Le 10 juillet 2013, l’Autorité de la concurrence a publié ses nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, à savoir les situations dans lesquelles deux entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, lorsqu’elles créent une entreprise commune ou qu’une entreprise prend le contrôle d’une ou plusieurs autres.

Le contrôle des concentrations est régi en France par les articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce. La tradition des lignes directrices, en tant que complément à ces textes, émane de la DGCCRF [1], laquelle était chargée du contrôle des concentrations jusqu’en 2008. Les premières lignes directrices de l’Autorité de la concurrence de décembre 2009, reprenaient en grande partie celles auparavant utilisées par la DGCCRF.

Le nouveau texte, qui présente en définitive peu de changements fondamentaux, permet principalement de prendre en compte l’expérience de l’Autorité de la concurrence acquise en presque quatre ans, de même que la jurisprudence du Conseil d’État et la pratique au sein du Réseau Européen de la Concurrence[2]. Les nouvelles lignes directrices constituent ainsi un mode d’emploi complet sur les procédures suivies devant l’Autorité de la concurrence ainsi que de ses méthodes d’analyse.

L’adoption de lignes directrices répond à un effort de pédagogie ainsi qu’à une exigence de sécurité juridique pour les entreprises concernées. L’Autorité de la concurrence a en effet traité plus de 700 dossiers depuis 2009. Clarifier les règles et la procédure applicables a donc une réelle utilité pour les entreprises et permet en tout état de cause une plus grande célérité dans l’examen des opérations.

Comme débattu lors du colloque organisé par la revue Concurrences le 23 juillet 2013, les principales avancées qui ressortent des nouvelles lignes directrices concernent  les points qui suivent.
 


[1] La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) est une direction du ministère de l’Économie et des Finances. [2] Un développement sur les échanges d’informations entre les autorités européennes en charge du contrôle des concentrations en cas de notifications multiples a notamment été ajouté dans la nouvelle version des lignes directrices.

Phase de pré notification

L’Autorité de la concurrence s’engage à ce qu’un rapporteur soit nommé dans les 5 jours ouvrés suivant l’envoi d’une présentation de l’opération ou d’une version préliminaire du dossier de notification de la concentration.

L’Autorité de la concurrence a ainsi pour volonté d’encourager les entreprises à recourir davantage à cette phase informelle, qui minimise souvent le risque d’incomplétude pour les entreprises concernées, en permettant une discussion en amont sur d’éventuels problèmes liés à la contrôlabilité, aux spécificités, ou aux éventuels problèmes de concurrence soulevés par l’opération.

Dérogation à l’effet suspensif

L’Autorité a également apporté des précisions sur la procédure de demande de dérogation à l’effet suspensif du contrôle des concentrations. Ces requêtes sont en principe systématiquement acceptées en cas de « rachat à la barre » mais ne doivent en aucun cas être interprétées comme un droit de déroger à l’obligation de notification.

Procédure simplifiée

L’Autorité de la concurrence précise les conditions d’éligibilité à la procédure simplifiée, créée en 2011, qui permet d’obtenir une décision dans un délai de quinze jours ouvrés lorsque l’opération n’est pas susceptible de poser de problèmes de concurrence. Cette procédure est applicable lorsque :

  • le ou les acquéreurs ne sont présents ni sur les mêmes marchés que ceux sur lesquels opèrent la ou les cibles, ni sur des marchés amont, aval ou connexes, ou
  • lorsque l’opération est contrôlable uniquement en application de l’article L. 430-2, II,  du Code de commerce concernant le commerce de détail et qu’elle n’entraîne pas un changement d’enseigne du ou des magasins de commerce de détail concernés.

Analyse concurrentielle

En ce qui concerne l’analyse concurrentielle, l’Autorité de la concurrence a affiné la délimitation des marchés pertinents notamment pour les marchés locaux ou encore les marchés agricoles mettant en présence les acteurs de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution.

Modèle d’engagements de cession et contrat type de mandat

Le Président de l’Autorité de la concurrence, Monsieur Lasserre, a rappelé lors du colloque du 23 juillet 2013 que les engagements structurels sont préférés aux engagements comportementaux et qu’en tout état de cause, ces derniers sont réservés aux concentrations verticales ou conglomérales.

L’Autorité de la concurrence a en ce sens mis en place dans ses nouvelles lignes directrices, des modèles d’engagements de cession ainsi que des contrats de mandat [3] et précise la procédure de sanction en cas de non-respect des engagements ou des injonctions au sens de l’article L. 430-8, IV, du Code de commerce.

Lesdits modèles ont pour objectif de « faciliter, sécuriser et homogénéiser la pratique des entreprises à l’occasion de la phase cruciale que constituent les engagements ». L’expérience acquise par l’Autorité de la concurrence montre en effet « qu’il est nécessaire d’anticiper, très tôt dans la procédure, d’éventuelles cessions d’actifs lorsqu’une opération de concentration, notamment en cas d’acquisition d’un concurrent ou de fusion entre concurrents, pose des problèmes de concurrence » [4] [[5]]url:http://larevue.ssd.com/admin/zone/content/#_ftn5 .


[3] Pour les élaborer, l’Autorité de la concurrence s’est inspirée des modèles existant au niveau de la Commission européenne et d’autres autorités de concurrence.
[4]  Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence du 10 juillet 2013
 

Guide de soumission des études économique

L’Autorité de la concurrence publie un guide autonome utilisé dorénavant aussi bien pour les procédures de contrôle des concentrations, que pour les procédures antitrust (contentieuses ou avis).

Les nouvelles lignes directrices sont en définitive un guide pratique et fiable que l’Autorité de la concurrence met à disposition des entreprises. Cette dernière s’engage en effet à les respecter pour tout examen d’une opération de concentration sous réserve qu’aucune circonstance particulière à une opération ou aucune considération d’intérêt général ne justifie qu’il y soit dérogé.