Cass. com. 18 septembre 2019 n° 16-26.962 F-PB
Il serait facile de penser que le « mandataire social » d’une société est effectivement titulaire d’un contrat de mandat aux termes des articles 1984 et suivants du Code civil. La Cour de cassation dans son arrêt du 18 septembre 2019 vient infirmer cette hypothèse.
Dans les faits, un gérant de SNC avait été reconnu coupable de complicité d’abus de biens sociaux commis au préjudice d’une autre société et avait été condamné à payer des dommages et intérêts à cette dernière. Le gérant a alors soutenu qu’étant dirigeant social de la société qui avait tiré avantage de l’abus de biens sociaux, il avait agi au nom et pour le compte de cette dernière et ainsi souhaitait qu’elle lui rembourse le montant de l’indemnité versée car il serait considéré mandataire de la société aux termes des articles 1984 et suivants du Code civil.
La Cour d’appel avait estimé à juste titre que le dirigeant social disposait d’un pouvoir de représentation de la société mais que les dispositions du Code civil relatives au contrat de mandat ne pouvaient pas s’appliquer aux mandataires sociaux. La Cour de cassation dans son arrêt du 18 septembre 2019 a donc rejeté le pourvoi formé contre cette décision.
Cette solution inédite a pour vocation à s’appliquer à tous les représentants légaux de sociétés (président d’une SAS, gérant d’une SARL…). Ces représentants, bien que désignés comme « mandataires sociaux » sont en réalité investis d’un pouvoir de représentation d’origine légale, c’est-à-dire tiré du droit des sociétés et non d’un mandat contractuel. Ce pouvoir de représentation des dirigeants sociaux échappe au régime général de la représentation des articles 1153 et suivants du Code civil. Plus précisément, les règles spéciales du droit des sociétés investissent le dirigeant social d’une SARL ou d’une société par actions des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sans être limités aux actes conservatoires et d’administration comme le dispose l’article 1155 alinéa 1 du Code civil ; preuve que nous avons bien là un régime spécial. La situation est un peu différente pour le gérant de SNC ou de SCS, car celui-ci ne peut engager la société que pour les actes entrant dans l’objet social de cette dernière.
Ainsi, ce pouvoir de représentation étant défini par la Cour de cassation comme d’origine légale et non d’origine contractuelle, les dispositions du Code civil concernant le contrat de mandat ne peuvent pas s’appliquer. En l’absence de contrat de mandat entre la société et son dirigeant social, ce dernier ne peut donc pas avancer qu’il a agi au nom et pour le compte de celle-ci afin d’en obtenir une indemnité.
Dans la continuité, il nous semblerait logique que l’exclusion de qualification de mandat vaille non seulement pour les dirigeants mais également pour tout mandataire social (par exemple : administrateurs ou membres du conseil de surveillance).