Un avocat dit ensuite : Quoi de nos Lois, maître ?

Il répondit :

Vous vous enchantez à édicter des lois,

Et vous plaisez cependant davantage à les briser.

Comme des enfants jouant au bord de l’océan qui construisent des châteaux de sable avec soin puis les détruisent sur un rire.

Mais tandis que vous construisez vos châteaux de sable, l’océan dépose toujours plus de sable sur la rive.

Et quand vous les supprimez, l’océan rit avec vous.

Car il prend toujours le parti du rire de l’innocent.

Mais qu’en est-il de ceux pour qui la vie n’est pas un océan, les lois humaines pas des châteaux de sable,

Pour qui la vie est un rocher, la loi un ciseau dont ils voudraient user pour le sculpter à leur image ?

Qu’en est-il de l’infirme qui hait les danseurs ?

Du bœuf qui aime son joug et tient l’élan et le daim de la forêt pour vagabonds égarés ?

Et du vieux serpent qui, ne pouvant faire sa mue, tient tous les autres pour dénudés et impudiques ?

Et celui-ci qui arrive tôt au banquet de noces, puis, las et repu, s’en retourne en disant que tous les festins sont sacrilèges, tous les fêtards des briseurs de lois ?

Qu’en dirai-je, sinon qu’ils se tiennent certes à la lumière du soleil, mais lui tournent le dos ?

Ils ne voient que leurs ombres, et ces ombres sont leurs lois.

Le soleil est pour eux ce qui leur fait de l’ombre.

Et à quoi bon reconnaître les lois si l’on se baisse pour en repérer les ombres sur le sol ?

Mais vous qui marchez face au soleil, quelles images tracées par terre pourraient vous retenir ?

Vous qui voyagez avec le vent, quelle girouette guiderait votre course ?

Quelle loi humaine vous lierait si vous brisez votre joug ailleurs que sur une porte de prison humaine ?

Quelles lois craindrez-vous si dansant vous ne trébuchez sur aucune chaîne de fer façonnée de main d’homme ?

Et qui te fera venir en jugement si tu arraches ton vêtement, sans obstruer aucun sentier ?

Peuple d’Orphalese, libre à vous d’étouffer le tambour, de détendre les cordes de la lyre, mais ordonnerez-vous à l’alouette de se taire ?

On peut lire une version en anglais du Prophète sur le site : www.library.cornell.edu/colldev/mideast/propht.htm

Nous écrivions dans ces colonnes à plusieurs reprise que trop de lois tue la loi et la justice, ce qu’imaginait Gibran en 1923.

Il va de la loi comme des faux médiateurs que le Gouvernement et les grandes entreprises “appointent” pour médiatiser leur action en se donnant bonne conscience.

Ces médiateurs médiatiques s’affichent dans nos quotidiens et tabloïdes qui rendent compte du moindre de leur geste et qui comme Don Quichotte se battent contre la canicule – voir dans le Nouvel Obs. n°2177 du 27 juillet, l’article en double page avec photos intitulé “Le média…teur de Sarko”.

L’article commence ainsi “Il a trouvé un petit boulot d’été, médiateur. C’est Nicolas qui lui a proposé…”.

Cela n’a rien à voir avec la médiation judiciaire et conventionnelle et les médiateurs dont nous vous parlons parfois dans La Revue. Une des caractéristiques de la médiation, mode alternatif de règlement des conflits, est la confidentialité et la discrétion. Il faudrait varier le vocabulaire. Nous proposons d’appeler les médiateurs appointés par une partie “porte rustine” ou “sarkosine”.