Cass. soc., 20 janvier 2016, nº 14-21.346 F-D

Alors que le Code du travail réserve aux seuls salariés la faculté de se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement (L.1232-4 du Code du travail), la jurisprudence a également reconnu ce droit à l’employeur, tout en posant des limites.

En premier lieu, la personne assistant ce dernier doit appartenir à l’entreprise, sauf hypothèse particulière du groupe d’entreprises où le directeur d’une filiale peut être assisté du DRH du groupe. 

Ensuite, cette faculté laissée à l’employeur ne doit pas porter atteinte aux intérêts du salarié et ne doit pas avoir pour effet de détourner l’entretien de son objet en le transformant en enquête.

Un tel détournement est généralement caractérisé lorsque l’employeur est assisté de plusieurs salariés intéressés à la procédure (Cass. soc. 10 janvier 1991, nº 88-41.404 : présence de deux chefs de service, dont la victime des violences reprochées, et de deux témoins de l’incident).

Dans l’espèce commentée, une salariée occupant la fonction de facturière avait été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour de graves irrégularités de comptabilité.

Au cours de cet entretien, l’employeur était représenté par le chef d’établissement, le chef du personnel et le responsable boutique, à qui la salariée avait préalablement avoué les faits.

Après avoir été licenciée pour faute grave, la salarié avait contesté son licenciement et soulevait notamment une irrégularité de procédure au motif qu’en raison de la présence de deux de ses supérieurs hiérarchiques aux côtés du responsable d’établissement, elle s’était retrouvée face à un jury et avait été incapable de se défendre.

Par jugement en date du 22 mai 2014, la Cour d’appel de Versailles avait rejeté cette argumentation et considéré la procédure régulière en ce que le représentant du personnel assistant la salariée avait affirmé que l’entretien s’était déroulé dans le respect des personnes et du Code du travail.

Le raisonnement de la salariée est en revanche accueilli par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui estime que l’entretien préalable avait été détourné de son objet, dans la mesure où le responsable d’établissement était accompagné du responsable boutique et du chef du personnel, transformant ainsi l’entretien en enquête. Cette simple irrégularité de procédure, qui ouvre droit à dommages-intérêts, n’affecte pas, en revanche, la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Il est intéressant de constater que dans l’espèce commentée, la Cour de cassation n’évoque pas la notion de « personne intéressée à la procédure ». Est-ce à dire que la seule présence d’au moins deux personnes aux cotés de l’employeur ou de son représentant, peu importe leur qualité, rend derechef la procédure irrégulière ?

À notre sens, la réponse doit être affirmative pour deux raisons : d’une part, la notion de « personne intéressée à la procédure » est incertaine car difficile à définir. Quel supérieur hiérarchique n’est pas, directement ou indirectement, intéressé à la procédure de licenciement de son subordonné ?

En outre, dans la mesure où le salarié ne peut se faire assister que par une seule personne, n’en va-t-il pas logiquement de même pour l’employeur ?

Il a ainsi été jugé qu’en se faisant assister par deux personnes (le directeur opérationnel régional et le responsable des ressources humaines) lors de l’entretien préalable, l’employeur transforme l’entretien préalable en enquête, détournant celui-ci de son objet (Cass. soc. 9 juillet 2003, 01-43634).

On notera que la Cour de cassation n’a jamais tranché, à notre connaissance, la question de l’incidence du niveau hiérarchique des assistants sur la régularité de la procédure.

C’est avant tout l’égalité des armes que le juge du droit s’attache à préserver.

Soucieuse de protéger la partie faible au contrat, la Haute juridiction considère que la présence de plus d’une personne aux côtés de l’employeur ou de son représentant rompt de facto l’équilibre des forces entre les parties, nonobstant l’appréciation concrète du déroulé de l’entretien préalable.

En conclusion, nous conseillons aux employeurs souhaitant être assistés lors d’un entretien préalable à un licenciement d’opter pour la présence d’un seul membre du personnel de l’entreprise, qui pourra apporter, par sa technique, sa connaissance du dossier, un éclairage sur la procédure en cours.

À défaut, ceux-ci s’exposent à une condamnation pour dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure, comme vient le rappeler  le présent arrêt.
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