L’OUVERTURE DE LA CHASSE

Fin septembre c’est l’ouverture de la chasse. Le gibier à plume, la chasse aux pigeons et au populo, par exemple il y a une semaine, place Tienanmen, pour éviter le moindre risque de débordements lors de la célébration du 60 eme anniversaire de la République populaire de Chine. Mais aussi la chasse au gros gibier, à poils …

Après la passe d’armes entre François Bayrou et Daniel Cohn-Bendit en juin dernier lors des élections européennes, un beau lièvre vient d’être levé, avec un retardement diaboliquement calculé. « La mauvaise vie » est un récit du ministre de la culture et de la communication Frédéric Mitterrand publié en 2005. Dans ces « confessions romancées » un chapitre ambiguë (mais pas une apologie) sur un thème explosif «prostitution et tourisme sexuel ». Malheureuse loi des séries (?), S Berlusconi, R Polanski, F Mitterrand sont critiqués ou rattrapés par des « affaires de mœurs ». Le sujet est brûlant, gardons nous des amalgames, des risques de manipulations, de la calomnie, et essayons de garder un minimum d’objectivité et de sérénité.

Chasse du comte Zaroff ? Chasse aux loups qui hurlent avec les loups ? Chasse aux sorcières ? Ou chasse aux apprentis sorciers ? Ne pas oublier que la polémique commence avec la vieille affaire Polanski, et en toile de fond l’abomination absolue, la chasse et l’exploitation sexuelle des enfants et des mineurs (Il faut voir l’admirable et glaçant « Mystic river » de Clint Eastwood ). S’agissant du ministre de la culture et des extraits dérangeants de son opus, les politiques, les journalistes, les juristes, les jésuites, les intellectuels donnent toute leur mesure. La défense devisera sur les différents sens du mot « éphèbe», la fascination de la transgression chez l’artiste, la critique textuelle, la vérité romanesque et les mensonges fantasmés. Proust , Montherlant, Roland Barthes, peut être, seront appelés à la barre, sans oublier une « cross examination » de Visconti et de Pasolini (amateur de « raggazzi di vita »). Les polémiques et anathèmes appellent les procès de rupture et les combats à fronts renversés. Pas de Salo, saint Antoine, saint Augustin, ou saint Sébastien à la rescousse. Les tentations, les confessions, le martyre. « La conscience met une pincée de sel additionnelle au pêché » (Malcolm de Chazal). Tout cela est classique. Les « Confessions » de Saint Augustin a été l’un des livres de chevet de l’occident.

Sur la morale, à chacun ses démons, à chacun son « Théorème », dans le respect de la loi et des conventions internationales, bien évidemment. Woody Allen est formel, l’acte sexuel est pornographique, surtout quand il est bien fait … Mais sur la politique, attention à ne pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Avec l’exhibitionnisme assumé, pour ne pas dire recherché, et la fusion des genres politique, médiatique et artistique, les retours de flammes et de bâtons font partie du et des jeux, surtout quand ils sont interdits. Les artistes consentants ne peuvent ignorer les grandeurs, ni surtout les servitudes et les coups fourrés (l’actualité en est riche) de la politique. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux. O Wilde, Gide ou Pasolini ne couraient pas derrière les… maroquins… et les légions d’honneurs.
EDOUARD HERRIOT AU BAL DES HYPOCRITES

Bal des « damnés » et surtout le bal des hypocrites qui feignent de s’indigner et de s’étonner de la bassesse (incontestable) des attaques. « La révolution n’est pas un dîner de gala » disait le grand timonier qui en connaissait un rayon (il a cassé beaucoup d’œufs et réussi peu d’omelettes). La politique c’est pareil, et tout cela n’est pas nouveau (l’affaire Markovic, Bill Clinton etc). Edouard Herriot, ancien maire de Lyon, rappelait avec trivialité « La politique c’est comme l’andouillette, ça doit sentir la m…. mais pas trop ». Tout est question de mesure. Etant végétarien je n’ai pas d’avis sur l’andouillette. Il disait aussi, «Appuyons nous sur les principes, ils finiront bien par céder ». C’était la III eme République, les politiques avaient plus d’esprit que de pulsions.

Que la fesse, heu non, « Que la fête commence » (Tavernier, 1975). La marquise députée de Pontcallec contre le cardinal ministre Dubois. Tout cela est moralement glauque et politiquement malsain. Heureusement il reste l’amour et ses paradoxes auxquels Pascal Bruckner vient de consacrer un essai. Roland Jaccard est lucide : « En amour comme en politique n’est vaincu que celui qui s’avoue vaincu. Pour l’art, n’emporte le morceau que celui qui s’abîme dans ses défaites » Cruel dilemme pour notre ministre ! ”Love story” pour essayer de réconcilier tout le monde : « Love means never having to say you are sorry ».

Chasse à l’école buissonnière, enfin, avec le retour d’une bonne vieille méthode qui a fait ses preuves ; les bons points et les images. Après la prime à la casse dans le secteur automobile, la prime à « te casse pas » de l’école. Bientôt une super cagnotte pour les bons-mauvais élèves qui accepteront de laisser aux vestiaires leurs téléphones portables et couteaux à cran d’arrêt.
La « Française des jeux » prévoit même des paris et des concours en lignes sur les établissements dangereux devenus vertueux ; cote de 3 contre 1 pour le collège « Paul Eluard » mais le lycée professionnel « Jean Ferrat » revient très fort à la corde…

Education, après les claques, les clics pour le déclic…Il est bien loin le petit Nicolas (le film est mauvais).

ACTUALITE JURIDIQUE ET JUDICIAIRE

Affaire Clearstream : Après trois semaines de débats, on commence enfin à y voir plus clair; il n’est pas impossible que le Général Rondot ait cherché à bluffer le juge van Ruymbeke en lui faisant croire que Dominique de Villepin pensait qu’Imad Lahoud savait que Nicolas Sarkozy n’était pas convaincu d’une possible manipulation des RG.

Droit de l’environnement : « La pêche aux moules est terminée » chez France Télécom (y compris pour son ex directeur général adjoint, Louis-Pierre Wenes), mais pas pour les conseillers de la 1ère Chambre de la Cour d’appel de Paris qui, depuis le 5 octobre, sont plongés dans le mazout de l’affaire Erika.

Droit comparé : Ils sont fous ces romains ! Les quinze juges de la Cour constitutionnelle italienne viennent d’invalider la loi d’immunité qui protégeait le chef du gouvernement transalpin. Les magistrats ont jugé qu’il était nécessaire d’avoir recours à une loi constitutionnelle et non à une loi ordinaire pour octroyer une immunité pénale aux quatre plus hautes fonctions de l’Etat italien, dont le président du Conseil. La levée de l’immunité pénale totale du chef de l’état, voilà une tentation déraisonnable à laquelle les sages de notre Conseil constitutionnel n’ont pas succombé il y a dix ans.
[Pour le conseil constitutionnel « pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du président de la République ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice » (décision du 22 janvier 1999). L’assemblée plénière de la Cour de cassation dans son arrêt du 10 octobre 2001 a considéré pour sa part que le Président ne peut être poursuivi devant la Haute Cour que pour crime de haute trahison et qu’aucune poursuite ne peut être exercée pendant son mandat pour des actes antérieurs ou étrangers à ses fonctions.]

Droit de la propriété intellectuelle : L’article L 112-2 4 du code de la propriété intellectuelle et la protection des « numéros et tours de cirques ». Guilhem Julia soutient que la manipulation du magicien (assimilée à une « chorégraphie de l’invisible ») peut bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, protection autonome de celle octroyée à l’œuvre de magie (Gazette du Palais, vendredi 24 juillet 2009).

Droit pénal – Rappel : pour réprimer plus efficacement le tourisme sexuel, la loi du 1er février 1994 a élargi le principe d’extraterritorialité des articles 113-6 et 113-7 du code pénal en rendant applicable la loi française aux atteintes sexuelles sur mineur de quinze ans lorsqu’elles s’accompagnent du versement d’une rémunération.
[Le premier procès s’est tenu en 2000 aux assises de Paris et a abouti à la condamnation à sept ans de prison pour viol d’un Français de 48 ans, employé de la RATP, reconnu coupable d’avoir rémunéré pour des rapports sexuels une jeune Thaïlandaise de douze ans.]

Droit de la presse et protection de la vie privée et du droit à l’image : Cela peut rapporter gros aux «célébrités» (en 2008, 16 procès et des gains cumulés de 143.000 e pour Laurence Ferrari, talonnée par Claire Chazal, 17 procès et 102.000 e de gains cumulés), et coûter cher à la presse (« Voici » a été condamné à un montant cumulé de 790.000 e de dommages intérêts en 2008).

LE TITANIC ET L’ARCHE DE NOE

Les écologiste et l’écologie ont le vent en poupe, ça tombe bien pour « Le syndrome du Titanic », l’essai de Nicolas Hulot qui vient d’être porté à l’écran. « Les jours du monde tel que nous le connaissons sont comptés. Comme les passagers du Titanic, nous fonçons dans la nuit noire en dansant et en riant, avec l’égoïsme et l’arrogance d’êtres supérieurs convaincus d’être maîtres d’eux-mêmes comme de l’univers. Et pourtant, les signes annonciateurs du naufrage s’accumulent : dérèglements climatiques en série, pollution omniprésente, extinction exponentielle d’espèces animales et végétales, pillage anarchique des ressources, multiplication des crises sanitaires. Nous nous comportons comme si nous étions seuls au monde et la dernière génération d’hommes à occuper cette Terre : après nous, le déluge ? » (Présentation de l’ouvrage par l’éditeur).

C’est d’autant moins réjouissant que les recettes miracles, ou simplement efficaces à court terme, n’existent pas. Dans la parabole millénariste connaissez-vous la différence entre un professionnel et un amateur ? Le premier a construit le Titanic, le second a construit l’Arche.

Au cabinet Hammonds Hausmann, grâce à votre fidélité, votre confiance, votre exigence, nous ne succombons pas au syndrome du Titanic. Ainsi, le 2 octobre, lors d’une formation « Vendredi Velázquez », nous avons eu le plaisir d’échanger avec une quinzaine d’entre vous sur un sujet d’actualité, « Les contrats par temps de crise ». Les débats ont été riches : l’importance de la bonne foi, la force majeure et la pandémie, les clauses de hardship, l’imprévision et les enjeux du « solidarisme contractuel », la Médiation, mode alternatif ou approprié de régler les conflits, etc.

Pour conclure avec les contrats, deux points de vue. Pour le pessimiste : « Le droit n’est pas fait pour protéger les imbéciles » (Planiol). Pour l’optimiste : « Les contractants forment une sorte de petit microcosme. C’est une petite société où chacun doit travailler dans un but commun qui est la somme des buts individuels poursuivis par chacun, absolument comme dans la société civile ou commerciale » (Demogue).

Décidément, nous sommes tous dans le même bateau !