Cette nouvelle responsabilité consiste en l’obligation pour le banquier de s’informer sur les capacités financières de l’emprunteur et d’alerter celui-ci du risque éventuel d’incident dans le remboursement des sommes dues, au regard de ses capacités financières et de l’endettement né de l’octroi du prêt.

Trois arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 mai 2006 – suivis par plusieurs décision de la même année (voir notamment Cass. Com. 20/06/2006 et 12/12/2006) – ont notamment précisé les critères d’appréciation de la qualité d’emprunteur averti. Ainsi, il a été posé que devait être appréciés in concreto la capacité de l’emprunteur à mesurer les conséquences financières du prêt sollicité, en fonction de ses capacités intellectuelles, de son expérience professionnelle et de la complexité de l’opération.

La Cour de cassation a par ailleurs refusé d’assimiler l’emprunteur professionnel à un emprunteur averti.

Deux arrêts de chambre mixte du 29 juin 2007 ont consacré ces solutions, qui sont depuis régulièrement reprises.

La première espèce concerne un agriculteur ayant souscrit au fil des ans une quinzaine de prêts. Pour s’affranchir du paiement des sommes dues à la banque, celui-ci soutenait que la banque avait manqué à son devoir de conseil et d’information. La cour d’appel n’a pas été sensible à ces arguments, et a condamné l’agriculteur à payer au motif que la banque "n’avait pas d’obligation de conseil à l’égard de l’emprunteur professionnel".

La seconde espèce concerne une institutrice co-emprunteuse de sommes aux côtés de son mari, en vue de l’ouverture du restaurant de celui-ci. L’institutrice se prévalait d’un manquement de la banque à son obligation d’information et la cour d’appel a rejeté cette demande en prenant en compte l’expérience professionnelle du mari.

Dans les deux cas, la Cour de cassation a censuré les cours d’appel au motif qu’elles auraient dû rechercher (1) si les emprunteurs étaient avertis ou non, et, dans l’affirmative, conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue lors de la conclusion du contrat, (2) si la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation à raison des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts.

Ces arrêts apportent plusieurs enseignements :

  • l’obligation de conseil et d’information semble être écartée au profit de l’obligation de mise en garde ;
  • l’établissement de crédit supporte la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de mise en garde, principe qui a été également appliqué dans l’arrêt "Epx Devaud / SA Banque calédonienne d’investissement" (Cass. Com. 11/12/2007) ;
  • la qualité d’averti ou non est appréciée en la seule personne de l’emprunteur, sans que la qualité d’un tiers soit prise en compte (en l’espèce, un conjoint co-emprunteur).

Toujours en matière de prêt professionnel, l’arrêt "Caméfigestion / SCP Margottin-Bach ès qualité" du 11 décembre 2007 est également intéressant. La haute Cour approuve la Cour d’appel de Montpellier en ce qu’elle a constaté, au vu du CV des emprunteurs qu’ils étaient non avertis, mais surtout en ce qu’elle a déterminé que la banque n’avait pas satisfait à son obligation de mise en garde, après avoir analysé les documents comptables présentés à la banque et la situation financière des emprunteurs au moment de la conclusion du prêt.

Un arrêt du 8 janvier 2008 mérite d’être signalé en ce qu’il a logiquement approuvé une cour d’appel ayant mis en évidence le caractère averti de l’emprunteur qui avait contracté un prêt professionnel, se présentant comme "un ancien comptable, dont l’expérience lui serait d’une grande utilité", étant capable d’analyser un bilan et ayant parfaitement conscience du caractère singulier d’une brusque augmentation du chiffre d’affaires, dont ses qualifications lui permettaient de discerner les causes et mesurer le risque.

Enfin, nous ne résistons pas au plaisir de citer un arrêt du 28 mars 2008 rendu par la 1re Chambre Civile en matière de prêt non professionnel.

Les juges du fond avaient retenu l’absence de faute de la banque dans la mesure où l’emprunteur, qui avait une profession de voyant, ne pouvait pas ne pas connaître, sans même avoir à utiliser les dons liés à l’exercice normal de sa profession, quelle était sa situation financière et patrimoniale réelle, et était donc censé s’engager en parfaite connaissance de cause et de bonne foi dans les emprunts qu’il avait dûment sollicités.

La Cour de cassation censure la cour d’appel au motif désormais classique qu’elle aurait dû vérifier que la banque avait bien recherché si l’emprunteur était averti ou non et, dans l’affirmative, si la banque avait satisfait à son obligation de mise en garde.

Il n’est pas nécessaire d’être soi-même chiromancien pour prévoir que d’autres arrêts devraient encore étoffer ce courant jurisprudentiel, dont on peut se demander s’il ne va pas emporter dans ses eaux d’autres banquiers, au titre d’autres opérations bancaires.