Nul besoin de savoir si la famille dont la saga est racontée dans Marie-Blanche [1] est bien celle de Jim Fergus. L’auteur, né en 1950 de mère française et de père américain, brouille les pistes dès la dédicace et la note liminaire, en soulignant que « noms, événements, intrigues et péripéties [sont] tous réels » mais que « ce livre reste un roman, une fiction, une œuvre d’imagination qui se déclare comme telle ».

Alternant les chapitres consacrés à Marie-Blanche, la fille, et ceux où s’impose Renée, sa mère, mêlant les dates depuis 1913 jusqu’en 1966, multipliant les lieux, de la France à la Suisse en passant par l’Angleterre et les États-Unis, Fergus met aux prise ses deux héroïnes avec l’Histoire dans laquelle elles s’inscrivent mais fait avant tout le portrait très élaboré de deux femmes que tout devrait rapprocher mais que leur caractère, leur entourage et leur époque éloignent, puis séparent.

C’est aussi une peinture de mœurs inattendue et plutôt crue, une fresque sociale qui débusque une réalité parfois sordide sous un clinquant de façade ou des apparences trompeuses. La cruauté et le cynisme des relations entre les êtres font de ce roman populaire ambitieux une œuvre puissante et savamment orchestrée.

Chasseur et pêcheur, Jim Fergus a sillonné le Middle West avec son chien avant d’écrire Mille femmes blanches [2] . Un fait réel lui a inspiré cette œuvre : en 1875, un chef cheyenne demanda au président Grant de lui faire présent de mille femmes blanches à marier à mille de ses guerriers afin de favoriser l’intégration. Elles ne furent pas si faciles à trouver au point qu’on encouragea la population des asiles et des prisons, moyennant la libération des volontaires.

La figure principale de cette vaste épopée est May Odd, jeune femme incarcérée abusivement par sa famille bien-pensante pour sa liberté de mœurs. Son indépendance d’esprit se manifestera pourtant par son ouverture à l’autre, les Indiens étant alors considérés comme des sauvages par la société dominante. Portrait magnifique d’une héroïne que le lecteur aime immédiatement. Une foule d’autres personnages, hommes et femmes, blancs et indigènes, l’entourent dans une aventure au long cours.

Il y a un beau message de tolérance dans ce roman étonnant, mené avec rigueur et pittoresque. Son souffle emporte le lecteur le long des pistes.  


[1] Le cherche midi éditeurs 2011, 606 p. + Pocket 2012 , 736 p. [2] Le cherche midi éditeurs 2000, 393 p. + Pocket, 2011, 512 p