RIEN A PERDRE ET TOUT A GAGNER

Et si la médiation avait encore besoin de plaidoyers et d’avocats ? Paradoxe, provocation ?

Ses avantages tant vantés commencent à être bien connus ; rappelons notamment, son coût réduit, la confidentialité, la célérité, la souplesse, la disparition de l’aléa judiciaire, l’opportunité de maintenir les relations commerciales entre les parties, le contrôle et la ré-appropriation par celles-ci du processus de règlement du différend, etc.

« Jamais tant de vertus furent-elles couronnées ? » dirait Racine. Ces dernières devraient suffire à sa promotion. Les premiers intéressés, c’est à dire les justiciables, ont tout à gagner à recourir à la médiation.

Pour sa part le monde judiciaire (avocats, magistrats mais aussi les institutions), à la recherche depuis des décennies d’un aggiornamento –visant à mettre en place une justice plus rapide, souple et accessible- n’a rien à perdre à promouvoir la médiation comme mode de règlement alternatif (et non substitutif) des conflits.

Cependant, sur le terrain, même si les statistiques fiables n’existent pas du fait de sa nature confidentielle, le recours à la médiation ou à la conciliation reste l’exception pour ne pas dire exceptionnel.

Le président Magendie auteur d’un récent et remarquable rapport sur la qualité de la justice résume :

« C’est une vraie interrogation que celle du succès mitigé de ce mode alternatif de règlement des conflits qui apporte un peu d’humanité dans un déroulement parfois kafkaïen des procédures alors même que l’ensemble des professionnels de la justice s’accordent à en saluer les mérites…/…C’est désormais vers l’action concrète que nous devons tendre nos efforts afin que la médiation judiciaire devienne le mode habituel de règlement des conflits »

Des chantiers et interrogations demeurent (e.g. la formation et l’accréditation des médiateurs, l’harmonisation des diplômes, l’accès à l’information) mais il ne faut pas désespérer et continuer à prêcher la bonne parole. Les mentalités évoluent, la demande devrait être forte, les nouvelles générations de juristes sont progressivement formées aux techniques de médiation à la faculté et à l’école du barreau.
LA MEDIATION SOUS LES FEUX DE L’ACTUALITE

Le 21 mai 2008, la Directive du Parlement européen et du Conseil sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale a été adoptée. Le texte à vocation à s’appliquer aux litiges transfrontaliers. Son article 4.1 dispose « les Etats membres encouragent, par tout moyen qu’ils jugent appropriés, l’élaboration de codes volontaires de bonne conduite et d’adhésion à ses codes, par les médiateurs et les organismes fournissant des services de médiation… ». Les Etats ont 36 mois pour transposer les nouvelles dispositions.

La loi 2008-561 du 17 juin 2008 a érigé la médiation et la conciliation en cause de suspension de la prescription en matière civile (article 2238 du code civil modifié).

Le 25 juin 2008 le Président Magendie a remis au garde des Sceaux son rapport sur « La célérité et la qualité de la justice devant la cour d’appel ». Il préconise un recours élargi à la médiation et un groupe de travail (composé notamment de magistrats, d’avocats et d’universitaires) phosphore actuellement sur des recommandations concrètes en ce sens (élaboration de protocoles, intégration de la médiation dans le fonctionnement des juridictions, magistrats référents, chambres pilotes).

Le 30 juin dernier la commission Guinchard à remis au garde des Sceaux son rapport «L’ambition raisonnée d’une justice apaisée» qui préconise des mesures d’allègement procédural ainsi que le développement de la conciliation et de la médiation (voir éditorial de La Revue de juillet 2008).

Enfin la lettre de mission du Président de la République à la commission Darrois faisait référence aux MARC comme mode pacifiés de règlement des litiges.

CONSECRATION DES CLAUSES DE MEDIATION (COUR DE CASSATION 8 avril 2009)

Récemment, un arrêt de la Cour de cassation est venu renforcer la portée des clauses contractuelles de médiation, confirmant et prolongeant une décision importante de la chambre mixte de la Cour de cassation du 14 février 2003.

La 1ere chambre civile de la Cour de cassation précise dans son arrêt du 8 avril 2009 : « Attendu qu’ayant relevé que la saisine du tribunal de commerce ne pouvait intervenir qu’en cas d’échec ou de refus de la médiation, c’est à bon droit que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à de simples allégations dénuées d’offre de preuve, en a déduit que la société MGC International ne pouvait, par avance, refuser une procédure de médiation qui n’avait pas encore été mise en œuvre »
Peu importe que la clause de médiation litigieuse soit quelque peu sibylline (en l’espèce la possibilité de saisir le juge « en cas d’échec ou de refus de la médiation »), ou que le médiateur visé en l’espèce dans la procédure de médiation n’était pas identifié (ce qui, soutenait le demandeur au pourvoi, rendait impossible toute médiation).

Ne pas passer par la case « médiation » lorsqu’elle est prévue contractuellement est donc déconseillé ; cela constitue une fin de non recevoir rendant irrecevable la demande judiciaire.

En pratique, pour éviter tout quiproquo ou mauvaise surprise procédurale, il est important pour les parties et leurs conseils d’être clairs sur la mise en place ou la tentative de mise en place de la médiation et, le cas échéant, sur le constat de son échec. A minima un échange de lettres RAR s’impose. En revanche aucune obligation de réussite ne pèse sur les parties. En cas d’échec de la médiation le processus judiciaire suit ou reprend son cours. Ce qui est sanctionné c’est d’ignorer la clause de médiation. On ne peut qu’approuver cette décision de bon sens, surtout quand on sait que plus de 2/3 des médiations initiées aboutissent à un accord transactionnel.

Le cabinet Hammonds Hausmann, promoteur de la charte de la médiation inter-entreprises (22 novembre 2005) et signataire de la charte des cabinets d’avocats pour la médiation (16 octobre 2006) est un ardent partisan de la Médiation et, plus en amont encore, de la prévention des conflits. Deux associés ont été formés comme médiateur ; Christian Hausmann en France par le CMAP (« Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris ») et votre serviteur, en Angleterre, auprès du CEDR (« Center for Effective Dispute Resolution »). Ils sont membres de différents centres de médiation, par exemple le centre franco-allemand, une « joint venture » entre le CMAP et la Chambre de commerce de Hambourg.

Nous sommes convaincus que la médiation a un bel avenir ; elle va dans le sens de l’histoire, et l’heure est paraît-t-il à la fraternité… La médiation a aussi un riche passé. Gratien le célèbre canoniste du 12ème siècle exposait déjà dans la distinction XC de son Décret que les évêques ne doivent point aimer les contestations et doivent chercher à accorder ceux qui ont des différends !

Pour terminer une belle formule à méditer, qui vaut toutes les plaidoiries :
« Les preuves fatiguent la vérité » (Georges Braque).