Un franchiseur avait concédé à un franchisé le droit exclusif, limité dans le temps, d’exploiter sous la marque "Le Jardin des fleurs" un magasin situé dans le sixième arrondissement de Marseille. Le contrat prévoyait notamment que "l’exclusivité territoriale implique que le franchiseur s’engage, pendant la durée du présent contrat, à ne pas autoriser l’ouverture d’autres points de vente Le Jardin des fleurs dans le territoire d’exclusivité susmentionné, en dehors de celui du franchisé". Quelques années plus tard, le franchiseur crée un site internet sous l’enseigne "Le Jardin des fleurs" et est immédiatement assigné par le franchisé pour violation de la garantie contractuelle d’exclusivité.

La Cour d’appel prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchiseur au motif que "l’obligation d’exclusivité territoriale essentielle et déterminante pour le franchisé devait le protéger de toute vente à l’initiative du franchiseur, directement ou indirectement, et que la vente sur internet, bien que constituant une vente passive, porte atteinte à cette exclusivité dès lors qu’elle est réalisée sans contrepartie financière pour le franchisé qui, néanmoins, contribue au fonctionnement du site par prélèvement effectué sur la redevance communication qu’il verse au franchiseur”.

La Cour de cassation vient de casser l’arrêt de la Cour d’appel en retenant que "le contrat souscrit par les parties se bornait à garantir au franchisé l’exclusivité territoriale dans un secteur déterminé et que la création d’un site internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente dans le secteur protégé".

La Haute juridiction considère par ailleurs "peu important le règlement CE n° 2790/1999 de la Commission du 22 décembre 1999, inapplicable en l’espèce ".

En effet, pour la Cour, la clause d’exclusivité territoriale ne porte que sur un territoire déterminé or la création d’un site internet n’est pas assimilable à l’implantation d’un point de vente. En estimant qu’il n’y avait pas violation de la clause, la chambre commerciale confirme son interprétation restrictive.
Certes, l’ouverture d’un site internet ne peut matériellement pas être comparée à l’implantation d’un point de vente physique. Cependant la clientèle située dans le ressort géographique du franchisé risque de se détourner de ses services pour acheter sur le net. De ce point de vue le raisonnement adopté par la Cour de cassation fondé uniquement sur une comparaison purement matérielle des conditions de vente est contraire à la fois à la jurisprudence des autorités de concurrence et à la position du droit communautaire.

La Cour de cassation a éludé la question essentielle qui est celle de la compatibilité entre exclusivité territoriale et vente par internet. Pour le droit communautaire de la concurrence, la clause d’exclusivité territoriale n’est pas a priori anticoncurrentielle en raison de ses effets pro-concurrentiel, sauf si elle conduit à un cloisonnement territorial absolu.

En l’espèce, la vente par internet est considérée comme une vente passive donc le contrat de distribution ne peut l’interdire sauf raisons objectives. En revanche, le contrat pourrait interdire le démarchage actif de la clientèle.

Ainsi, à l’instar de Mme Malaurie-Vignal, on pourra regretter que la Cour de cassation n’ait pas rappelé le principe essentiel de la licéité de la revente hors réseau et utilisé cette distinction entre concurrence passive et concurrence active permettant de considérer que le fournisseur ne peut se la réserver et le distributeur ne peut l’interdire même s’il dispose d’une exclusivité territoriale.