Règlement CE N° 864/2007, JOUE du 31 juillet 2007, L 199/40

Le Règlement Rome II a enfin été adopté par le Parlement européen et le Conseil, le 11 juillet dernier.

Il existait déjà un instrument permettant de déterminer la loi applicable aux obligations contractuelles internationales : la convention de Rome du 19 juin 1980 qui devrait bientôt faire l’objet d’un nouveau Règlement. De même, afin de désigner la juridiction compétente pour les litiges internationaux, le règlement de Bruxelles du 20 décembre 2000 établit un certain nombre de règles.

Il restait à créer un nouvel instrument universel (s’il est conclu au niveau européen, Rome II pourra désigner la loi d’un pays tiers) pour mettre un terme aux situations de lex shopping dans lesquelles les parties, à défaut de disposer de moyens de détermination objective de la loi applicable à leur situation, en arrivaient à choisir la loi qui leur était la plus favorable, à l’instar du forum shopping qui permet d’attraire de beaux dossiers devant les tribunaux de l’État de Californie.

Le Règlement Rome II vient donc combler un vide législatif et établit, à l’instar de la convention de Rome, une méthode objective de détermination de la loi applicable aux obligations extra contractuelles. L’objectif revendiqué est de favoriser les accords transactionnels dans une matière où les parties en concluent fréquemment sans recourir à la justice, lorsque la situation est purement interne.

Le champ d’application matériel du Règlement Rome II est défini « en creux », par exclusions telles que les relations de famille, les atteintes à la vie privée ou encore les obligations non contractuelles découlant du droit des sociétés.

Si Rome II s’applique, comme son titre le prévoit, aux obligations non contractuelles, il ne faut pas en conclure qu’il n’intéresse pas le monde des affaires. Force est de constater qu’il n’exclut pas les relations d’affaires (hors contrats), c’est-à-dire les négociations précontractuelles, les relations commerciales ou la gestion d’affaires.

Un principe : la lex loci delicti

Rome II consacre la règle générale de la compétence de la loi du pays où le dommage survient ou menace de survenir et ce, peu importe le lieu du fait générateur de ce dommage. On entend par « dommage », les conséquences directes du fait générateur et non celles indirectes (par exemple une perte financière due au dommage qui pourrait être localisée en un autre lieu).

Il prévoit ensuite un certain nombre d’exceptions objectives, notamment lorsque toutes les parties résident dans le même pays, ou « si le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un autre pays » (clause d’exception).

Le Règlement présente un apport particulier pour les quasi-contrats et notamment le paiement de l’indu, la gestion d’affaires ou la fameuse culpa in contrahendo, plus connue chez nos voisins d’outre-Rhin.

Dans le cas de la faute pré contractuelle – celle pouvant intervenir lors de simples pourparlers – il est ainsi précisé que la loi devant trouver application est celle du contrat non encore conclu (par référence à la convention de Rome sur les obligations contractuelles cette fois) et à défaut de pouvoir la déterminer, la lex loci delicti trouvera application. De ce fait, le lieu des négociations n’est pas un choix anodin, puisqu’en fonction de l’état d’avancement des pourparlers, faute de pouvoir déterminer la loi du futur contrat, ce sera celle du lieu des négociations qui sera retenue.

Quelques aménagements tendant vers la proper law of the tort

Ce Règlement vise également des cas spécifiques de responsabilités tels que la responsabilité du fait des produits, les atteintes à l’environnement, les actes de concurrence déloyale – ou restreignant la concurrence – ou encore les atteintes aux droits de propriété intellectuelle.

Pour la responsabilité du fait des produits, la loi applicable est celle du pays de résidence de la personne lésée, à condition que le produit ait été commercialisé dans ce pays, ou à défaut, celle du pays où le produit a été commercialisé et acheté, ou enfin celle du pays dans lequel est survenu le dommage si le produit y était également commercialisé ! On perçoit ici une influence anglo-saxonne de la proper law of the tort visant à assouplir les effets parfois trop rigides de la lex loci delicti de la doctrine classique de droit international privé français.

Pour les atteintes à l’environnement, la lex loci delicti devra s’appliquer, avec toutefois une possibilité pour le demandeur en réparation du dommage – causé aux personnes ou aux biens – de fonder ses prétentions sur la loi du pays dans lequel le fait générateur du dommage s’est produit.

Quant aux situations d’atteintes à la libre concurrence, le Règlement prévoit la règle générale selon laquelle, ce sera la loi du pays où le marché est affecté ou susceptible de l’être qui devra s’appliquer.

Enfin, concernant les atteintes aux droits de propriété intellectuelle, il s’agira de la loi du pays où la protection du titre est demandée ou, en présence d’un titre communautaire, celle du lieu où il est porté atteinte au droit de propriété intellectuelle.

Quelle que soit la situation visée, la loi applicable selon ces règles de conflits, viendra régir les conditions et l’étendue de la responsabilité civile et notamment les causes d’exonération, de limitation et de partage de responsabilité, la détermination du dommage (nature, évaluation…) ou encore le mode d’extinction des obligations.

Certains pourront dire que l’apport de ce règlement est limité puisqu’il fixe des règles d’attribution de compétence alors même que les parties disposent toujours, selon le principe d’autonomie, de la liberté de choix de la loi applicable à leurs relations (article 14). De même, ce Règlement adopté sous l’évidente influence française, ne fait que consacrer la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur l’application de la lex loci delicti, énoncée par l’arrêt Lautour du 25 mai 1948. Toutefois il convient de noter que ce Règlement permet une réelle détermination objective et harmonisée dans l’Union européenne, tout en favorisant la sécurité juridique des relations présentant un élément d’extranéité.