Souvent, le juriste qui veut donner un exemple de contrat à objet illicite sombre dans la caricature (« tu ne vendras pas ton père ou ta mère », même à ton meilleur ami…). Plus sérieusement, une affaire récente donne un exemple de contrat à objet illicite qui doit retenir l’attention de tous les professionnels soumis, pour leur activité professionnelle, à une obligation d’agrément préalable.

Dans cette affaire, une société de gestion agréée avait conclu un contrat de travail de gérant de portefeuille à temps partiel avec une personne physique et, parallèlement, un contrat d’apporteur d’affaires avec la société dont cette personne était l’unique associée. D’après ce contrat d’apport de clientèle, la société de gestion reversait à la société unipersonnelle 80 % des honoraires perçus de la clientèle apportée par cette dernière, sous déduction des salaires et charges de l’associée unique, salariée de la société de gestion. Poursuivie pour non-paiement des sommes dues au titre du contrat d’apporteur d’affaires, la société de gestion a déclaré n’avoir rien à payer car son apporteur d’affaires n’était pas agréé, ce qui rendait l’objet du contrat illicite.

Cette analyse, admise par la Cour d’appel de Paris (arrêt du 18 mai 2007) vient d’être confirmée par la Chambre commerciale (le 4 novembre 2008). Pour la Haute juridiction, le contrat d’apporteur d’affaires avait bien « pour objet de permettre à (l’associée unique), présentée comme employée de la société de gestion, d’exercer de manière autonome une activité propre de gestion de portefeuille pour laquelle elle ne disposait pas de l’agrément requis ». La nullité du contrat d’apporteur d’affaires pouvait donc parfaitement être prononcée « en raison du caractère illicite de son objet ».

Cet arrêt confirme, en matière financière et d’agrément des sociétés de gestion de portefeuille, la sanction classique de droit privé. Traditionnellement, les opérations réalisées sans agrément sont frappées de nullité d’ordre public. Mais il était un peu difficile de savoir exactement ce que cela voulait dire. En se fondant sur l’article 1128 du Code civil, la Chambre commerciale a choisi de renvoyer à la théorie des choses hors commerce. Ainsi, la clientèle d’une société non agréée ne peut pas faire l’objet d’un contrat. Un tel contrat, dont l’objet est illicite pour défaut d’agrément de l’apporteur d’affaires, est frappé d’une nullité d’ordre public.

Il faut en tirer des leçons pour toutes les professions soumises à agrément ou contrôle d’une autorité de tutelle. Elles ne peuvent déléguer, sous-traiter ou signer des contrats générant un flux d’affaires qu’avec des professionnels eux-mêmes agréés. Bien entendu, quelques malins pourraient penser qu’il vaut mieux signer autant de contrats de ce type que possible, pour éviter d’avoir à payer son contractant mal informé. Mais rappelons à ceux ci un autre principe que les juges oublient rarement : nul ne peut invoquer sa propre turpitude…