La Cour de cassation a longtemps adopté une lecture restrictive des dispositions légales encadrant le régime social des sommes versées au salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail : toutes les sommes versées au salarié autres que celles précisément listées à l’article 80 duodecies du CGI, auquel renvoie l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, devaient ainsi être assujetties à l’ensemble des cotisations sociales applicables, y compris lorsqu’elles étaient versées dans le cadre d’une transaction afin de réparer un préjudice allégué par le salarié et mettre ainsi un terme à tout litige entre les parties.

Selon cette lecture restrictive, une indemnité transactionnelle versée à un salarié après la rupture anticipée d’un CDD pour faute grave devait par exemple automatiquement être assujettie à cotisations sociales, la Cour de cassation statuant en effet expressément que « les sommes accordées, même à titre transactionnel, en cas de rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée ne sont pas au nombre des celles limitativement énumérées par l’article 80 duodecies du code général des impôts auquel renvoie l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale » (Cass. 2e civ. 7 octobre 2010 n° 09-12.404 FS-PB).

Dans deux arrêts rendus le 15 mars 2018[1], la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence de manière significative et remarquée, en visant à deux reprises le même attendu de principe, selon lequel : « il résulte (…) de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d’exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice ».

Par trois arrêts en date du 21 juin 2018, la Cour de cassation confirme cette jurisprudence, en précisant notamment que les sommes accordées à titre transactionnel et versées en complément des indemnités de licenciement ou de départ volontaire – lesdites indemnités ayant été versées en l’espèce dans le cadre d’un PSE – ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées par l’article 80 duodecies du CGI et qu’elles sont en conséquence soumises aux cotisations de sécurité sociale en application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, « à moins que l’employeur ne rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice ».

Il en résulte que toute créance indemnitaire versée par l’employeur à un salarié à l’occasion de la rupture de son contrat, quel qu’en soit le motif, peut échapper à l’assujettissement aux cotisations sociales, quand bien même cette indemnité n’est pas expressément visée par les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale et 80 duodecies du CGI, si l’employeur peut rapporter la preuve que la somme ainsi versée indemnise effectivement un préjudice.

La Cour de cassation rappelle en outre dans ces cinq arrêts que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve de nature à caractériser l’existence et la réparation proportionnée dudit préjudice.
Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors de la rédaction des protocoles transactionnels pour bénéficier utilement de cette évolution jurisprudentielle tout en réduisant autant que possible le risque de réintégration de tout ou partie du montant de l’indemnité transactionnelle dans l’assiette des cotisations sociales.