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Monica Feigerlova, avocate collaboratrice du cabinet Jungmannova (réseau Clifford Chance) à Prague, spécialisée en droit international privé, arbitrage et droit immobilier, a effectué au mois de novembre un stage chez nous.
Elle vous donne ci-après un aperçu du système juridique et judiciaire tchèque.
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La République tchèque s’étend au cœur de l’Europe sur une superficie de 78 886 km2 et compte 10 269 726 habitants. Ce dernier critère la place au 14ème rang en Europe, après la Hongrie, le Portugal et la Biélorussie, avant la Grèce et la Belgique.

La République tchèque est née le 1er janvier 1993, après la scission de la Tchécoslovaquie. Elle est divisée en 14 départements avec Prague comme capitale. L’aspect actuel de Prague résulte de onze siècles de développement. Le centre historique de la ville, avec le panorama unique du Château de Prague, est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. La deuxième ville la plus importante du pays est Brno, suivie d’Ostrava, de Plzeň (Pilsen, célèbre pour sa bière) et d’Olomouc.

La République tchèque fait partie de l’Union européenne depuis le 1er mai 2004. C’est une république parlementaire. Le pouvoir législatif appartient au Parlement, composé de deux chambres – la Chambre des députés (200 députés élus pour 4 ans) et le Sénat (81 sénateurs, élus pour 6 ans). Le pouvoir exécutif appartient au gouvernement, nommé par le Président de la République. Le Président de la République est élu par vote indirect pour 5 ans.

Le cadre juridique

La République tchèque est un pays de droit civil (continental) et les origines du droit remontent au temps de la monarchie d’Autriche-Hongrie. Elle est fondée sur l’État de droit, sur le principe de la démocratie et le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La principale source de la loi est la Constitution de la République tchèque ainsi que la Charte des droits et des libertés fondamentales, suivies des autres lois constitutionnelles (« ústavní zákony »), des lois (« zákony »), des ordonnances du gouvernement (« nařízení vlády ») et des décrets ministériels («vyhlášky»).

Les décisions rendues par les cours et tribunaux donnent des interprétations du droit, qui peuvent ensuite être citées par d’autres juridictions ou autorités à titre de « précédents » ou de jurisprudence. Cependant la jurisprudence ne constitue pas une source de droit.

Le droit européen s’applique également en République tchèque depuis son adhésion à l’Union européenne, comme dans n’importe quel autre État membre. Pour que les accords internationaux, qui lient la République tchèque, soient intégrés à l’ordre juridique, le parlement doit en approuver la ratification, sauf si le droit constitutionnel prévoit, pour un certain type d’accord, de procéder par voie référendaire.

Le système judiciaire

Les deux plus hautes juridictions du système judiciaire sont la Cour suprême (« Nejvyšší soud ») et la Cour suprême administrative (« Nejvyšší správní soud »). La Cour suprême est l’autorité judiciaire la plus élevée en droit civil comme en droit pénal, à l’exception des questions qui relèvent de la Cour constitutionnelle. La Cour suprême siège en particulier pour les recours extraordinaires et est responsable de l’uniformité des pratiques juridiques. Le rôle de la Cour suprême administrative est d’assurer la protection des droits publics des individus et des personnes morales. Un rôle supplémentaire est de s’assurer de l’unité et de la légalité des pratiques décisionnelles des cours régionales et des autorités administratives.

La Cour constitutionnelle ne fait pas partie du système ordinaire des cours. Elle contrôle la constitutionnalité des lois. Elle peut être saisie par tout justiciable lors d’un procès si une loi lui paraît violer la Constitution. Elle a aussi des compétences au niveau des lois électorales et doit vérifier que les traités internationaux sont compatibles avec la Constitution.

Les trois plus hautes juridictions ont leurs sièges à Brno.

Les juridictions de première instance (juridiction d’origine) regroupent principalement les 86 tribunaux régionaux (« okresní soudy »).

Les juridictions d’appel, comprennent les tribunaux régionaux, qui priment les huit tribunaux d’arrondissement (« krajské soudy ») et les deux hautes cours régionales à Brno et à Olomouc (« vrchní soudy »).

Les juridictions sont administrées par le ministre de la Justice, lui-même nommé par le Président de la République.

Les professions juridiques

Au sein du système juridique et judiciaire de la République tchèque, exercent différentes professions juridiques et judiciaires : avocats, notaires, juges, procureurs et officiers d’exécution judiciaire.

Juges
Les juges sont nommés pour une période illimitée par le Président de la République. Les juges sont généralement spécialisés en droit pénal, civil, commercial, administratif, en droit de la famille ou du travail. Les juges non professionnels sont nommés parmi les membres de la société civile.

Procureurs
Les procureurs sont nommés par le ministre de la Justice. Les procureurs représentent l’intérêt public dans tous types d’affaires pénales et dans certaines affaires impliquant des mineurs. Les parquets sont organisés de la même manière que les juridictions (arrondissement, région et Haute cour). Le système est dirigé par le Procureur général installé à Brno qui est responsable de l’organisation centrale des procureurs et des règles régissant la profession. Le gouvernement a le pouvoir de nommer et de révoquer le Procureur général.

Avocats
Les avocats doivent être membres du Barreau tchèque des avocats. C´est une organisation corporative autonome privée. Le Barreau tchèque compte 8,804 avocats actifs inscrits pour une population de 10 million. Il n’existe qu’un seul type d’avocats, néanmoins, chacun se spécialise dans les diverses branches du droit.

Notaires
Les notaires doivent être membres de la Chambre des notaires. Ils fournissent des services juridiques dans les domaines suivants : successions, transfert de propriété, séquestre, actes notariés à force exécutoire, contrats de mariage, gages et registre des gages, vérification et certification.

L’arbitrage

L’arbitrage est reconnu par la loi tchèque comme méthode de règlement des différends. L’utilisation de l’arbitrage s’est développée notamment dans le domaine des contrats internationaux et des différends commerciaux internes. La procédure d’arbitrage est réglementée par la loi n° 216/1994. Le droit tchèque de l’arbitrage est basé sur les principes standards en la matière connus sous les règles de la CNUDCI ou de la CPI.

La décision rendue dans le cadre de la procédure d’arbitrage est définitive et exécutoire. La sentence de l’arbitre ne peut être annulée que pour des motifs définis par la loi. Parmi ceux-ci figurent des motifs techniques, tels que l’incompétence de l’arbitre, ou l’absence d’autorisation accordée préalablement à l’arbitre par les parties, etc. L’arrêt du tribunal annulant la décision de l’arbitre doit être rendu dans le trois mois suivant la date à laquelle la décision a été signifiée à la partie ayant introduit la demande en annulation. La République tchèque est signataire de la Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères.

La cour permanente d’arbitrage la plus connue en République tchèque est la Cour d’arbitrage de la Chambre de Commerce de la République tchèque (« La Cour d’arbitrage tchèque »). La Cour d’arbitrage tchèque a été désignée par l’EURid (European Registry of Internet Domain Names) comme le centre de règlement des différends de l’enregistrement des noms de domaine .eu, en vertu du processus de règlement extrajudiciaire des litiges défini par le règlement CE n° 874/2004.

L’arbitrage financier
Les consommateurs peuvent saisir un arbitre financier des conflits qui les opposent à leurs banques et à d’autres établissements financiers concernant la fourniture ou la facilitation de transferts de fonds et l’utilisation de moyens de paiement tels que les cartes de crédit ou d’autres services bancaires. Depuis l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, l’arbitre financier tchèque est chargé de régler les différends relatifs à des transactions en euros dans l’Union européenne et dans l’Espace économique européen. L’arbitre financier est désigné par le parlement tchèque et doit être une personne de bonne réputation possédant les qualifications et l’expérience requises. L’arbitrage n’est pas obligatoire.