Dans une décision du 11 avril 2008, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la déductibilité pour une société française de la perte liée à des abandons de créances consentis à des succursales de sa filiale étrangère.

La société française Guerlain SA avait en effet accordé des aides, sous la forme d’abandons de créances, à deux succursales de sa filiale de Hong Kong, localisées en Australie et à Singapour. Ces succursales, en charge de la distribution des produits de SA Guerlain dans leurs régions respectives, faisaient face à des difficultés financières.

A l’occasion d’une vérification de comptabilité de Guerlain SA, l’administration fiscale avait néanmoins rejeté la déduction des abandons en cause, considérant que n’ayant pas été consentis dans l’intérêt de la société française, il constituait un transfert de bénéfices au sens de l’article 57 du Code Général des Impôts. Dans sa décision, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 mars 2005 ayant validé les redressements d’impôt sur les sociétés notifiés à la société française.

On notera d’emblée que le Conseil d’Etat ne remet pas en cause le principe selon lequel une société peut valablement consentir des abandons de créances à ses propres succursales étrangères en situation difficile. Au cas particulier cependant, les succursales, dont les difficultés financières n’étaient pas contestées par le service, n’appartenaient pas directement à la société française mais à une filiale étrangère. En définitive, cette filiale était la véritable bénéficiaire des abandons en cause et il convenait de tenir compte de sa situation et de ses relations avec sa société mère, dans l’appréciation de l’intérêt des aides en cause pour SA Guerlain.

Ainsi, l’arrêt du 11 avril 2008 n’exclut pas que les abandons de créances en cause auraient pu être justifiés au regard notamment de l’intérêt stratégique et commercial lié à la pénétration des marchés et à la distribution des produits dans les zones géographiques concernées. Toutefois, selon la Haute assemblée, il n’était pas possible de faire abstraction du fait que la filiale de Hong Kong était elle-même bénéficiaire, en dépit des difficultés financières subies par ses succursales, et aurait pu elle-même octroyer les remises de dette. En outre, si Guerlain SA faisait valoir qu’elle avait néanmoins décidé d’aider directement les succursales pour permettre à sa filiale de mobiliser ses fonds propres pour le développement d’autres marchés dans sa zone géographique, le Conseil d’Etat a écarté cet argument en relevant que la filiale lui avait distribué des dividendes significatifs pendant la même période, lesquels n’ont été au demeurant pas soumis à l’impôt sur les sociétés en France compte tenu du régime des sociétés mères et filiales.