Le Conseil d’État a rendu le 29 décembre une décision très attendue par tous les acteurs de la filière du CBD.

Terminologie

Quelques remarques liminaires seront utiles aux non spécialistes.

Cannabis est le nom latin de la plante dont le nom vernaculaire est le chanvre. Dans le chanvre comme dans le cochon, tout est bon, les graines, les feuilles, les tiges, les fleurs.

Le cannabis est originaire d’Asie mais il en existe de nombreuses variétés qui se cultivent dans des conditions très différentes des montagnes afghanes aux zones équatoriales, mais également en Europe.

Les deux molécules les plus connues de cette plante sont le CBD (cannabidiol) et le THC (delta-9-tétrahydrocannabiniol). C’est le THC qui présente des propriétés psychotropes et qui est susceptible de faire naître un effet de dépendance.

Le taux de THC présent dans la plante varie de façon significative d’une variété à une autre.

Évolution de la règlementation

L’arrêté du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5132-86 du code de la santé publique tel qu’interprété par la circulaire du ministère de la justice du 23 juillet 2018 n’autorisait la culture du chanvre, son importation, son exportation et son utilisation que si :

  • la plante était issue de l’une des variétés de cannabis sativa L. autorisées par l’arrêté,
  • seules les fibres et graines de la plante étaient utilisées,
  • la plante contenait elle-même moins de 0,20 % de THC, ce taux autorisé ne s’appliquant qu’à la plante et pas au produit fini devant rester vierge de toute trace de THC.

Dans les faits, cela revenait donc à interdire tous les produits de CBD (notamment l’huile et le liquide pour cigarette électronique) qui contiennent forcément des traces de THC.

Le 19 novembre 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne a considéré que la règlementation française du THC 0% n’était pas conforme au principe de libre circulation des marchandises au sein de l’UE dont bénéficient les produits à base de CBD. Nous avions commenté ici cet arrêt Kanavape devenu célèbre.

Un nouvel arrêté avait été pris le 30 décembre 2021, autorisant la production des variétés de chanvre et la commercialisation de produits qui les intègrent dans la mesure où leur taux de THC n’est pas supérieur à 0,30 %, mais interdisant la vente aux consommateurs de fleurs et feuilles à l’état brut, quelle que soit la variété utilisée. L’argument mis en avant par les autorités était qu’il était très difficile de différencier les feuilles et fleurs des variétés autorisées (dont le taux de THC est inférieur à 0,30 %) des feuilles et fleurs des variétés interdites.

Les fleurs et feuilles représentant une partie importante des produits vendus, cette interdiction avait été contestée par plusieurs organisations professionnelles et entreprises et le 24 janvier 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat avait suspendu cette interdiction. Nous avons commenté cette décision ici.

L’arrêt du 29 décembre 2022

Le 29 décembre, le Conseil d’État statue au fond dans le même sens. Il confirme que l’interdiction n’est justifiée ni par des raisons de santé publique (en raison du faible taux de THC et du caractère non psychotrope du CBD) ni par des raisons d’ordre public (car des tests rapides et peu coûteux permettent aux autorités de différencier les variétés de cannabis lors de contrôles).

Le Conseil d’État confirme donc que les feuilles et les fleurs de cannabis des variétés autorisées, dont le taux de THC est inférieur à 0,30%, peuvent être commercialisées en France.

Est-ce la fin de la saga judiciaire autour de la réglementation du CBD en France ? Rien n’est moins sûr et en tant que membres de la pratique internationale de Squire Patton Boggs « Cannabis, Hemp & CBD Services » nous sommes bien placés pour savoir que la réglementation du cannabis a connu d’importantes évolutions ces dernières années dans le monde entier.

Une version en anglais de cet article est parue sur notre blog Triage Health Law