CJUE, 13 février 2014, Affaire C-555/13, Merck Canada Inc. c/ Accord Healthcare Ltd et a.

La Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») a rendu le 13 février 2014, une ordonnance précisant la possibilité pour les tribunaux arbitraux d’interroger la CJUE à titre préjudiciel conformément à l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (« TFUE »).

En l’espèce, un tribunal arbitral portugais souhaitait poser une question préjudicielle à la CJUE au sujet d’un litige relatif à une question de propriété industrielle dans le secteur de l’industrie pharmaceutique.

Avant de s’attarder sur cette question, la Cour a examiné la recevabilité d’une telle demande dès lors qu’elle avait été formulée par un tribunal arbitral. En effet, conformément à l’article 267 TFUE, une question préjudicielle doit être transmise à la CJUE par une « juridiction » d’un État membre.

Un tribunal arbitral peut-il être qualifié de telle juridiction au sens de l’article 267 TFUE ?
Pour répondre à cette question par l’affirmative, la Cour a tenu compte d’un ensemble d’éléments, « tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme des règles de droit ainsi que son indépendance ». Elle a considéré que le caractère obligatoire du recours au tribunal arbitral en question lui conférait la nature de « juridiction d’un État membre » au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que ce tribunal arbitral pouvait saisir la Cour d’une question préjudicielle.

Cette décision n’est pas innovante et vient confirmer une solution déjà acquise.

Ainsi, dès 1966, la CJCE reconnaissait qu’un tribunal arbitral présentait « par son institution, son fonctionnement et sa mission, des caractéristiques habituelles des organes juridictionnel », notamment en raison de son indépendance et du caractère obligatoire de la saisine[1]. De même, dès 1989, la Cour a reçu la question préjudicielle d’un tribunal arbitral[2], aux motifs que celui-ci était d’origine légale et que ses décisions étaient contraignantes[3].

Cette décision a toutefois le mérite de revenir sur le caractère temporaire du tribunal arbitral. La Cour confirme que dès lors que la compétence obligatoire de ce tribunal était d’origine légale avec des règles procédurales définies, et en l’absence d’autonomie des parties, le caractère de permanence était constitué.

Si l’on peut se réjouir de la confirmation de la possibilité pour un tribunal arbitral de saisir la CJUE d’une question préjudicielle, un décalage persiste néanmoins entre les tribunaux arbitraux d’origine légale et les tribunaux arbitraux d’origine conventionnelle, qui ne peuvent saisir la CJUE, bien que leurs interrogations puissent également relever de la CJUE.

Cette décision laisse également subsister une certaine incertitude quant à la qualification de « juridiction » au sens du Traité, dès lors qu’un organe peut dans certaines situations être qualifié de juridiction d’un État membre et dans d’autres situations, se voir refuser cette qualité.[4]

Contact : laure.perrin@squirepb.com


[1] CJCE, 30 juin 1966, Vaassen, affaire 61-65. [2] CJCE, 17 octobre 1989, Danfoss, affaire 109/88. [3] Voir également CJUE, 31 janvier 2013, Belov, affaire C-394/11, et CJCE, 27 janvier 2005, Denuit et Cordenier, affaire C-125/04. [4] CE, 4 février 2005, n°269001