Avis de la Cour Suprême Populaire Chinoise relatif à l’exécution des sentences arbitrales Hong kongaises en Chine continentale
最高人民法院 关于香港仲裁裁决在内地执行的有关问题的通知

Le 30 décembre 2009, la Cour Suprême Populaire Chinoise (“Cour Suprême”) a adressé un avis Fa [2009] No.415 (“Avis”), à toutes les Cours Populaires Supérieurs chinoises. Dans cet Avis, elle précise quels sont les types de sentences arbitrales rendues à Hong Kong pouvant être exécutées en Chine continentale.

D’une part, la Cour Suprême confirme que les sentences arbitrales ad hoc rendues à Hong Kong peuvent recevoir exécution en Chine continentale sur le fondement de l’accord sur l’exécution mutuelle des sentences arbitrales du 21 juin 1999 (“Accord bilatéral”). D’autre part, elle indique que l’Accord bilatéral est également applicable aux sentences arbitrales rendues sous l’égide d’institutions d’arbitrages étrangères siégeant à Hong Kong, notamment la Chambre de Commerce Internationale (“CCI”).

Enfin, elle rappelle que les Cours ne peuvent refuser de donner force exécutoire à la sentence rendue à Hong Kong que pour des motifs limitativement énumérés à l’article 7 de l’Accord bilatéral .

Reconnaissance des sentences arbitrales ad hoc rendues à Hong Kong

Dans la plupart des pays, deux modes d’arbitrage existent, l’arbitrage institutionnel et l’arbitrage ad hoc (arbitrage directement organisé par les parties).

En Chine, la loi sur l’arbitrage (article 16 (3)) n’admet pas l’arbitrage ad hoc. Tous les arbitrages en Chine doivent être administrés par une institution arbitrale. Néanmoins, en application de la convention de New York, la Chine reconnaît les sentences ad hoc étrangères. Par exemple, par une décision de 1990 “Guangzhou Ocean Shipping Company v Marships of Connecticut”, la Cour Intermédiaire de Guang Zhou a reconnu trois sentences arbitrales rendues par un tribunal d’arbitrage ad hoc siégeant à Londres.

De même, la Chine reconnaît les sentences arbitrales ad hoc rendues à Hong Kong sur le fondement de l’Accord bilatéral. C’est ce que la Cour Suprême a affirmé en 2007 dans une réponse donnée au Secrétariat de la justice de Hong Kong.

L’Avis de la Cour Suprême mentionné ci-dessus ne fait que confirmer sa position antérieure.

« Nationalité » de la sentence arbitrale : une question antérieurement traitée

La reconnaissance et l’exécution de la sentence sont fortement liées à sa « nationalité ». Dans le cadre de la demande d’exequatur, elle conditionne la marge d’appréciation de la juridiction saisie. Par exemple, les juridictions chinoises ont beaucoup de latitude pour remettre en cause ou freiner l’exécution d’une sentence rendue en Chine dans un arbitrage « domestique », dans la mesure où elles peuvent exercer un contrôle en droit et en fait et considérer par exemple que les éléments de preuve étaient insuffisants pour démontrer tel fait, ou encore que les juges ont fait une application erronée du droit chinois dans leur sentence.

En droit chinois, la nationalité de la sentence est liée à celle de l’institution d’arbitrage.

En 2004, dans sa réponse donnée à la Cour Populaire Supérieure de la Province de Shanxi à propos de l’exécution d’une sentence arbitrale rendue par la CCI siégeant à Hong Kong, la Cour Suprême a confirmé que la sentence arbitrale rendue par la CCI siégeant à Hong Kong est une sentence française (puisque la CCI a son siège à Paris), et que l’exécution de la sentence doit se conformer à la Convention de New York.

Cette réponse n’est pas exempte de critiques, car elle signifie que la nationalité de la sentence arbitrale suit le lieu d’établissement de l’institution d’arbitrage. Cette approche diffère des règles et usages internationaux qui privilégient le siège du tribunal arbitral comme critère de détermination de la nationalité de la sentence.

Portée de l’Avis

L’Avis ne fait aucune référence aux critères de détermination de la nationalité de la sentence arbitrale. Il n’indique pas de manière expresse que le lieu d’établissement de l’institution arbitrale ne serait plus pris en compte pour déterminer la nationalité de la sentence.

Néanmoins, il en ressort clairement que les sentences rendues par une institution d’arbitrage étrangère siégeant à Hong Kong (notamment la CCI) peuvent être exécutées conformément à l’Accord bilatéral.

L’Avis n’a tranché que partiellement la question de la nationalité de la sentence arbitrale et reste muet sur les questions suivantes :

– la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales rendues par CIETAC siégeant à Hong Kong ;

– la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales rendues par une institution arbitrale étrangère siégeant en Chine continentale (malgré la récente décision de la Cour Intermédiaire de Ningbo, cette question n’a pas été résolue ).

A notre avis, la Cour Suprême a sciemment adopté cette attitude. En effet, l’ouverture totale du marché de l’arbitrage en Chine est prématurée.

Quoi qu’il en soit, cet avis témoigne de l’effort de la Cour Suprême pour s’adapter aux règles et usages internationaux, il est un facteur de progrès qui contribue au rayonnement de Hong Kong comme un centre d’arbitrage international et qui cherche à s’imposer au détriment des autres places asiatiques comme Singapour. Par ailleurs, il contribue aussi à bâtir un cadre plus sécurisé et favorable aux investisseurs étrangers . En attendant plus de précisions sur le régime juridique des sentences rendues sous l’égide d’institutions d’arbitrages étrangères et l’amélioration de l’indépendance des arbitres CIETAC, localiser un arbitrage à Hong Kong est à privilégier pour les investisseurs étrangers.