Comme vous l’avez constaté le bureau parisien de SSD s’intéresse à la littérature. Emdé ne nous contredira pas, pas plus que notre éditorialiste qui nous signale le dernier texte de Richard Millet. Nous vous avions déjà parlé ce cet écrivain contemporain (voir « A la recherche du temps perdu (deux) : lire Richard Millet .

Je ne peux m’empêcher de vous recommander la lecture de deux « grands petits livres ». D’abord « Novecento : pianiste » en italien « Novecento : un monologo ». Il vous en coûtera moins de 5 euros chez Folio, n° 3634. L’auteur, Alessandro Baricco, un piémontais né en 1958, est l’incontournable auteur de « Soie » (Folio n° 3570). Ce petit texte de 84 pages est le digne frère de « Soie », qui a mon avis est un des chefs-d’œuvre du 20ème siècle.

Tout aussi remarquable est le texte, narration ou roman, de Matthias Zschokke, « Maurice à la poule » (Maurice mit Huhn), prix Fémina étranger 2009. Vous le trouverez chez Points, P2447, au prix de 7 euros, pour 255 pages. Il est difficile de parler de ce livre, d’un écrivain suisse-allemand émigré à Berlin. C’est dôle, émouvant et parfaitement banal. Deux extraits vous donneront un avant-goût de « Maurice à la poule ».

« …c’est sans doute vraiment ça, la vie : jusqu’au dernier jour, nous devons sans cesse refaire les mêmes choses, nous lever, prendre le petit-déjeuner, faire la vaisselle, faire les courses, penser, nous énerver, nous réjouir… » p. 237

« La mode consistant à échapper de temps à autre au train-train quotidien pour quelques jours, de plonger dans une ville étrangère et d’y passer quelques nuits à l’hôtel est récente et, comme toutes les modes, un pur produit de l’économie. Les compagnies aériennes avaient des avions vides à remplir, les hôtels des chambres libres, les boutiques avaient des stocks qui demandaient à être liquidés, les opéras des sièges qui demandaient à être occupés, les musées rêvaient de redonner vie à leurs salles désertes et les restaurants aussi. On s’est donc réuni et l’on a élaboré le concept du week-end dans une ville étrangère. Désormais les avions étaient bien remplis, des couples effectuant des voyages de courte durée étaient serrés les uns contre les autres dans les rangées du fond, livides et transpirants, on volait de Paris à Berlin, de Berlin à Madrid, de Madrid à Londres, de Londres à Rome et de Rome à Saint-Pétersbourg. Partout, l’occupation des hôtels s’accrut, les restaurants n’avaient plus de tables libres, l’économie était florissante. Les gens, en revanche, se sentaient plus lessivés que jamais. A l’étranger, ils passaient en boitant devant de prétendues curiosités que jamais ils n’auraient regardées chez eux, se traînant sur de prétendus boulevards, râlaient plus qu’ils ne respiraient dans des chambres d’hôtel surchauffées ou glaciales dont les fenêtres ne s’ouvraient pas, assistaient en toussotant, les oreilles bouchées, à des opéras de Wagner qu’ils auraient refusés chez eux, et parcouraient à pas feutrés, insensibles et les yeux enflammés, des galeries mondialement connues. » p. 168-169.

Je vous laisse déguster.

Que dire de « Indignez-vous ! » de Stéphane Hessel ? Certes, ce monsieur a 93 ans, oui, il a été résistant, ambassadeur de France et Commandeur de la Légion d’honneur. Le prix de 3 euros est certes avantageux. Vous n’avez pas besoin de retenir l’éditeur, vu que cet opuscule de 28 pages (en réalité 20 pages de texte) se trouve sur les étals de tous les libraires et à la Fnac à tous les étages et devant chaque pupitre du personnel de vente, sensé vous renseigner. J’ai compté pas moins de vingt présentoirs d’« Indignez-vous! » à la Fnac, toujours dans le giron des Pinault, bien qu’en vente depuis plusieurs années. Si personne ne veut de la Fnac, faut-il lire Stéphane Hessel ? La réponse est non.

Il est vrai que ces 2 pages sur la Palestine sont un petit brûlot qui alimente les dîners en ville et les débats culturels et politiques de France 2 et France 3. Monsieur Hessel est farouchement antisioniste, malgré ses origines. Il restera cette phrase grandiloquente, en page 18 « Que des juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable ».

Pourquoi en faire un évènement de librairie plutôt qu’un article qu’aurait publié Le Monde, Le Figaro ou Libération ? Il n’est probablement pas utile de vous parler de la qualité littéraire de ce texte, pas plus que des retournements de veste de Frédéric Mitterrand à propos de Céline. Voilà une initiative qui marquera la mandature de notre actuel ministre de la Culture.

Autre oubli La Revue du mois de décembre, le vingtième anniversaire du suicide de Romain Gary à l’âge de 70 ans, le 2 décembre 1980. Rien à voir avec le coup d’État de Napoléon III, le nabot. Autant Céline est controversé, autant Romain Gary, le métèque, l’immigré, le résistant comme Hessel, continuera à se dresser comme un phare dans la littérature française du 20ème siècle. Connaissez-vous un auteur célèbre, admiré et applaudi, tant pour sa vie aventureuse que littéraire, qui a donné vie à trois autres auteurs : Émile Ajar, Fosco Sinibaldi et Shatan Bogat ?