Projet de loi « consommation » présenté le 2 mai 2013 en Conseil des Ministres
 
Les Présidents Chirac puis Sarkozy avaient promis puis abandonné l’idée d’introduire l’action de groupe en droit français, du fait notamment que l’instauration de ce type de procédure a toujours reçu un accueil frileux de la part des entreprises qui craignaient en particulier que la procédure dite d’ « opt-out » soit choisie par les pouvoirs publics.
 
Le projet de loi présenté au Conseil des Ministres le 2 mai 2013, qui sera examiné en juin par le Parlement, donne lieu à son tour à un débat houleux, alors même que c’est le choix d’une procédure dite d’ « opt-in » qui a finalement été fait.
 
Les discussions portent particulièrement sur le champ d’application de cette nouvelle procédure (qui ne prend notamment pas en compte les problématiques environnementales et de santé), ainsi que sur la possibilité d’obtenir compensation uniquement des dommages matériels. Nombreux sont par ailleurs les questionnements concernant le monopole des associations de consommateurs agréées représentatives au niveau national, seules habilitées à mener à bien ladite procédure (laissant ainsi pour compte les avocats, qui semblaient pourtant devoir être les premiers impliqués).
 
Au-delà de ces divergences d’opinions sur une réforme a minima, le projet de loi doit être analysé au vu de ses conséquences juridiques en droit de la concurrence.
 
L’introduction des articles L. 423-11 et L. 423-12 du Code de la consommation permettra que les entreprises coupables de pratiques anticoncurrentielles (ententes et abus de position dominante) puissent-être sanctionnées dans le cadre d’une action de groupe. Cette mesure semble en ce sens renforcer l’effet dissuasif des sanctions à l’égard des pratiques anticoncurrentielles. 

La mise en œuvre d’une action de groupe relative à la mise en cause de pratiques anticoncurrentielles sera cependant extrêmement limitée. 

Elle « ne pourra être engagée devant le juge que sur le fondement d’une décision de sanction de ces manquements, non susceptible de recours et prononcée par les autorités ou juridictions nationales ou communautaires compétentes à l’encontre du professionnel, et ce dans le délai de 5 ans ». 

Ce choix ne peut dès lors qu’inciter les entreprises condamnées par l’Autorité de la concurrence à interjeter appel et à se pourvoir par la suite en cassation : il est clair qu’il faudra donc des années avant qu’un consommateur obtienne réparation ! 

On peut également imaginer que l’Autorité de la concurrence sera peu satisfaite de du flux contentieux ainsi induit suite à ses décisions. 
Le caractère restrictif de cette disposition doit de plus être mis en parallèle avec la procédure de l’action privée en indemnisation que nous décrivions dans un précédent article [1]. En effet, cette procédure est accessible à toute victime de pratiques anticoncurrentielles sans nécessité d’attendre l’adoption d’un jugement non susceptible de recours.

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[1] Action en réparation et accès aux preuves : actualité sur la procédure de « Private enforcement »