La Cour de justice des Communautés européennes (« CJCE ») a rendu sa décision dans l’affaire West Tankers le 10 février 2009 (Affaire C-185/07, Allianz SpA, anciennement Riunione Adriatica di Sicurta Spa e.a. contre West Tankers Inc ). Comme prévu, la CJCE a suivi l’opinion de l’Avocat général dont nous vous avions récemment parlé ( Conclusions défavorables aux anti-suit injunctions ), et a interdit l’adoption des anti-suit injunctions à l’appui d’une procédure d’arbitrage. Rappelons que le mécanisme des anti-suit injunctions permet à un magistrat d’interdire à une partie d’introduire ou de poursuivre une action en justice devant une autre juridiction à l’étranger en violation d’une clause attributive de compétence ou d’une clause compromissoire.

La CJCE a décidé que : « L’adoption, par une juridiction d’un État membre, d’une injonction visant à interdire à une personne d’engager ou de poursuivre une procédure devant les juridictions d’un autre État membre, au motif qu’une telle procédure serait contraire à une convention d’arbitrage, est incompatible avec le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Après les anti-suit injunctions à l’appui d’une procédure pendante devant une juridiction étatique, les anti-suit injunctions à l’appui d’une procédure d’arbitrage sont également désormais interdites au sein de l’UE.

En pratique, cette décision n’affecte que les arbitrages dont le siège se situe en Angleterre, puisque les juridictions des autres Etats membres ne prononcent pas habituellement de telles injonctions.

Les juristes d’outre Manche s’inquiètent du désavantage concurrentiel que Londres va subir par rapport à d’autres centres d’arbitrage internationaux situés en dehors de l’Union Européenne, tels que New York, les Bermudes et Singapour, lesquels peuvent toujours prononcer des anti-suit injunctions. Mais les raisons qui poussent les parties à choisir Londres comme siège sont multiples, y compris une législation et des tribunaux favorables à l’arbitrage. Il ne s’agit donc pas seulement de pouvoir utiliser la faculté pour les tribunaux anglais d’interdire à une partie d’engager une procédure à l’étranger.

En tout état de cause, les parties devront s’assurer que leur clause compromissoire est bien rédigée en exprimant clairement leur volonté d’avoir recours à l’arbitrage. Si tel est le cas, le juge saisi en violation de celle-ci devrait en principe se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant le tribunal arbitral.