 1re civ. 20 oct. 2010, n° 09-68997 : Someclest c/DV Construction) dont Elisette Leite s’était déjà fait l’écho, qui comme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 mars 2011 (voir ci-dessus) traite de l’impartialité et de l’indépendance de l’arbitre. Citons des extraits de la note publiée par l’équipe de Denis Bensaude. La Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, qui avait rejeté le recours en annulation d’une sentence rendue par un arbitre unique en 2008 dans une affaire qui opposait Someclest et une société du groupe Bouygues. L’arbitre unique désigné avait révélé lors de sa nomination qu’il était « régulièrement désigné par le groupe Bouygues dans des litiges avec ses sous-traitants », ce qui était l’activité de Someclest. La Cour d’appel avait estimé que la révélation ayant été faite des missions récurrentes de l’arbitre dans des dossiers impliquant Bouygues, il n’y avait pas lieu à annulation. L’arbitre, dont il n’est pas essentiel de connaître le nom, avait été désigné 51 fois par des sociétés du groupe Bouygues dans des affaires similaires, détail qu’il avait omis de préciser lors de sa désignation dans l’arbitrage impliquant Somoclest.
La recourante reprochait à l’arrêt versaillais de faire peser sur elle une obligation de se renseigner sur les circonstances de nature à affecter l’indépendance de l’arbitre (comme en droit suisse), alors qu’il appartenait, selon elle, à l’arbitre de révéler spontanément tout fait pouvant affecter son indépendance ou impartialité ou la perception que l’autre partie s’en faisait. C’est bien cette perception qui compte en arbitrage à la différence de la justice étatique. La Cour de cassation a estimé que la désignation systématique de l’arbitre créait un courant d’affaires entre lui et le groupe Bouygues, qu’il avait de ce fait l’obligation de révéler sa désignation systématique afin de permettre à l’autre partie d’être en mesure d’exercer son droit de récusation.
Pour casser l’arrêt, la Cour de cassation a insisté sur le caractère systématique de la désignation de l’arbitre en cause, sa fréquence et régularité sur une longue période (51 une fois…).
Nous souscrivons pleinement à cet arrêt de cassation. Que pensez sinon de ce genre de pratique et de son impact sur l’image de Paris en tant que place de l’arbitrage ?
L’arrêt suivant rapporté par Denis Bensaude dans la Gazette du Palais (CA Paris, pôle 1, ch. 1, 28 oct.2010, n° 09/20447 : Société Animatrice de la franchise c/ Des Halles) est assez classique. Le défaut d’impartialité d’un arbitre doit être soulevé, chaque fois que possible, devant le tribunal arbitral lui-même.
L’obligation de révélation et son corollaire l’obligation de se renseigner est un thème dichotomique récurent dans les transmissions d’entreprise, s’agissant plus particulièrement des conventions de garantie de passif. La Cour de cassation butine depuis des années entre ces 2 obligations en partie contraire. Parfois l’accent est mis sur l’obligation de l’acquéreur de se renseigner par tout moyen sur l’entreprise cible, alors que pèse sur le vendeur, en d’autres temps, une obligation de révélation. En matière de garantie de passif, contrat innomé par excellence, l’intention des parties reste déterminante. La tendance récente de la jurisprudence est, en application des articles 1134 et 1315 du code civil, de privilégier l’intention commune des parties lors de la conclusion de la convention ; encore faut-il pouvoir la discerner.
5. L’affaire ISC c/ Nobel
Le 25 octobre 2010, le Tribunal fédéral suisse a rendu une décision dans une affaire opposant ISC Holding AG, société de droit suisse, et Nobel Biocare Investments Nv, société de droit néerlandais. Il s’agissait de l’interprétation et l’application d’une clause compromissoire « pathologique », une clause dont la rédaction imparfaite ou maladroite ne permet pas de déterminer la volonté commune des parties. (Voir dans ce numéro en page 15 l’article que nous proposent Alexandra Morton et Pauline Darmon : « De la nécessaire clarté des clauses compromissoires »). Vaste sujet. On ne répétera jamais assez souvent qu’il est essentiel de faire revoir les clauses de juridiction et de droit applicable de vos contrats commerciaux par des spécialistes du règlement des différends, que ce soit en droit interne ou à l’international. Ils pourront utilement vous aider à structurer une clause de règlement en distinguant habilement les différentes phases : discussion amiable, médiation ou conciliation et traitement judiciaire, qu’il implique le recours à l’arbitrage ou à une juridiction étatique.
6. En marge de l’affaire Adidas
Le recours à l’arbitrage par l’État est impossible en l’état de notre droit administratif. Aussi, il est cocasse et peu anodin que le Premier ministre, en pleine contestation parlementaire et remontée de bretelles par la Cour des Comptes sur le recours en 2007 à l’arbitrage pour clore le dossier Adidas–Crédit Lyonnais, ait fait paraître au JORF du 8 avril 2011 une circulaire relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits ( pour plus de détail, lire la présentation de la circulaire dans la rubrique « Actualité législative et réglementaire »).
Dans sa circulaire du 6 avril 2011, le Premier Ministre explique aux membres de son Gouvernement que sa démarche est d’améliorer la qualité du service rendu aux usagers, qui selon lui implique la prévention et le règlement des différends. Il est rappelé fort judicieusement dans l’annexe que « les personnes publiques ne peuvent, en principe, recourir à l’arbitrage, sauf dans les cas mentionnés à l’article L.311-6 du code de justice administrative. Le contrat international est l’exception la plus notable ». Il n’est contesté par personne que l’arbitrage Adidas était interne. Le Premier Ministre ajoute que « L’agent judiciaire du Trésor est seul compétent, sur le fondement de l’article 38 de la loi du 3 avril 1955, pour transiger au cours d’une procédure contentieuse devant une juridiction de l’ordre judiciaire, hors les matières fiscales, douanières, domaniales ou d’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors qu’une demande pécuniaire a été formulée contre l’État.». Monsieur Fillon rappelle que « les disposition de l’article 20-45 du Code Civil, n’autorise les établissement publics de l’État à transiger, en principe, qu’avec l’autorisation du Premier ministre ».
Pourquoi ce rappel le mois dernier sur les vertus de la transaction ? Cela ne peut être fortuit, d’autant plus que le Premier ministre estime utile de renvoyer à l’article 311-6 du code de justice administrative. On suppose que le ministère des Finances et le garde des Sceaux ont été consultés, mais on ne connaît pas le fond de leur pensée.