Le 11 juin 2013, la Commission européenne a adopté un nouveau « paquet » afin de faciliter les actions privés de citoyens de l’Union européenne en réparation d’un préjudice soit dans le cadre de recours collectif, soit dans celui, plus spécifique, des actions en réparation des préjudices causés par les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne. Ce « paquet » est constitué de cinq documents :

  1. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : «Vers un cadre horizontal européen pour les recours collectifs»  ;
  2. Recommandation de la commission relative à des principes applicables aux mécanismes de recours collectif en cessation et en réparation dans les États membres en cas de violation de droits conférés par le droit de l’Union  ;
  3. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne  ;
  4. Communication de la commission relative à la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l’article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne (TFUE), accompagnée du
  5. Guide pratique concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l’article 101 ou 102 du TFUE.

I – Action en réparation des préjudices subis du fait de pratiques anticoncurrentielles

Lorsque des entreprises portent atteinte aux dispositions du droit de la concurrence, les consommateurs et les autres entreprises, qu’ils soient clients ou concurrents des fautifs, peuvent considérer avoir subi un préjudice devant être indemnisé. Les actions civiles en dommages et intérêts ne sont pas harmonisées par le droit de l’Union européenne et c’est aux divergences qui peuvent exister et aux difficultés que peuvent rencontrer les victimes pour exercer leur droit à réparation que la Commission entend mettre fin grâce à cette nouvelle directive. Attention, cette dernière doit encore être adoptée par le Parlement européen et le Conseil, les Etats membres disposant encore à compter de cette étape d’un délai de deux ans pour s’y conformer.

La proposition vise à mettre fin aux difficultés pratiques qui pourraient empêcher les actions privées en dommages et intérêts. Elle énonce pour ce faire plusieurs mesures :

  • Les types de dommages qui peuvent faire l’objet d’une action en justice et les détenteurs de l’action en réparation sont définis ;

 

  • Les règles régissant l’interaction entre les actions en dommages et intérêts intentées au civil et la mise en œuvre des règles de concurrence par la sphère publique sont définies ;

 

  • Les juridictions nationales auront le pouvoir d’enjoindre aux entreprises de divulguer des éléments de preuve lors d’une action privée d’une victime ;

 

  • Les décisions des autorités nationales de concurrence constatant une infraction constitueront automatiquement la preuve de l’existence de l’infraction devant les juridictions nationales de tous les Etats membres ;

 

  • Les délais de prescription seront plus clairs afin de permettre effectivement aux victimes d’agir en réparation une fois que l’action publique se sera terminée par une sanction (au moins cinq ans à partir du moment où la victime est en mesure de découvrir qu’elle a subi un préjudice né d’une infraction) ;

 

  • Le mode de calcul du montant des dommages et intérêts est simplifié ;

 

  • Une action en dommages et intérêts par les victimes indirectes est introduite ; lorsqu’une entreprise applique illégalement des prix plus élevés à un client (victime directe) et que celui-ci répercute ce surcoût sur sa propre clientèle (victimes indirectes) ;

 

  • La proposition instaure également une présomption réfragable selon laquelle un cartel a pour conséquence une hausse des prix, ce qui entrainera systématiquement, à moins que l’entreprise démontre qu’il n’y a pas eu de répercussion sur les prix, une indemnisation des victimes ;

 

  • Les procédures amiables sont encouragées grâce à des règles de mise en œuvre plus simples ;

La difficulté principale pour élaborer une telle directive a été de trouver un équilibre entre deux exigences contradictoire : permettre plus largement l’action privée en réparation des préjudices subis à cause d’une pratique anticoncurrentielle et garder attractif le programme de clémence. En effet, ce dernier permet aux entreprises de révéler des pratiques anticoncurrentielles en échange d’une réduction totale ou partielle de la sanction : cet outil est regardé comme (très) efficace par les Autorités de concurrence et a déjà permis la sanction de nombre de pratiques. Dès lors, les Autorités de concurrence souhaitent éviter de voir ces programmes apparaître moins attractifs pour les éventuels « repentis » qui perdraient par les dommages et intérêts liés aux actions privées ce que le programme de clémence leur aura fait économiser.

A l’appui de cette proposition, la Commission a également adopté une communication et un guide pratique pour aider les autorités nationales de concurrence ainsi que les victimes à quantifier le préjudice subi.

II – Recours collectif

A – Au niveau européen

Contrairement à la directive qui impose aux Etats membres de se doter de mécanismes qui faciliteront les actions privées des victimes des pratiques anticoncurrentielles, la recommandation sur le recours collectif incite les Etats à se doter d’un tel mécanisme mais ne les contraint pas.

La recommandation énonce différents principes qui devront encadrer le recours collectif pour empêcher certains excès permis par le droit américain, entre autres : interdiction des dommages et intérêts punitifs et prohibition de l’honoraire de résultat pour les avocats.

La recommandation propose également un encadrement strict des organismes qui représenteront le recours collectif :

  • ces organismes, à but non lucratif, devront être agréé ;
  • ils devront également disposer de ressources humaines, financières et juridiques suffisantes pour représenter de façon satisfaisante les demandeurs au risque de perdre leur agrément.

La Commission préconise également que la participation au recours collectif se fasse par le consentement exprès (opt-in) des victimes et suggère d’encadrer l’information des victimes sur la formation d’un recours collectif.

B – Au niveau français

Le 3 juillet, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la consommation qui prévoit notamment l’introduction de l’action de groupe en droit.

Ce texte prévoit un dispositif d’action de groupe simplifiée qui répondrait aux préconisations de la Commission dans sa recommandation mentionnée plus haut, en adoptant un mécanisme d’opt-in et avec une indemnisation de tous les consommateurs identifiés. Il est également prévu que la décision de condamnation fasse l’objet de mesures d’information individuelle des consommateurs concernés, au frais du professionnel, afin qu’ils acceptent ou non d’être indemnisés.

Le choix de la procédure simplifiée par rapport à la procédure normale dépend du point de savoir si les consommateurs lésés sont facilement identifiables ou non.