Tout ça pour ça…

2016 fut une année bien triste. Au-delà de la barbarie des attentats, de la souffrance des victimes, de la morosité ambiante, nous avons perdu nos dernières illusions. 1917-2017, un centenaire pour quel bilan ? Tout ça pour ça… ! « Voilà l’événement central des trente dernières années: l’écroulement de l’idée de l’histoire comme porteuse d’une nécessité intrinsèque qui conduit vers l’émancipation. La crise de la politique, à un niveau tout à fait trivial, est une résultante de ce phénomène » (Marcel Gauchet).

Élections obligent, nous n’échapperons pas en 2017 au théâtre politicien, Mahâbhâratin, avec son lot de nouvelles promesses, d’incantations, «Cette fois nous avons compris », « C’est notre dernière chance », « Hé Oh », « Oh hé », « Rien ne sera plus comme avant », « J’ai changé », de candidats normaux, anormaux, de primaires, sans oublier le billard et les équations à 3 bandes de 12 inconnus. Il y a 6 ans je m’étais risqué dans un pastiche de discours électoral consensuel[1], toujours d’actualité; de drauche ou de groite ? Ante Macronien ou pre Macronesque ? La parole est devenue flottante, comme les devises. Le pouvoir est un mal nécessaire et incurable, nous sommes des fils de Cain. Dans ‘État’ il y a ‘status’, tenir debout, tenir droit. Le problème c’est que le symbolique, les totems, le « au nom du peuple », SPQR, ne fonctionnent plus. Après la langue de bois, l’Hegel de bois des lendemains qui déchantent et du changement qui ne vient pas. Le grand et œcuménique Moïse Maïmonide[2] plaçait la barre très haut, « Le mal n’est pas le contraire du bien, c’est l’absence du bien…». La parole est à la défiance.

Contre les méchants poujadistes, les placements obligataires et obligatoires de bon père de famille dans l’indignation morale, durable et citoyenne, offraient jusqu’à récemment un bon rendement électoral avec présence au 2eme tour de l’élection présidentielle. C’est fini. L’épouvantail historique et commode du retour ‘du vent mauvais’, des affreux réacs et populistes, ne fonctionne plus comme avant; c’est même devenu une muleta, presque un compliment. Déboussolés, coupés des réalités socio-économiques, nos représentants, la nomenklatura, les rentiers du tout à l’égo et de la révolte pour tous, n’ont plus de crédit. Leur langue et leurs discours sont avariés. Plus personne n’est dupe. Nous avons dépassé le stade de la démagogie et du mensonge. Bienvenu dans les sociétés de ‘post vérité’[3] ! « J’apprends que le gouvernement estime que le peuple à ‘trahi la confiance du régime’ et ‘devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités’. À ce stade, ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? » (Brecht). Si l’avenir n’est pas rose, quid des leçons du passé ?

Quelques anniversaires et commémorations en 2017

Chez nous : 1267 Inauguration de la nécropole royale de Saint-Denis par saint Louis. 1467 Naissance de Guillaume Budé. 1517 Fondation du Havre. 1617 Disparitions de Francisco Suárez, Loysel, de Thou, Pocahontas. 1817 Disparition de Madame de Staël. 1917 Disparition de Mata hari. 1987 Disparition de Dalida. À l’étranger : 1017 Assassinat du Khwârezm-Shah Abu al-Abbas Mamun II, beau-frère de Mahmûd de Ghaznî. 1117 A Alep, assassinat de l’eunuque Loulou par les soldats de son escorte. 1317 En Russie, le grand-prince Michel de Tver capture la femme de Georges Danilovitch, sœur du khan de la Horde d’or Özbeg, et écrase les Moscovites à Bortenevo. Contre le chauvinisme imbécile, pour renforcer l’amitié entre les peuples, rien de tel que la culture : Sous l’égide de l’UNESCO on célèbrera en 2017, le 500ème anniversaire de l’imprimerie en Biélorussie, le 700ème anniversaire de l’écriture de Golchan-e raz par Cheikh Mahmud Chabestari (Azerbaïdjan), le 150ème anniversaire de la naissance de Chao Phraya Phrasadej Surendrathibodi, éducateur (Corée et Viet Nam); le 150ème anniversaire de la naissance d’Abdullah bin Humaid Al Salmi, réformateur social, scientifique et encyclopédiste (1867-1914) (Liban et Égypte). « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » (René Char).

Il y a 50 ans, 1967, souvenirs, souvenirs…

Les écrivains écrivaient : L’Écriture et la différence (Jacques Derrida), Histoire (Claude Simon) Vendredi ou les Limbes du Pacifique (Michel Tournier). C’était le début de La Société du spectacle (Guy Debord). Disparition de Marcel Aymé, naissance de Marie NDiaye et Amélie Nothomb. La bande dessinée divertissait : Astérix et les normands, Astérix légionnaire, L’affaire du collier, Des barbelés sur la prairie, Tortillas pour les Dalton, Les Complots du grand vizir Iznogoud, Alerte atomique, Le Dernier Spartiate. La variété se chantonnait : L’important c’est la rose, Comme d’habitude, San Francisco, Penny Lane, All you need is love, Inch Allah. Les cinéastes filmaient : Les demoiselles de Rochefort, Blow up, Bonny and Clyde, Le Samouraï, Belle de jour, Casino royal, The Graduate, Le Voleur, La Collectionneuse, Guess Who’s Coming to dinner, The Jungle Book, In the Heat of the Night. Melville, Demy, Buñuel, Malle, Antonioni, la nostalgie inspire. « Un homme pur doit être libre et suspect »(Cocteau).

L’ami François d’Assise, l’important c’est d’errer…

Il y a 700 ans, en avril 1317, les ‘spirituels’, franciscains dissidents pratiquant un ascétisme rigoureux et refusant toute propriété, étaient déclarés hérétiques par le pape Jean XXII. Un siècle plus tôt François d’Assise avait choisi d’épouser ‘Dame pauvreté’ pour exalter sa foi. Les polémiques sur la pauvreté évangélique, la propriété et l’autorité, ont passionné les scolastiques et traversé le Moyen Âge[4]. L’important c’est d’errer… !? Les enjeux de normativité et prolongements juridiques des querelles franciscaines sont connus: développement du trust, de la délégation, distinguo entre usus et dominium, affirmation des droits subjectifs et paradoxalement, essor du capitalisme. Querelles de juristes ou de jésuites ? Le pape François a sûrement un point de vue… La sainteté est une tentation disait Jean Anouilh. Pour Rossellini, la vraie position morale c’est la tendresse.

Allez voir ‘L’ami, (François d’Assise et ses frères)’, un film superbe réalisé par Renaud Fely et Arnaud Louvet, produit par Francesca Feder[5]. Beaucoup plus qu’un fade biopic, c’est une évocation élégiaque, subtile et profonde du quotidien, des échanges, négociations, entre François et ses frères (notamment Elie de Cortone), mais aussi avec la papauté, lors de la rédaction de la Règle de l’ordre en 1221-1223. Esthétisant mais sans maniérisme, l’algèbre cinématographique de Renaud Fely et Arnaud Louvet est précis, convaincant, servi par une distribution irréprochable. Les tableaux se succèdent : des plans panoramiques panthéistes, introspections, gros plans, glossolalie, cosmogonie, Argumentum a silentio. « Par temps clair, on peut voir jusqu’à Dieu… » (Christian Bobin). Évitant les écueils du manichéisme et de l’hagiographie, les réalisateurs ont trouvé un ton noble, beau, juste. Hommage majeur aux frères mineurs, L’ami, (François d’Assise et ses frères) figure en bonne compagnie, celle de L’évangile selon saint Matthieu (Pasolini), Days of Heaven (Malik), L’arbre au sabot (Olmi), Nostalgia (Tarkovski), sans oublier les Onze fioretti de François d’Assise (Rossellini). La morale est une affaire de travelling…

Squire Patton Boggs toujours à vos cotés

Dans nos nouveaux locaux spacieux et fonctionnels, 7 rue du Général Foy, forts de nouvelles équipes, de l’arrivée prochaine de José Ricardo Feris, fiers de la récente élection de Marie-Aimée Peyron comme bâtonnier désigné, le bureau de Paris et nos 1550 collègues des 46 bureaux Squire Patton Boggs dans 21 pays, restent à votre écoute, au service de vos projets et de vos ambitions.

Le bureau de Paris et l’équipe éditoriale de La Revue vous remercient de votre fidélité, et vous adressent leurs meilleurs vœux de santé, bonheur et réussite pour la nouvelle année 2017 !

«Pour commencer nous allons faire les petites choses faciles. Petit à petit, nous nous attaquerons aux grandes. Et quand les grandes seront faites, nous entreprendrons les choses impossibles » (saint François d’Assise).
  Contact : antoine.adeline@squirepb.com    


[1] Voir l’éditorial « Les gentils les méchants, le big bazar » (Avril 2011). [2] En hébreu, הרב משה בן מימון HaRav Moshé ben Maïmon ; en arabe, أبو عمران موسى بن ميمون بن عبد الله القرطبي اليهودي Abou Imrane Moussa ibn Maïmoun ibn Abdallah al-Kourtoubi al-Yahoudi. [3] Il y a 60 ans, dans «La France irréelle», un essai brillant et grinçant, Emmanuel Berl dénonçait la schizophrénie et nos dénis permanents; «La politique française me semble évoluer moins comme une histoire que comme une névrose. Son trait dominant, à mon estime, c’est l’affaiblissement progressif du sens du réel qu’elle manifeste, depuis quinze ans. (…) Même ce dernier stade, je crois d’ailleurs que nous l’avons dépassé. Le mensonge, chez nous, cherche de moins en moins à être cru. On fausse les indices, les comptes, les prix, les changes, mais tout le monde le sait. L’imposture triomphante n’a plus pour objet de faire illusion, mais de respecter un certain code de convenances, qui d’ailleurs n’est formulé nulle part. Le ministre joue son rôle dans un scénario dont il n’est pas l’auteur ». [4] Elles restent d’actualité. [5] Le film est actuellement distribué dans plusieurs salles parisiennes, mais aussi en province.