Le présent article s’intéressera essentiellement aux débats de la matinée.

Étaient présents nombre d’établissements bancaires, d’universitaires, d’administrateurs judiciaires, de mandataires à la liquidation ou encore de conseils juridiques. Plusieurs entreprises ayant connu des difficultés ou connaissant actuellement des situations de crise étaient également représentées.

Introduction

Monsieur Drumen, président du tribunal de commerce de Nanterre, a introduit les débats.
Il a fait une synthèse de l’application de la nouvelle loi de sauvegarde dans sa juridiction et plus généralement sur le territoire français et en a tiré un bilan positif.

Soulignant l’intérêt de cette nouvelle législation quant à une plus grande « anticipation » des situations de crise, il a fait état d’une augmentation significative des démarches spontanées des chefs d’entreprise soucieux de la pérennité de leur société, qui préfèrent contacter directement le tribunal plutôt que d’attendre la « convocation » qui leur serait adressée par le greffe dans la mesure où des difficultés seraient identifiées.

Le tribunal de commerce doit selon lui aider et orienter les entreprises en difficulté mais en aucun cas ne doit jouer un rôle de consultant, rôle laissé aux hommes du chiffre (experts comptables) et du droit (avocats) qui doivent accompagner l’entreprise dans toutes les étapes de sa restructuration.

Le président Drumen a enfin détaillé les différents outils de prévention actuellement à la disposition des juridictions, tel le mandant ad hoc qui connaît un très grand succès puisque 70% des missions confiées aux mandataires permettent une sortie de crise rapide et que cette procédure simple, souple et sans formalisme reste parfaitement adaptée aux besoins des chefs d’entreprise.

Il a également évoqué l’essor considérable de la procédure de conciliation avec homologation, qui permet aux nouveaux investisseurs d’obtenir le privilège dit de « new money » hautement sécurisant et apprécié en particulier, des établissements financiers.

Table Ronde n°1 : EUROTUNNEL

Une table ronde sur le dossier Eurotunnel, a réuni Jacques Gounon, actuel président d’Eurotunnel, le professeur François-Xavier Lucas, l’administrateur judiciaire Christophe Thevenot et monsieur Hess, président de la CNAJNJ, organisme fédérant des administrateurs et mandataires judiciaires.

A propos de cette affaire atypique, considérée, à juste titre, comme un « cas d’école » par les participants, et sur la genèse de laquelle nous ne reviendrons pas ici, il a été souligné l’importance considérable de la dette, véritable « mille-feuilles » dont il fallait impérativement régler le sort pour assurer la pérennité de l’entreprise.

Jacques Gounon a insisté dès le début de son allocution, sur l’importance de la restructuration industrielle qu’il avait menée avant même la restructuration financière (via l’ouverture d’une procédure de sauvegarde) qui n’est intervenue que dans un second temps.
Il a précisé que pendant près d’un semestre, à la mi-2005, il a procédé à la réduction de 30% du personnel de la société, remotivé les équipes et permis à l’entreprise de retrouver un dynamisme certain.

Une fois ce redressement industriel mené d’une « main de fer », il était nécessaire de passer au redressement financier et de convaincre les quelques 135 créanciers présents, de diviser la dette par deux, passant de 9 milliards d’euro à seulement 4,16 milliards d’euro.
Cette réduction extrêmement importante de la dette (abandon de créance de 5 milliards d’euro) a dû être répartie entre les différents créanciers selon leur rang.

Le comité des créanciers senior a donné son accord au mois de janvier 2006. Au mois de mai 2006, le plan de restructuration global de la dette a pu être présenté aux principaux obligataires.

Ce plan réalisé avec les créanciers obligataires principaux n’a laissé guère de choix aux créanciers minoritaires que de suivre ces derniers.

Dans un tel dossier, l’intérêt de tous était, bien évidemment, de trouver une solution amiable et rapide, permettant de sortir d’une crise avérée.

Une fois ce plan de restructuration adopté, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de sauvegarde, le 2 août 2006, au bénéfice de la société Eurotunnel, afin que puisse être homologué, un protocole global permettant le redressement de la société.

La date butoir à laquelle le plan de sauvegarde devait être adopté a été fixée au 15 mai 2007, l’ensemble des parties présentes lors du colloque étaient confiantes sur l’aboutissement des négociations et la pérennité de l’entreprise.

Les administrateurs judiciaires d’Eurotunnel ont insisté sur le fait que cette procédure de sauvegarde était « hors norme », compte tenu de l’importance de la dette et a nécessité un travail de réflexion approfondi du fait de la nouveauté des textes applicables, notamment concernant la création des comités de créanciers.

Monsieur Thévenot a également indiqué qu’il avait fallu jongler avec les différents délais applicables à la procédure, notamment compte tenu du nombre des parties en cause.
Le professeur François-Xavier Lucas a, quant à lui, exposé les différents critères d’entrée et de sortie de la procédure de sauvegarde régie par l’article L620-1 du Code de commerce.

Il a précisé que la procédure était ouverte à la seule demande du débiteur (chef d’entreprise), ce monopole étant « inhabituel » dans le cadre des procédures collectives.
Toutefois, il a rappelé que si le débiteur était seul maître de la décision de se placer sous la protection de la sauvegarde, le juge et le tribunal avaient un pouvoir souverain d’appréciation des critères et qu’il était tout à fait possible que l’entreprise puisse finalement être mise en redressement judiciaire ou même en liquidation judiciaire selon la gravité de la situation. Il a précisé que la procédure de sauvegarde ne pouvait perdurer au-delà d’une période de 18 mois.

Faisant le parallèle entre les dossiers Eurotunnel et Photoservice, il a indiqué que dans les deux cas les tribunaux avaient affaire à l’application d’une nouvelle loi, très protectrice des intérêts des sociétés en difficulté et leur permettant de sortir rapidement de situations difficiles.

Pour lui, l’intérêt de la procédure de sauvegarde est la rapidité qui permet d’apprécier au plus tôt les difficultés de l’entreprise et donc de les régler sans délai.

Table Ronde n°2 : les étapes clé du retournement de la société en difficulté

Étaient présents plusieurs spécialistes du secteur, avocats, experts comptables, administrateurs judiciaires (Maître Chriqui) et également investisseurs financiers.

L’ensemble des intervenants ont insisté sur la nécessaire complémentarité entre les experts financiers, les avocats, l’administrateur judiciaire et le management de l’entreprise en difficulté.

Il a été remarqué à plusieurs reprises qu’en cas de difficulté, le temps pour l’entreprise s’accélérait et que les maîtres mots étaient rapidité d’intervention, restauration de la confiance, transparence et vision d’avenir.

Le représentant d’un fond d’investissement a indiqué que le chef d’entreprise en difficulté devait impérativement faire appel à des tiers spécialisés afin de l’aider à prendre en charge la situation car le chef d’entreprise, avant tout manager, n’avait pas connaissance des mécanismes particuliers lui permettant de sortir de la crise à la différence des spécialistes confrontés quotidiennement à ce type de situation.

L’expert comptable, quant à lui, a indiqué qu’en cas de difficulté, il était impératif de sortir très rapidement des comptes prévisionnels permettant de bâtir une stratégie et ainsi de pouvoir rassurer les tiers clients et le dirigeant. Il a également insisté sur la nécessité d’une approche humaine et psychologique de la personne même du dirigeant confronté à la situation.

Le dirigeant en difficulté, a en effet, « peur qu’on lui vole sa société, peur pour son statut social, son patrimoine, sa rémunération… », un non-dit particulièrement délicat à gérer et représentant un pan essentiel du travail du conseil.

A également été souligné, l’importance en ces temps de crise d’une bonne utilisation de la communication pour rassurer les tiers et renforcer la crédibilité de l’entreprise en redressement (usage des médias).

Administrateurs, experts et conseils sont également tombés d’accord sur l’utilité dans certains cas du recours à un manager externe chargé de venir en support du dirigeant confronté aux difficultés de son entreprise et permettant en un délai très réduit de remotiver les équipes et d’identifier les points forts et points faibles de l’entreprise.

La table ronde s’est achevée par l’étude de la reprise de la société Léon de Bruxelles menée par Monsieur Detry dans un contexte difficile et particulièrement sensible compte tenu du nombre de sociétés concernées (36) et donc d’individualité à gérer.

Dans ce cas spécifique, le travail de l’investisseur repreneur a surtout consisté en une négociation acharnée avec des établissements bancaires dont le soutien était une condition essentielle à la poursuite de l’activité et à la pérennisation de l’entreprise.

Cette reprise s’est traduite par un succès remarqué, puisque de 36 établissements, la société est passée à ce jour à 46 et que bientôt une centaine environ devraient voir le jour.
Monsieur Detry a insisté sur l’importance au cas d’espèce du recours à un manager spécialisé tiers à l’entreprise venu redonner du sang neuf à l’équipe et ayant permis d’améliorer considérablement les résultats de l’entreprise.

Table Ronde n°3 : entreprises en difficulté et management de crise

Le modérateur était entouré de conseils en management opérationnel et en management social.

Les intervenants ont insisté sur la nécessité de disposer d’un mandat très clair définissant avec précision le degré d’intervention du manager externe.

L’ancien PDG de la société CIPA, entreprise familiale suisse spécialisée dans la fabrication d’encre pour billets de banque, est venu témoigner de l’intervention bénéfique d’un manager opérationnel dans son entreprise, lorsque celle-ci a connu des difficultés, notamment liées à une branche spécialisée dans les encres pour grand public devenue déficitaire au fil du temps, du fait de la concurrence asiatique.

Il a indiqué que dans cette entreprise à l’actionnariat familial et donc conservateur, le recours à un manager extérieur avait été un choix salutaire, ces derniers ayant pu, de par leur expérience et également leur indépendance, identifier rapidement les mesures à prendre permettant le redressement rapide de l’activité de l’entreprise (pas de « langue de bois »).

Le président a souligné qu’en l’absence d’intervention de ces managers opérationnels, il est fort probable que le management en place antérieurement n’aurait pu prendre les mesures nécessaires et aurait laissé la situation se dégrader.

Ainsi, en deux mois de temps, un plan de restructuration globale a été établi et le chiffre d’affaire de l’activité a considérablement augmenté.

L’ensemble des acteurs ont relevé que le point le plus difficile dans la mission de management externe était l’intégration de l’équipe nouvellement arrivée avec l’ancien management inquiet de perdre tout pouvoir et contrôle de la société.

Dans de telles situations, une période d’adaptation est donc à prévoir afin que les équipes se rencontrent, fassent connaissance et arrivent par la suite à se respecter pour « travailler ensemble à la pérennisation de l’entreprise ».

Cette table ronde s’est achevée par l’intervention remarquée d’un manager en liaison sociale chargé de faire le lien entre les partenaires sociaux et le management, notamment dans les situations de crise comme grèves, débrayages ou arrêt de production, courantes dans les secteurs de l’industrie, notamment automobile.

Ce type de conseil spécialisé occupe de plus en plus une place importante lors des procédures de restructuration entraînant notamment des réductions importantes du personnel et permet, de par un dialogue avec les syndicats et les personnels concernés, de faire accepter la nécessité du changement et donc le plan envisagé. Cet interlocuteur relance le dialogue (généralement rompu) et intervient comme une soupape de sécurité dans les caps difficiles.

Le manager a évoqué plusieurs situations réelles justifiant l’intérêt du recours à de tels services pour éviter le blocage, en symbiose avec les conseils habituels de l’entreprise.

Conclusion

Ce colloque sur la sauvegarde et le retournement d’entreprise marqué par une participation active de l’auditoire tout au long des différentes interventions, a permis de mettre en exergue la demande importante d’information et de conseil de la part des acteurs de ce type de procédures toujours plus complexes à gérer.

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Nos compétences

Hammonds Hausmann dispose d’une expérience reconnue en matière de prévention des risques, restructuration et conseil en retournement.

Grâce à une équipe dédiée, disponible et rompue aux procédures d’urgence et aux stratégies de crise, alliant les compétences du corporate finance et du contentieux, nous sommes à même d’assister et conseiller notre clientèle lors de la résolution des difficultés susceptibles de se poser.

Nous sommes intervenus au cours de ces derniers mois sur plusieurs opérations d’envergure apportant notre savoir-faire à des entreprises en difficulté dans des secteurs variés (vente de biens / informatique), à des créanciers soucieux de protéger leurs intérêts face à des clients en difficulté (automobile / énergie / santé), ou encore à des obligataires (établissements financiers).

Contact client : Christian Hausmann