Cass. Civ. 2ème 5 juillet 2018, n°17-20.244

Le secret médical peut parfois être un rempart à la manifestation de la vérité ; et ce d’autant plus que le juge civil ne peut contraindre quiconque à transmettre des informations couvertes par le secret médical sans l’accord de la personne concernée ou de ses ayants droits.

Dans son arrêt du 5 juillet 2018 (pourvoi n° 17-20.244), la Cour de cassation a tenté, au mieux, de ménager les intérêts des parties : d’une part, un assureur au titre d’un contrat d’assurance emprunteur et, d’autre part, un emprunteur tentant d’obtenir la garantie au titre du décès de son co-emprunteur.

Les faits sont presque « classiques » : à la suite du décès d’un emprunteur, le co-emprunteur au contrat, assigne l’assureur pour garantir le remboursement de l’emprunt. A l’issue d’une expertise diligentée par le médecin conseil de l’assureur, ce dernier est informé de ce que le décès serait la conséquence d’une maladie antérieure à l’adhésion au contrat de groupe. Fort de cette conclusion, l’assureur refuse sa garantie en se fondant sur l’exclusion des conséquences « d’une maladie en évolution, d’une maladie chronique ou d’une infirmité antérieures à l’adhésion ».

Le co-emprunteur conteste cette conclusion mais n’apporte, manifestement, aucun élément permettant de contester la conclusion du médecin-conseil.

L’affaire s’est donc cristallisée autour des questions suivantes :

  1. Le co-emprunteur avait-il, ou non, qualité pour solliciter l’accès aux documents médicaux ?

Sur ce point, l’arrêt d’appel est assez logiquement cassé au motif que la Cour d’appel n’a pas recherché si le co-emprunteur n’avait pas effectivement la qualité d’ayant-droit lui permettant d’avoir accès aux documents médicaux de la personne décédée. Etant rappelé que l’ayant-droit peut non seulement être l’époux/épouse, les enfants mais également le concubin.

Il nous semble en effet indispensable de pouvoir « contrôler » l’impossibilité alléguée d’accéder aux documents couverts par le secret médical. A défaut, il serait loisible à l’ayant-droit de l’assuré de contester cette qualité et, ainsi, de tenter d’échapper à la communication (ou aux conséquences de la rétention) de documents n’allant pas nécessairement dans son sens.

D’ailleurs, en l’espèce, le co-emprunteur pouvait vraisemblablement avoir la qualité d’ayant-droit de l’emprunteur décédé puisque le contrat portait sur la garantie d’un camping-car acheté ensemble.

  1. Dans l’affirmative, l’assureur a-t-il les moyens d’établir qu’il détient des « documents susceptibles de démontrer le bien-fondé de l’exclusion de garantie dont il se prévaut » et/ou quelles conséquences tirer de l’absence de communication de documents médicaux par l’ayant-droit de l’assuré ?

Lorsque l’assureur doit se prononcer sur sa garantie à la lumière d’éléments médicaux, il ne peut pas lui-même examiner les éléments couverts par le secret médical mais doit faire appel à son médecin-conseil.

Le médecin-conseil peut avoir accès aux documents médicaux communiqués par l’assuré mais ne peut, en aucune manière, en faire état à son mandant, l’assureur. Il ne peut en effet que répondre à la question qui lui est posée : la pathologie dont est décédé l’assuré était-elle, ou non, préexistante à l’adhésion au contrat d’assurance ?

Ce point est rappelé par la Cour de cassation et ne fait pas débat.

Si le juge civil ne peut exiger la communication de documents médicaux, la Cour de cassation rappelle qu’il peut en revanche tirer les conséquences de l’absence de communication de documents couverts par le secret médical par l’ayant-droit du patient décédé.

Un juge pourrait en effet légitimement conclure du refus d’un ayant-droit de communiquer dans le cadre d’une expertise judiciaire des documents médicaux clés à l’analyse du dossier, que les éléments en sa possession ne viennent pas au soutien de ses intérêts mais, a contrario, de ceux de la partie adverse, en l’espèce l’assureur.

La solution de la Cour de cassation nous semble équilibrée et protéger les intérêts tant :

  • du patient qui doit pouvoir conserver le bénéfice du secret médical, que ;
  • de l’assureur qui ne saurait se retrouver dans une impasse procédurale conduisant à une condamnation quasi-automatique à garantir tout décès liée à une pathologie (à défaut de pouvoir démontrer qu’elle était préexistante).

Contact : stephanie.simon@squirepb.com