Cass. soc. 21 septembre 2017 n°16-20.103 et n°16-20.104

Dans l’une des affaires, un club de rugby avait adressé à un joueur professionnel le 22 mars 2012, une proposition d’engagement à durée déterminée, faisant notamment état du montant de la rémunération mensuelle, de la mise à disposition d’un véhicule, ainsi que de la date de début d’activité fixée au 1er juillet 2012.

Le 6 juin 2012, le club avait renoncé à cette proposition d’engagement, alors que le joueur n’avait pas encore accepté cette proposition. Le 18 juin 2012, le joueur retournait toutefois au club la proposition d’engagement signée et saisissait dans la foulée le Conseil de prud’hommes compétent, afin de solliciter le paiement des sommes dues au titre de la rupture abusive du contrat de travail ainsi formé.

Le joueur obtenait gain de cause en s’appuyant sur la position retenue jusqu’alors par la Cour de cassation. S’agissant en l’espèce d’un CDD d’usage conclu avec un sportif professionnel pour une durée de deux saisons sportives, le joueur obtenait ainsi 116.280 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée à l’initiative de l’employeur – intégrant notamment la rémunération due pour l’ensemble des deux saisons sportives.

La Cour de cassation considérait en effet jusqu’à présent que la proposition d’engagement précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction constituait une promesse d’embauche valant contrat de travail. En cas de rupture de cet engagement, celle-ci s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Opérant toutefois un changement significatif, la Cour de cassation indique que l’évolution du droit des obligations, telle que résultant de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses unilatérales de contrat de travail :

  • L’offre de contrat de travail est l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. L’offre de contrat de travail peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra contractuelle de son auteur.

 

  • En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis. Cette définition correspond précisément à la définition de la promesse unilatérale introduite à l’article 1124 du Code civil par l’ordonnance susvisée du 10 février 2016, à savoir : « le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».

Dans l’affaire visée ci-dessus, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de Cour d’appel au motif que celle-ci n’avait pas constaté, dans la proposition du 22 mars 2012, le droit offert au joueur d’opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait plus que son consentement, ce qui aurait permis de caractériser une promesse unilatérale engageant l’employeur, et non une simple offre de contrat de travail.

En pratique, l’approche la plus flexible et sécurisante pour l’employeur consistera donc – sauf à pouvoir établir directement un contrat de travail en bonne et due forme – à émettre une offre de contrat de travail pouvant inclure le cas échéant un délai de rétractation raisonnable. En revanche, l’émission d’une promesse d’embauche accordant au candidat retenu un droit d’option n’empêchera pas la formation du contrat de travail même si l’employeur retire par la suite sa promesse avant l’acceptation du candidat retenu.