Les faits

Cass, 1ère Civ, 6 juillet 2017 n°16-17.217, 16-18.298, 16-18.348, 16-18.595

Plusieurs organisations professionnelles de l’industrie du cinéma avaient assigné devant le Tribunal d’instance de Paris des FAI et des moteurs de recherche afin que ces intermédiaires techniques mettent en place, à leur charge, des mesures de blocage et de déréférencement à l’encontre de sites de streaming et de téléchargement contrefaisants.

Cette demande se fondait sur l’article L.336-2 du Code de Propriété Intellectuelle qui dispose :
« En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, […] peut ordonner […] toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

Les intermédiaires techniques refusaient de mettre en place ces mesures en faisant notamment valoir qu’ils n’étaient pas responsables des contenus contrefaisants disponibles sur des sites de streaming ou de téléchargement et que dès lors il ne leur revenait pas de supporter le coût des mesures judiciaires ayant pour but d’en empêcher l’accès.

Les décisions des juges du fond

Le TGI de Paris a fait droit aux demandes des organisations professionnelles en ordonnant aux intermédiaires techniques de mettre en place à leurs frais toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher l’accès aux sites de streaming ou de téléchargement offrant des contenus contrefaisants. Cette décision a été confirmée en appel.

La décision de la Cour de cassation

La Première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des intermédiaires techniques. La Cour de cassation a considéré que le coût des mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause, ordonnées sur le fondement de l’article L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle pouvait être supporté par les intermédiaires techniques, quand bien même ces mesures sont susceptibles de représenter pour eux un coût important : « nonobstant leur irresponsabilité de principe, les fournisseurs d’accès et d’hébergement sont tenus de contribuer à la lutte contre les contenus illicites […], dès lors qu’ils sont les mieux à même de mettre fin à ces atteintes ».

Pour la Cour, une opposition serait envisageable s’il était exigé de ces intermédiaires techniques de faire des sacrifices insupportables, à savoir si les mesures ordonnées s’avéraient disproportionnées en terme de coût et de durée, au point de compromettre la viabilité de leur modèle économique. Dans ce cas, il conviendrait d’apprécier la nécessité de mettre tout ou partie des coûts à la charge des titulaires de droits.

La Cour de cassation s’aligne ainsi sur la position adoptée par la CJUE en mars 2014[1], ou celle-ci avait estimé que les FAI pouvaient prendre ces coûts à leur charge du moins en fonction des « ressources » et des « capacités » dont ils disposent.

Si cette position est très favorable aux sociétés de gestion collective et leurs syndicats de défense, reste à savoir si les intermédiaires techniques ne vont pas en pratiques répercuter ces coûts sur les utilisateurs finaux de leurs services.

 


[1] CJUE, arrêt 27 mars 2017, C- 314/12 UPC Telekabel Wien