A l’origine, la convention de Lugano fut négociée sur le fondement de la convention de Bruxelles du 16 septembre 1968 telle qu’elle était interprétée par la Cour de Justice des Communautés européennes, mais cette dernière n’a pas reçu compétence pour assurer une interprétation de la convention de Lugano, du fait du défaut de caractère « communautaire », comme l’exigeait l’article 293 (ex-article 220) du traité CE.

Afin d’enrayer les risques de divergence d’interprétation entre les deux conventions, trois protocoles additionnels furent adoptés qui obligeaient les juridictions de chaque Etat contractant à prendre en considération la jurisprudence des autres Etats sur les conventions de Bruxelles et de Lugano. Le protocole n°2 avait mis en place un système d’échange d’informations afin de réaliser cet objectif de convergence.

La convention de Lugano délimitait le champ de son application en cas de litige porté devant le tribunal d’un Etat communautaire lié par les deux conventions et présentant des liens étroits avec le territoire d’un Etat uniquement partie à Lugano. Cette dernière s’appliquait :

  • en matière de compétence judiciaire, lorsque le domicile du défendeur ou une clause d’élection de for désignait un Etat de l’AELE,
  • en matière de connexité et de litispendance, lorsque les juridictions relevaient respectivement d’un Etat communautaire partie aux deux conventions et un Etat uniquement partie à la convention de Lugano,
  • en matière de reconnaissance d’exécution, lorsque soit l’Etat d’origine, soit l’Etat requis était partie à la seule partie à la convention de Lugano.

Suite à l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam en mars 1997, qui a conféré à la Communauté de nouvelles compétences relatives à la coopération judiciaire en matière civile, le Conseil a transformé la Convention de Bruxelles en règlement communautaire sur la base de l’article 65 du Traité CE. Ainsi, celle-ci devenait le Règlement (CE) n°44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I », auquel seul le Danemark n’est pas lié.

Par la suite, le Conseil a autorisé la Commission à entamer des négociations en vue de l’adoption d’une nouvelle convention entre la Communauté et l’AELE. Il a été demandé à cette fin, à la Cour de Luxembourg un avis sur la compétence externe exclusive ou partagée de la Communauté pour conclure la nouvelle convention de Lugano. Dans un avis du 7 février 2006, la Cour de Justice a gravé dans le marbre une évolution importante en indiquant que la Communauté était exclusivement compétente en la matière.

M. Franco Frattini, vice-président et membre de la Commission européenne chargé de la justice, de la liberté et de la sécurité, a parlé « d’un tournant dans l’évolution des compétences externes de la Communauté. »

La nouvelle convention de Lugano va aligner ses règles de compétence judiciaire avec celles issues du Règlement Bruxelles I. Ainsi, les règles de dévolution des compétences judiciaires seront désormais similaires dans l’UE et dans les Etats de l’AELE, ce qui va faciliter la reconnaissance et l’exécution des décisions entre ces groupes de pays.

M. Fratini d’ajouter « que cette nouvelle convention témoigne de la confiance mutuelle que nous avons dans nos systèmes judiciaires respectifs et ouvre la porte à des dispositions plus flexibles entre les Etats membres de l’UE et la Suisse, la Norvège et l’Islande, sur le modèle des pratiques communautaires actuelles. Elle permettra de simplifier les procédures en matière civile et commerciale, de renforcer la sécurité juridique et donc de faciliter la vie des citoyens impliqués dans ces procédures. »

L’originalité de cet instrument réside dans le fait qu’il se veut « ouvert », de sorte qu’en sus des Etats membres et ceux issus des derniers élargissements, pourront adhérer à cette convention des Etats européens non-membres de l’UE ainsi que d’autres Etats extra-européens.

A ce jour, 19 Etats ont adhéré à la nouvelle convention de Lugano dont la Norvège, l’Islande et la Suisse. Cette nouvelle convention est sans aucun doute un grand pas dans la concrétisation d’un espace de justice, de liberté et de sécurité en Europe.