La Commission européenne a récemment sanctionné à hauteur de 302 millions d’euros onze producteurs de câbles électriques à haute tension souterrains et sous-marins qui s’étaient concertés pour se partager les marchés et clients à une échelle mondiale pendant une dizaine d’années. Figure au nombre des participants au cartel la société Prysmian, détenue par le fond GS Capital Partners, lui-même alors détenu par la banque Goldman Sachs.

Faisant application de la théorie de l’imputabilité du comportement anticoncurrentiel de la filiale à la société mère la Commission européenne a considéré Goldman Sachs comme solidairement responsable à hauteur d’un tiers de la condamnation de sa filiale Prysmian, soit 37,3 millions d’euros.

Il s’agit donc d’un avertissement puissant de la Commission européenne à l’égard des investisseurs financiers.

En effet, si une telle condamnation n’est pas inédite, c’est bien la première fois qu’un investisseur de la taille de Goldman Sachs est dans le viseur de la Commission européenne.

Cette décision vient ainsi confirmer que les investisseurs financiers à l’instar des investisseurs industriels, peuvent être considérés comme exerçant une influence déterminante sur le comportement des sociétés dans lesquelles ils détiennent des participations et partant se voir imputer un tel comportement lorsque ce dernier est anticoncurrentiel.

En l’occurrence, l’influence déterminante exercée par Goldman Sachs sur Prysmian résultait selon la Commission européenne des éléments suivants :

  • des membres du Conseil d’administration de la filiale étaient également membres de Goldman Sachs elle-même et pas uniquement du fond d’investissement détenu par Goldman Sachs,
  • Goldman Sachs a détenu pendant au moins deux ans 100% des droits de vote au sein de la filiale,
  • Goldman Sachs avait le pouvoir de révoquer et nommer le Comité de direction quand elle le souhaitait,
  • des rapports étaient envoyés chaque mois concernant l’activité de la filiale.

La Commission européenne a par ailleurs refusé de tenir compte de la réduction de l’investissement de Goldman Sachs pendant les trois années et demie de sa participation au sein de la filiale.

Malgré la volonté clairement démontrée de la Commission européenne de sanctionner les investisseurs financiers, le risque encouru par ceux-ci doit toutefois être tempéré au regard des éléments retenus par la Commission, ceux-ci démontrant un niveau d’implication particulièrement élevé. Le commissaire à la Concurrence M. Almunia a, à ce titre, précisé que le comportement de Goldman Sachs ne relevait pas de « l’implication normale pour un investisseur financier ».

En effet, c’est bien ce critère de l’influence déterminante ou non de la société mère sur sa société fille qui est au cœur de l’appréciation portée par la Commission sur les relations entre sociétés. Selon la Commission européenne, afin d’imputer le comportement de la filiale à sa société mère, le lien capitalistique entre les deux ne suffit pas. La Commission européenne doit également prouver l’exercice du pouvoir effectif de direction.

Cependant, lorsque la filiale est contrôlée à 100% il existe une présomption d’influence déterminante de la part de la société mère[1]. Cette présomption réfragable en théorie n’a en pratique été renversée qu’une seule fois et dans le cas très particulier d’une holding financière sans aucune activité[2].

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[1] Arrêt AEG, affaire 107/82, 25 octobre 1983 [2] Arrêt Gosselin, affaire 208/08, 16 juin 2011