Cass. com. 19 janvier 2016, n° 14-19.796, n° 72 FS-P + B

Le Groupement d’Intérêt Économique (GIE) est une forme de personne morale particulière, qui permet à ses membres de mettre en commun leurs moyens, afin de faciliter ou de développer leur activité, de réaliser des économies ou d’augmenter leurs revenus.[1]

Face à cette particularité, la question s’est posée de savoir si le GIE peut lui-même réaliser des bénéfices. Bien que le Code de commerce prévoie expressément que cela n’est pas son but, les juges ont reconnu à plusieurs reprises au GIE la faculté de réaliser des bénéfices et de les distribuer à ses membres en vue de leur permettre d’accroître leurs résultats propres. La jurisprudence a par la suite admis que de tels bénéfices peuvent également être mis en réserve par le groupement dans ses comptes, pour les besoins de la réalisation de son objet légal.

Restait alors en suspens la question des éventuels droits des membres sur ces réserves : un membre sortant peut-il obtenir le paiement d’une part des bénéfices mis en réserves ? Par un arrêt du 19 janvier 2016, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu’un membre exclu ne saurait, en l’absence de stipulation dans le contrat constitutif ou de décision d’assemblée en ce sens, obtenir le paiement d’une part des bénéfices mis en réserves.

La grande liberté d’organisation du GIE et les incertitudes sur les droits des membres

Le Code de commerce laisse une grande liberté d’organisation du groupement à ses membres fondateurs, qui peuvent prévoir dans le contrat constitutif de nombreuses clauses : constitution ou non d’un capital, financement du GIE, admission ou retrait de membres, etc. Si cette liberté donne une grande souplesse aux membres pour organiser le fonctionnement du GIE, elle constitue également un risque pour toutes les hypothèses non prévues expressément dans le contrat.

Lorsqu’une situation n’est pas réglée par une clause du contrat constitutif, et en l’absence de disposition expresse du Code de commerce, c’est aux juges qu’il revient de définir le droit applicable aux GIE.

C’est la situation qui se présente dans la décision du 19 janvier 2016 : un membre d’un GIE a été exclu par les autres membres, et a souhaité obtenir une part des bénéfices qui avaient été mis en réserve par le GIE, estimant que cette part correspondait à des bénéfices qui lui revenaient. Comme aucune disposition du contrat constitutif ne prévoyait une telle hypothèse, et que la décision d’exclusion ne contenait aucune précision à ce sujet, la Cour de cassation devait elle-même définir la solution à une telle situation.
 

L’absence de paiement d’une part des réserves à défaut de clause ou de décision expresse

La Cour de cassation, au contraire de ce qu’avait jugé la Cour d’appel, estime « qu’à défaut de clause statutaire ou de décision d’assemblée en ce sens, le membre du groupement d’intérêt économique qui se retire de celui-ci ou en est exclu ne peut obtenir le remboursement de sa part dans les réserves régulièrement constituées ».
La solution est parfaitement claire, la Cour de cassation prenant le soin à la fois de préciser les cas où s’applique la règle qu’elle édicte (exclusion et sortie volontaire) et les possibilités d’aménager cette règle, soit par une clause du contrat constitutif,[2] soit par une décision d’assemblée.
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Il est donc impératif de prévoir, dans le contrat constitutif du GIE, les droits éventuels des membres sortants sur les sommes que le groupement a mis en réserve dans ses comptes. De façon générale, le contrat constitutif doit prévoir les possibilités qui sont offertes au GIE concernant tout bénéfice que celui-ci viendrait à comptabiliser : sa distribution, sa mise en réserve, les modalités d’une telle mise en réserve (pourcentage des bénéfices, plafond), et les droits dont disposent les membres sur de telles sommes.
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[1] Art. L. 251-1 Code de commerce, al. 2 : « Le but du groupement est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité. Il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même.»

[2] L’arrêt vise, probablement par assimilation aux sociétés, les « clauses statutaires », il n’y a cependant pas de statuts en tant que tels dans un GIE.