Pouvoirs de la Commission dans le cadre des enquêtes relatives au droit de la concurrence

Le règlement européen n° 1/2003 [1] permet notamment au gendarme européen de la concurrence de mener des inspections dans les locaux commerciaux et privés ou encore d’apposer des scellés et d’interroger les personnes, indépendamment de toute autorisation judiciaire préalable.

L’article 20 §4 dudit règlement donne ainsi compétence à la Commission pour adopter et exécuter de manière autonome une décision d’inspection, que seul le Tribunal de l’Union sera habilité à contrôler.

C’est uniquement en cas d’opposition formelle des entreprises visées, que la Commission sera tenue de faire appel à la force publique et devra donc obtenir, en France, une autorisation judiciaire.[2] Le juge national saisi devra alors réaliser un contrôle de la proportionnalité [3] des mesures coercitives envisagées (s’il lui est loisible de demander des explications à la Commission, il ne pourra en aucun cas obtenir les informations présentes au dossier de la Commission).

Mise en cause des décisions de la Commission du fait de l’absence de contrôle par le juge

TPICE, 6 septembre 2013, Aff. T 289/11, T-290/11 et T-521/11

L’arrêt du Tribunal de l’Union rendu le 6 septembre 2013 dans l’affaire « Deutsche Bahn AG e.a. contre Commission » analyse ce droit processuel au vu des principes fondamentaux issus de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« CEDH ») ou encore de la Charte des droits fondamentaux.[4]
 

Consécration du système procédural imposé par le Règlement 1/2003

Le Tribunal de l’Union juge que l’absence d’une autorisation judiciaire préalable n’emporte pas l’illégalité de l’ingérence que constitue une inspection lorsqu’elle est compensée par l’existence de garanties procédurales.
Le Tribunal de l’Union détaille ainsi l’ensemble des garanties apportées par le règlement 1/2003 qui assurent selon lui une protection suffisante des entreprises visées par les inspections, à savoir :

  • la motivation des décisions d’inspection,
  • les limites imposées à la Commission lors du déroulement de l’inspection,
  • l’impossibilité pour la Commission d’imposer l’inspection par la force,
  • l’intervention des instances nationales, et
  • l’existence de voies de recours a posteriori.

Déficit de protection des entreprises visées par les inspections

L’encadrement décrit par le juge traduit cependant un déficit de la protection des droits fondamentaux des entreprises soumises à une enquête de la Commission européenne, notamment sur la question des inspections « incidentes ». Il ne peut en outre pas être soutenu que le contrôle a posteriori du juge de l’Union puisse égaler les effets d’une autorisation préalable.

Notons par ailleurs qu’une entreprise s’opposant à une telle inspection en l’absence d’autorisation préalable du juge national, peut s’exposer à une procédure visant à sanctionner son obstruction à l’enquête, comme ce fut le cas pour l’entreprise Sanofi Aventis en 2008.

Si l’arrêt « Deutsche Bahn AG e.a. contre Commission » apporte une lecture orthodoxe du règlement n° 1/2003, il manque l’opportunité de rétablir la conformité des pouvoirs d’enquête de la Commission, avec les droits fondamentaux des entreprises.


[1] Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité. [2] Voir en ce sens l’article 20 § 7 du règlement (CE) n° 1/2003 susmentionné. [3] TPICE, 6 septembre 2013, France Télécom SA c. Commission, Aff. T‑339/04.
Le juge national doit alors déterminer si les informations transmises par la Commission lui permettent d’exercer le contrôle qui lui est dévolu et de se prononcer utilement sur la demande qui lui est présentée. [4] Les parties soulevaient ainsi l’atteinte au droit à l’inviolabilité du domicile et ceux garantissant un contrôle juridictionnel effectif.