L’employeur doit veiller à la sécurité de ses employés et protéger leur santé physique et mentale. Il s’agit pour lui d’une obligation de résultat ; il ne peut donc dégager sa responsabilité qu’en prouvant la survenance d’un cas de force majeure.

L’alcool et les stupéfiants altèrent profondément les facultés de leurs consommateurs et peuvent conduire à des comportements inadaptés dans un cadre professionnel ou mettre en péril la sécurité des salariés.

Pourtant l’alcool est à peine évoqué par le code du travail, tandis que les stupéfiants ne le sont pas du tout :

– En ce qui concerne l’alcool, l’article R. 4228-20 du Code du travail dispose qu’aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Ce texte paraît assez permissif, puisqu’aucune limite d’ordre quantitatif n’est fixée. L’article R. 4228-21 du Code du travail interdit de laisser pénétrer sur un lieu de travail une personne en état d’ivresse, mais le texte ne prévoit pas de sanction contre le salarié ivre.

– L’usage de produits stupéfiants est interdit par l’article L 3421-1 du Code de la santé publique qui prévoit des peines maximales d’un an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende, qui peuvent être assorties de peines complémentaires (stages de sensibilisation aux dangers de l’usage des produits stupéfiants).

L’employeur dispose néanmoins de moyens pour prévenir, contrôler et sanctionner la consommation de psychotropes.
PREVENTION
Les mesures de prévention concernant les drogues et l’alcool sont les plus simples à mettre en place.

L’employeur dispose de deux principaux vecteurs de prévention:

Le contrat de travail, dans lequel l’employeur peut prévoir une clause interdisant aux salariés :
– de consommer de l’alcool ou des stupéfiants pendant le temps de travail ;
– de se trouver en état d’ébriété ou sous l’influence de stupéfiants pendant le temps de travail, même si la consommation a eu lieu hors du temps de travail.

Le règlement intérieur, quant à lui, peut contenir des clauses :
– Fixant les quantités d’alcool autorisées, voire prohibant complètement l’introduction et la consommation d’alcool dans les locaux ;
– Interdisant l’accès aux locaux de l’entreprise aux personnes en état d’ivresse ou sous l’emprise de drogues non prescrites médicalement ;
– Permettant de soumettre à un alcootest les personnes dont les fonctions le justifient ;
– Interdisant d’introduire, de distribuer et de consommer de la drogue dans les locaux de l’entreprise.

De telles clauses permettront d’une part de sensibiliser le salarié, d’autre part de mettre en œuvre des contrôles et de sanctionner les salariés qui ne respectent pas les interdictions posées par le règlement intérieur.

Attention : la mise en place du règlement intérieur, ou sa modification afin d’introduire un contrôle des salariés, doit obligatoirement faire l’objet d’une consultation préalable des Institutions Représentatives du Personnel (IRP).

CONTROLE

Si l’employeur peut aisément mettre en place des mesures de prévention, les modalités du contrôle sont, elles, très encadrées.

L’employeur peut soumettre l’un de ses salariés à un éthylotest si 3 conditions sont réunies :
– le dépistage est prévu par le règlement intérieur ;
– les modalités du contrôle peuvent en permettre la contestation par le salarié ;
– la nature du travail confié à l’employé est susceptible d’exposer les personnes ou les biens à un danger.

Contrôles effectués par l’employeur
Il a été admis que les fonctions exercées par les salariés justifient un éthylotest (si cela a été préalablement prévu dans le règlement intérieur) dans les cas suivants :

• lorsque « le salarié exécute certains travaux ou conduit des machines » (Conseil d’État, 1/02/1980, Sté Corona) ;
• lorsque « le salarié manipule des produits dangereux, des machines dangereuses, conduit des véhicules automobiles » (circ. DRT 83 15/03/1983 n°1242) ;
• si l’état d’ébriété crée un danger pour l’entreprise ou ses employés (Soc, 22 mai 2002 ; Soc, 24 février 2004).

Des fouilles dans les effets personnels ou dans les vestiaires/casiers peuvent également être mises en place par les employeurs, à condition que ces fouilles aient été prévues par le règlement intérieur. Elles ne peuvent être justifiées que par un risque particulier, pour s’assurer du respect de l’interdiction d’introduire des psychotropes dans l’entreprise. Selon la jurisprudence, le salarié concerné doit être :
– présent ou représenté par un représentant du personnel ;
– et préalablement averti des fouilles (par exemple par voie d’affichage).

Contrôles effectués par le médecin du travail
Si l’employeur peut soumettre les salariés à un éthylotest, il n’est pas habilité à effectuer des tests biologiques. Seul le médecin du travail pourra donc prescrire un test urinaire ou une prise de sang au salarié, si l’usage de psychotrope présente un risque important pour le poste occupé. Le salarié doit impérativement donner son consentement. A défaut, aucun test ne pourra être effectué.

Le résultat sera soumis au secret médical et le médecin du travail ne fera état à l’employeur que de l’aptitude de l’employé à exercer ses fonctions. Le 9 mars 2004, la CEDH a ainsi autorisé le contrôle par le médecin du travail des échantillons d’urine pour les personnels d’entretien d’une centrale nucléaire afin de détecter de l’alcool ou de la drogue.

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a tenté d’harmoniser les solutions dégagées par la jurisprudence sur la consommation de stupéfiants dans un avis rendu le 19 mai 2011. Selon le CCNE, « le dépistage médical de l’usage des produits illicites en milieu de travail est acceptable sur le plan éthique » et même « souhaitable et justifié pour les postes de sureté et de sécurité, et devrait être élargi pour ces mêmes postes à l’abus et même à l’usage de l’alcool ».
Le comité estime néanmoins qu’ « une généralisation du dépistage banaliserait la transgression du devoir de respecter la liberté des personnes ». Les tests doivent donc être ponctuels.

Par ailleurs, les salariés doivent pouvoir contester le test de dépistage en demandant une contre-expertise ou en exigeant de passer un second test.

SANCTIONS

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat n’autorisait les éthylotests que dans le but de prévenir et non de constater une faute (CE 12 novembre 1990, Ministre des affaires sociales et de l’emploi c/ Cie de signaux et d’entreprises électriques). Il refusait ainsi que des sanctions disciplinaires soient infligés sur la base d’un résultat positif lors d’un contrôle.

La Cour de cassation a admis plus tard qu’une sanction disciplinaire puisse être infligée à un salarié suite à un contrôle d’alcoolémie positif, en raison du danger qui résulte de l’état d’ébriété du salarié (Cass. Soc, 22 mai 2002).

Le licenciement pour faute a plusieurs fois été admis pour sanctionner les consommations abusives d’alcool, notamment lorsque l’alcoolisme d’un salarié ternit l’image de l’entreprise (Cass. soc. 9-2-2012 n° 10-19.496 BS 5/12 inf. 468).

Le licenciement pour faute a également été admis pour sanctionner :
• Le fait pour un salarié d’entreposer du cannabis dans le fourgon de l’entreprise (CA Pau 26 juin 2006 n° 05-490, ch. soc., Aguiar c/ Sté Long et Cie).
• Le fait pour un salarié d’avoir participé à un trafic de stupéfiants sur le lieu du travail, cette infraction ayant donné lieu à une condamnation à 6 mois de prison avec sursis (CA Montpellier 7 juin 2006 n° 05-2004, ch. soc., Y. c/ X.).
• Le fait pour plusieurs salariés de fumer du cannabis pendant leur pause (Cass. Soc, 1er juillet 2008)
• Le fait pour un steward d’une compagnie aérienne d’avoir consommé pendant des escales à plusieurs reprises des drogues (cocaïne, cannabis, ice), de nature à compromettre la sécurité aérienne (Cass, 27 mars 2012 – Lire : Travailler sous l’emprise de stupéfiants peut constituer une faute grave).