Définition générale du détachement et textes en vigueur

Un travailleur détaché au sens de la sécurité sociale est un salarié envoyé par son employeur dans un autre État en vue d’y fournir un service à titre temporaire, pour le compte de son employeur dont il reste le subordonné. Dès lors que la France est liée avec le pays d’accueil par une convention de sécurité sociale et sous réserve que l’employeur obtienne un certificat de détachement, le salarié détaché continue de relever du système de sécurité sociale de son pays d’origine.

À ce jour, outre les pays membres de l’Union européenne et la Suisse, la France est liée à une quarantaine d’États et territoires.[1] La France est également liée à l’Ile de Man dans le cadre de la convention franco-britannique de 1956.

Au niveau de l’Union européenne, la directive relative au détachement date de 1996. Elle prévoyait que les salariés détachés, qui restent salariés de leur entreprise d’origine et soumis au droit de leur pays d’origine, bénéficient cependant d’un noyau dur de droits qui sont en vigueur dans l’État membre d’accueil où la tâche est accomplie, à savoir :

  • Les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;
  • La période minimale de congé annuel payé ;
  • Les conditions de mise à disposition de travailleurs par l’intermédiaire d’entreprises de travail intérimaires ;
  • La santé, la sécurité, l’hygiène au travail ;
  • L’égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

Pourquoi cette réforme ?

En mars 2016, la Commission européenne a proposé une révision ciblée de la directive de 1996 concernant le détachement en vue de formaliser le principe d’ « un salaire égal à travail égal en un même endroit » et de lutter contre les pratiques déloyale dites de « dumping social ».

Après deux ans de négociations, le Parlement européen a voté la révision par la Directive n°2018/957, le 29 mai 2018, approuvée par le Conseil européen le 21 juin 2018. La Directive n°2018/957 a été publiée au journal officiel de l’Union européenne le 9 juillet 2018 et est entrée en vigueur le 29 juillet 2018.

Le délai de transposition par les États-membres est fixé au 30 juillet 2020.

La loi « Avenir professionnel » adoptée le 1er août 2018, mais objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel depuis le 3 août 2018 [2], empêchant sa publication au Journal Officiel, contient un article 93 visant à habiliter le gouvernement à transposer la directive en droit français par ordonnance, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi.

Les principales mesures de cette révision « ciblée »

Durée maximale du détachement (hors procédure de demande d’extension exceptionnelle de l’article 16 du règlement n°883/2004) : jusqu’à 18 mois (période initiale 12 mois + 6 mois d’extension): La durée du détachement sera de 12 mois avec possibilité d’extension à 18 mois, en justifiant le besoin au pays d’accueil alors que cette durée maximale de détachement était jusqu’à présent de 24 mois (hors demande de dérogation exceptionnelle de l’article 16 du règlement n°883/2004 renvoyant aux conventions bilatérales).

Rémunération des travailleurs détachés : « à travail égal, salaire égal au même endroit ». La rémunération des salariés détachés ne devra plus seulement respecter les minimas légaux du pays d’accueil, elle devra être égale au salaire des travailleurs locaux en intégrant toutes les primes auxquelles ils ont droit (ce qui revient à étendre les primes résultant des conventions collectives applicables en France aux salariés détachés, ce qui n’était pas le cas auparavant). Par ailleurs les États membres auront l’obligation de publier et mettre à jour sur un site internet national officiel unique (listé par la Commission) les éléments constitutifs de la rémunération et les conditions de travail et d’emploi devant être respectées conformément à la législation nationale ;

Application de la convention collective à tous les salariés détachés. Le noyau dur applicable aux salariés détachés englobera dorénavant les dispositions législatives, réglementaires et administratives de l’Etat d’accueil, convention collective d’application générale (ANI étendu/ CCN étendues) ;

Deux nouvelles matières pour lesquelles les règles de l’État d’accueil doivent être appliquées aux salariés détachés comme aux salariés locaux (noyau dur). Le nouveau texte ajoute :

  • Les conditions d’hébergement des « travailleurs », lorsque l’employeur propose un logement aux « travailleurs » éloignés de leur lieu de travail habituel ;
  • L’obligation de remboursement/défraiement des dépenses de voyage, logement, nourriture du salarié, ces sommes ne pouvant pas être déduites de la rémunération du salarié.

Maintien de règles spécifiques au secteur des transports routiers

L’application de la directive révisée est différée pour ce secteur, le temps que les négociations sur le « paquet mobilité » arrivent à terme (le 4 juillet 2018, le Parlement européen a refusé d’entériner les trois textes proposés par la commission transport du Parlement européen dont l’un portait sur les règles de détachement).

Cet article a été écrit par Delphine Monnier


[1] : L’AlgérieAndorrel’Argentinele Béninla Bosnie-Herzégovinele Brésille Camerounle Canadale Cap-Vertle Chilile Congola Coréela Côte d’Ivoireles États-Unisle GabonGuerneseyl’IndeIsraëlle JaponJerseyle Kosovola MacédoineMadagascarle Malile Marocla MauritanieMonacole Monténégrole Nigerla Nouvelle Calédonieles Philippinesla Polynésie françaisele QuébecSaint-MarinSt-Pierre-et-Miquelonle Sénégalla Serbiele Togola Tunisiela Turquie  et l’Uruguay.
[2] Le Conseil constitutionnel a un mois pour se prononcer à compter de sa saisine.