Diverses précisions doctrinales et jurisprudentielles intéressantes ont récemment été apportées sur les dépenses exposées par les entreprises dans le cadre de leurs opérations de recherche et de développement.

CHARGE OU IMMOBILISATION DES FRAIS DE RECHERCHE

Avant l’été, le Conseil d’État a, dans un sens favorable aux entreprises, précisé le contour des dépenses de recherche qui – en application des dispositions de l’article 236 du Code général des impôts (« CGI ») – peuvent être immobilisées ou déduites immédiatement, au choix de l’entreprise (CE, 10 juin 2010, n° 312377, 8e et 3e s.-s., min. c/ SAS Hitex).

L’arrêt en question a en effet adopté une conception assez large des dépenses qui entrent dans le champ d’application de l’article 236 du CGI en les définissant par la négative comme toutes celles qui ne sont pas des frais d’acquisition ou de construction d’immobilisations stricto sensu.

Ainsi, les dépenses de recherche et de développement ne perdent par leur caractère de dépenses de fonctionnement, et peuvent donc bénéficier de la faculté d’option pour la déduction immédiate des résultats de l’exercice au cours duquel elles sont encourues, même si elles ont pour objet ou pour effet de servir durablement l’activité de l’entreprise ou d’augmenter la valeur de son actif.

La Haute Juridiction rejette donc la position de l’administration, laquelle avait considéré que des dépenses exposées par la société en cause pour faire expérimenter, par une autre société, un système de commande innovant sur un équipement industriel qu’elle avait précédemment acquis et ce, afin de développer de nouvelles applications, devaient obligatoirement être immobilisées et ne pouvaient fiscalement faire l’objet de déduction que par la voie d’amortissements.

Le Conseil d’État précise en outre que la circonstance que les travaux de recherche soient – comme au cas d’espèce – réalisés par une société tierce dont la société redevable utilise les services, et non directement par cette dernière, n’exclut pas le bénéfice de l’article 236 du CGI.

DÉPENSES DE PERSONNEL ÉLIGIBLES AU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE: ASSOUPLISSEMENTS

Plus récemment, l’administration a assoupli sa position sur les conditions dans lesquelles les dépenses du personnel de recherche « assimilé aux ingénieurs » peuvent être retenues dans le calcul de l’assiette du crédit d’impôt recherche, bien que ces personnes ne soient pas titulaires d’un diplôme d’ingénieur (Rescrit 2010-59 FE du 5 octobre 2010).

On rappellera que, sous certaines conditions, les entreprises peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt dont le montant est en principe égal à 30% du montant des dépenses qu’elles exposent pour la recherche et le développement, parmi lesquelles les dépenses (salaires, avantages en nature, primes et cotisations sociales obligatoires) afférentes au personnel de recherche.

En pratique, le périmètre du personnel de recherche est un enjeu très significatif dans le calcul du crédit d’impôt recherche car non seulement les dépenses de personnel constituent en elles-mêmes généralement le poste le plus important, mais elles déterminent en outre le montant des dépenses de fonctionnement éligibles, lequel est actuellement forfaitairement fixé à 75% du montant des dépenses de personnel de recherche.

A cet égard, le personnel de recherche englobe les chercheurs et les techniciens qui sont affectés aux opérations de recherche. S’agissant des chercheurs, il s’agit des scientifiques ou des ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux, mais également des salariés « assimilés aux ingénieurs », qui ne disposent pas du diplôme correspondant mais ont acquis la qualification au sein de l’entreprise.

Bercy avait initialement retenu une approche assez restrictive de cette notion de salariés « assimilés aux ingénieurs » et exigeait que la qualification d’ingénieur acquise par expérience au sein de l’entreprise, ait fait l’objet d’une reconnaissance assez formelle par l’employeur en fonction d’un certain nombre de critères cumulatifs énumérés dans sa précédente doctrine.

L’administration n’exige plus désormais que la qualification d’ingénieur fasse l’objet d’une reconnaissance expresse et estime qu’un employé non titulaire du diplôme d’ingénieur peut être considéré comme ayant la qualification d’ingénieur dès lors qu’il a acquis au sein de l’entreprise des compétences qui permettent de l’assimiler – par le niveau et la nature de ses activités – aux ingénieurs impliqués dans les travaux de recherche.

EVOLUTION DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE

Alors qu’il semblait acquis que le crédit d’impôt recherche ferait partie de mécanismes épargnés par la rigueur budgétaire de l’automne 2010 (Lire notre article sur Le projet de loi de finances pour 2011) la presse s’était récemment fait l’écho de pressions exercées sur le gouvernement par la majorité parlementaire pour l’enjoindre à réaliser des économies sur ce dispositif en procédant à de profondes modifications. Était semble-t-il notamment envisagée la suppression des taux majorés de crédit d’impôt s’appliquant pour les entreprises entrant dans le dispositif, c’est-à-dire 50% au titre de la première année et 40% la suivante.

Aux dernières nouvelles, cependant, le gouvernement aurait su convaincre sa majorité de ne retoucher le dispositif qu’à la marge. Ainsi, le montant des dépenses de fonctionnement éligibles au crédit d’impôt, actuellement forfaitairement fixé à 75% des dépenses de personnel de recherche comme il a été rappelé ci-dessus, serait désormais limité à un montant égal à 50% du montant de ces dépenses, auquel s’ajouterait un montant égal à 75% des dotations aux amortissements au titre des immobilisations affectées à la recherche, ce qui en pratique devrait conduire à réduire à la marge dans la plupart des cas le montant du crédit d’impôt recherche, surtout pour les entreprises de services.