Le rapport 2008 du Comité consultatif pour la répression des abus de droit, récemment publié par l’Administration fiscale (BOI, 13 L-7-09, instruction du 24 juin 2009) fait état d’une affaire dans laquelle le Comité a refusé de regarder comme abusive l’utilisation d’un PEA.

Convaincue dès l’origine que le régime fiscal favorable du PEA a été mis en place pour le seul bénéfice de la « veuve de Carpentras », l’Administration fiscale a toujours vu d’un mauvais œil l’exonération des plus-values réalisées et dividendes perçues pour des montants substantiels dans le cadre de PEA, en particulier lorsque les titres qui en sont à l’origine sont détenus par des personnes qui disposent d’une participation significative dans la société et y exercent leur activité professionnelle.

Dans l’affaire en cause, en vue d’acquérir une partie des titres d’une société dont il avait été salarié, le contribuable avait constitué une structure de reprise avec un associé et procédé, à cette occasion, à un apport d’un montant de 48.871 € qui lui donnait droit à une participation de 21% (inférieure au plafond de 25% au-delà duquel les titres ne sont plus éligibles). Grâce aux apports des associés, la société créée avait pu acquérir une participation de 76% dans la société cible, le solde étant acquis par divers fonds d’investissement. Moins de trois ans plus tard, le contribuable avait cédé sa participation à une société britannique pour un prix de 6.854.940 €, soit une plus-value d’un montant de 6.809.159 €.

Selon les services fiscaux, les titres de la société de reprise avaient été inscrits dans le PEA pour une valeur de convenance dans le seul but de contourner la règle de plafonnement des versements dans un PEA, et ils avaient donc appliqué la procédure de l’abus de droit pour imposer le cédant tant sur la plus-value réalisée que sur les dividendes qu’il avait perçus au cours de l’année de cession des titres.
Le Comité n’a pas partagé cette analyse et a relevé, à juste titre, que la valeur d’inscription des titres de la structure de reprise dans le PEA – qui n’est autre que la valeur nominale pour laquelle le contribuable les avait souscrit – ne peut constituer une valeur de convenance puisque les apports en question avaient permis à la structure de reprise d’acheter des titres de la société cible exactement au même prix que celui auxquels des tiers – les investisseurs associés au financement de l’opération – les avaient acquis. Ayant en outre constaté le fonctionnement normal des organes sociaux de la société et la réalité de son activité économique, le Comité ne pouvait qu’émettre un avis défavorable à la mise en oeuvre de la procédure de l’abus de droit.

Si l’Administration s’est rangé à cet avis au cas particulier, il est à craindre qu’elle se réserve le droit de continuer à invoquer la procédure de l’abus de droit au titre de l’utilisation de PEA, notamment sur le terrain de l’inscription des titres à un prix de convenance, lorsque les circonstances lui paraîtront moins favorables au contribuable que dans le cas d’espèce où il était possible d’opposer l’acquisition par des tiers à la même date et au même prix. Cependant, il ne nous semble pas que la solution aurait dû être nécessairement différente si la structure de reprise avait acquis la totalité des titres de la cible sans faire entrer d’autres investisseurs. En allant plus loin, il n’est pas rare que les fondateurs d’une entreprise constituent une société par apport en numéraire avec un capital très faible et soient en mesure de faire entrer, peu de temps après, des investisseurs extérieurs sur la base d’une valorisation nettement supérieure. Cela signifie-t-il, pour autant, que la valeur nominale à laquelle les fondateurs inscriraient les titres dans un PEA serait inévitablement une valeur de convenance caractéristique d’un contournement dans les limites de fonctionnement du PEA ? Nous ne le croyons pas, mais la prudence est évidemment de mise.