Le critère de distinction entre l’arbitrage et l’expertise réside dans l’existence d’un litige entre les parties. Il n’est pas rare qu’une clause prévoie un mandat donné à un tiers pour déterminer un prix de cession, et ce alors même que le contrat comporte également une clause compromissoire.

Dans d’autres cas, les parties rédigent une clause, parfois complexe, sur le recours à un "tiers-arbitre" pour la détermination du prix. Il s’agit alors de qualifier la clause litigieuse.

1. Éléments de jurisprudence

Un arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 2001 valide l’approche d’une cour d’appel qui a décidé que le tiers ne pouvait être un arbitre, en relevant (i) en premier lieu, l’absence de tout litige, et (ii) en second lieu, l’intention des parties de soumettre à des tiers, et non à des arbitres, le mandat de déterminer le prix de cession de titres et leurs modalités de paiement. La Cour ajoute encore que qu’ "au delà de la qualification employée, les tiers n’avaient pas été désignés en vertu de la clause compromissoire".

Il ressort de cette décision que l’existence d’un litige est un critère déterminant de l’arbitrage.

Dans un autre arrêt de la cour d’appel de Versailles du 4 mars 2004, les parties avaient inséré une clause complexe en faisant référence à l’article 1592 du Code civil. Elles avaient notamment prévu: "En rendant sa décision sur le différend, le tiers-arbitre sera réputé agir comme un tiers au sens de l’article 1592 du code civil français".

Cette décision est intéressante en ce que la clause litigieuse vise clairement tout litige relatif à la détermination du prix.

La Cour a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une clause compromissoire, "la référence expresse aux dispositions de l’article 1592 du code civil français dans une convention passée entre des parties rompues au monde des affaires que l’on présume assistées de conseils avertis, étant suffisante à établir la volonté des parties de confier à un tiers-arbitre le différend relatif à la détermination du prix."

Les juges, de manière didactique, poursuivent : " les parties ont convenu de soumettre les litiges relatifs à la détermination du prix à une procédure autre que le contentieux juridictionnel en recourant à la procédure de l’article 1492 du code civil, qui n’est pas celle de l’arbitrage au sens de l’article 1442 et s. du NCPC. Si l’on doit rechercher la volonté des parties pour qualifier la clause litigieuse, force est de constater que tant la référence expresse à l’article 1592 du Code civil que le contenu de la mission donnée au tiers-arbitre excluent que les parties aient entendu soumettre à l’arbitrage le règlement d’un litige relatif à la détermination du prix."

L’approche des juges a été très concrète dans cette deuxième espèce.

2. Conclusion

L’expertise et l’arbitrage sont des notions qui doivent être distinguées.

La jurisprudence s’attache à identifier un litige (caractère juridictionnel de l’arbitrage), puis recherche l’intention des parties et le contenu de la mission confiée au tiers au-delà des termes employés dans la clause par les parties.

Il semble donc que les parties ne peuvent pas demander à un arbitre de fixer un prix de cession en dehors de toute contestation, puisque l’arbitrage a une nature hybride (nature à la fois conventionnelle et juridictionnelle). En revanche, les litiges relatifs à la détermination du prix pourront lui être confiés à la condition de bien préciser que l’intervention de l’arbitre aura pour but de départager les parties sur ce point et surtout en évitant toute référence à l’article 1592 du Code civil.

La lecture de la thèse du professeur Jarrosson sur la notion d’arbitrage est éclairante sur le sujet.