Notre attention a été attirée, lors d’une recherche de jurisprudence, sur un arrêt de 2005 dont la pertinence nous avait alors échappé. Cet arrêt de la Cour d’appel de Versailles [1] , nous enseigne que le champ d’application rationae personae d’une clause compromissoire peut-être extrêmement large en application des théories du « groupe de contrats » et « groupe de sociétés ». Cette jurisprudence a confirmé avec une particulière clarté l’extension d’une clause d’arbitrage à la société cible insérée dans un contrat de cession, alors même que cette société n’était pas à l’évidence partie audit contrat. La Cour d’appel de Versailles dans son arrêt de 2005, S.A.S. Flakt solyvent ventec c/ S.A. ABB a synthétisé ces deux théories dans le prolongement de la doctrine selon laquelle la clause compromissoire traduit un réel renoncement à saisir les juridictions étatiques dans leur intégralité. La clause d’arbitrage doit donc se comprendre comme une manifestation de volonté au profit d’une forme de justice privée.
La Cour d’appel s’est intéressée en premier lieu à l’existence d’un « groupe de contrats » et souligne que les deux contrats en cause s’intègrent dans une même opération économique, et présentent de nombreux liens entre eux. Il en ressort notamment que le litige, qui portait sur une indemnisation, relevait de l’exécution du contrat de cession. En outre, la Cour relève que la société cible a participé indirectement à l’opération de cession en évaluant sa propre situation nette, qui était susceptible d’avoir une incidence sur sa valeur sur le prix de cession final.
La Cour conclut son argumentation comme suit :
« L’action de la société FSV est ainsi de nature à relever de l’exécution du contrat de cession renfermant une clause compromissoire et à tout le moins d’être en relation avec lui ».
L’arrêt analyse ensuite la clause compromissoire au vu des liens entre la société cible et celles parties au contrat de cession, la cible et l’un des cocontractants appartenant à un même groupe :
« la clause d’arbitrage (…) est opposable à la société FSV [société cible du contrat de cession contenant ladite clause] dès lors qu’elle appartenait au même groupe de sociétés que la société signataire et cédante ; qu’en outre, une telle clause peut être invoquée à l’encontre de toutes les parties directement impliquées dans la conclusion et l’exécution du contrat, leur situation et leurs activités faisant présumer qu’elles ont eu connaissance de son existence et de sa portée bien que non signataires du contrat la stipulant ».
C’est donc une application extensive de la clause compromissoire qui a été mise en œuvre par la Cour d’appel de Versailles, qui retient le consentement tacite de la société cible à la clause compromissoire de part son appartenance au groupe et son activité économique. En l’espèce, la société cible avait participé à l’opération économique objet du contrat de cession et contribué à « l’établissement de sa propre situation nette avant et lors de la clôture de la cession ainsi qu’à celui des déficits de 2000 et 2001 et [était] bénéficiaire de droits au titre du contrat de cession ».
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[1] CA Versailles, 15 septembre 2005, S.A.S. FLAKT SOLYVENT VENTEC C/ S.A. ABB.