« Attendu que l’arrêt retient par des motifs propres et adoptés, que les relations entre la société BBI et la société Les Ateliers d’origine résultaient de contrats indépendants, intervenant en fonction de l’ouverture des chantiers obtenus par la société BBI au Turkménistan, que la société BBI, qui n’avait pas passé d’accord-cadre avec la société Les Ateliers d’origine, ne lui avait pas garanti de chiffre d’affaires ou d’exclusivité sur le marché turkmène et qu’elle avait confié en 2003, après consultations, la confection de voilages pour l’hôtel du Président à un concurrent plus compétitif ; qu’en l’état de ces constatations, elle a pu déduire l’absence d’une relation commerciale établie entre les deux sociétés. »

Voici une décision qui vient durcir les critères d’appréciation du caractère établi des relations commerciales, condition indispensable à l’application de l’article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce. Dans cette affaire, la société Bouygues bâtiment international (BBI) avait emporté de nombreux marchés de construction « clés en main » de bâtiments publics au Turkménistan. Entre 1998 et 2004, la Société BBI a sous-traité la pose des rideaux et voilages de plusieurs bâtiments. Pendant l’exécution des travaux par la BBI, la société Les Ateliers d’origine a soumis en avril 2004 deux offres de services pour certains projets dont le prix a été jugé excessif par la BBI, laquelle a formulé une contre proposition qui n’a pas été acceptée par la société Les Ateliers d’origine. Après avoir appris que le BBI a eu recours à une autre société, la société Les Ateliers d’origine a assigné la BBI devant le tribunal de commerce et a demandé, sur le fondement des articles 1382 du code civil et L. 442-6, I, 5 du Code de commerce sa condamnation au paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale.

Pour écarter l’existence d’une relation commerciale établie, les juges du fond ont relevé que la BBI « conservait la liberté de choisir son prestataire pour chaque marché et que les relations entre cette société et la société Les Ateliers d’origine constituaient une juxtaposition de relations de sous-traitance indépendantes les unes des autres ». Mécontente de cette décision, la société Les Ateliers d’origine se pourvoit en cassation. Elle invoque au soutien de sa prétention que les juges du fond, en écartant l’existence d’une relation commerciale établie a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce.

Confirmant la solution des juges du fond, les hauts magistrats font remarquer que la relation entretenue entre les deux sociétés ne constitue nullement une relation commerciale établie mais simplement une succession de contrats de sous-traitance indépendants les uns des autres et conclu en fonction de l’acquisition des marchés. En l’absence d’exclusivité ou de chiffre d’affaires garanti par la BBI à la société Les Ateliers d’origine et à défaut d’accord cadre conclu entre les deux entreprises, la Cour de cassation conclut à l’inexistence d’une relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce.

Cette solution vient remettre en cause certaines décisions des juges du fond qui estimaient naguère que la qualification des relations commerciales établies n’était pas subordonnée à l’existence d’un échange permanent et continu entre les parties concernées . En revanche, la décision de la haute juridiction conforte le principe selon lequel le recours à une mise en concurrence avant tout contrat ruine la permanence et la pérennité des relations commerciales en les mettant dans une situation de précarité permanente inapte à justifier la mise en œuvre de l’article L. 442-6, I, 5 du Code de commerce.