(Le maître nageur, La Princesse de Clèves, et le bœuf bourguignon)
2008 fut une année crispante. Avertissement (avec frais), fin de cycle/cirque, crise de nerf et crise de civilisation. Cette fois le drôle de drame ou la drôle de crise est terminée, c’est la récession.
2009, année de tous les espoirs, de toutes les angoisses, de tous les retournements, en attendant mieux, ou pire ?
Les Euros sont fatigués
Le spectacle et les suspens ont été à la hauteur des jeux et enjeux. Duels de médailles olympiques (Chine/USA), duels politiques (Barack/ Hillary, l’Irlande pour ou contre l’Europe, McCain/ Obama, Ségolène/Martine), duels militaires (pirates somaliens, talibans afghans, conflit géorgien et Bush qui termine sa balade irakienne en évitant de justesses un attentat à la chaussure piégée), le pétrole et les places financières qui flambent et qui plongent, Barack Obama nouveau Kennedy ou nouveau Roosevelt (Franklin ou Théodore ?), l’environnement appelé à la rescousse de la croissance, et cocorico, en Europe, un bilan plutôt positif pour la présidence française à la tête de l’Union européenne.
A la une depuis le début de l’année, les records du monde de la fraude financière tombent plus vite que ceux du 100 mètres. Notre Kerviel national qui ce printemps était encore sur le podium (5 milliards d‘euros envolés en fumée) fait aujourd’hui figure de vulgaire voleur à la tire. La faillite de Lehman Brothers, les facéties de Madoff (un ancien maître nageur… en eau trouble) et les pyramides de Ponzi, sont passées par-là. Même la cote des marhématiques financières s’est effondrée.
Les modèles sont en panne, les « think tank » sont à sec, les idéologues à la peine, les futurologues dans le brouillard, heureusement il reste les astrologues… 2009, l’année du buffle.
Mais cette grande (dés)illusion n’est que le haut de l’iceberg. En amont des crises, qu’elles soient boursière (Wall street et les subprimes), économique (les impasses de la société de consommation), environnementale (la banquise, les forêts et les espèces animales disparaissent à grande vitesse), sociétale (le désarroi de la jeunesse grecque), il y a une crise de valeurs culturelles. Quelles valeurs, quels repères, quels modèles défendre et transmettre dans notre techno- vidéosphére où triomphent l’exhibitionnisme et le voyeurisme ? D’un coté les pantins de la société du spectacle (politique, économique, culturel, sportif) condamnés à des surenchères de sensationnel et de vulgarité, de l’autre – à l’opposé du spectre- les vaincus, les victimes et leur souffrance exhibés sur l’hôtel de l’effroi ou de la compassion. L’essentiel c’est l’audience. Ce magma obscène a remplacé Dieu/ les dieux ou les héros. Il a dissous les pairs, les pères et les repères.
Trop de rayonnements tue le Rayonnement
C’est maintenant officiel la télévision peut nuire à votre santé physique et mentale et surtout à celle de vos enfants. Le CSA s’est inquiété de l’offensive des chaînes destinées aux touts petits et les « Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active » mettent en garde contre la diffusion en continu de programmes destinés aux bébés laquelle peut engendrer des risques pour leur développement ; Pour être plus précis : création d’une dépendance vis-à-vis de l’objet télévisuel, frein au développement intellectuel et émotionnel du bébé, isolement affectif et refus de s’engager dans la vie, dysfonctionnements langagiers, troubles de la concentration.
En 1993, dans une interview célèbre, Karl Popper avait dénoncé les dangers de la télévision pour la démocratie. Aujourd’hui c’est un média en déclin. Le PAF s’alarme et les cultureux s’angoissent. Le Président de la République va désigner le président de France Télévision. C’est une scandaleuse confusion des pouvoirs, une de plus. Au moins les choses sont claires, la télévision est, sinon sous contrôle, du moins sous surveillance étroite. Plus piquant, il y avait trop de publicité, il n’y en a plus assez !
Aux armes, à l’assassin, mort aux fossoyeurs de la culture ! La qualité made in France est en jeux… De qui se moque-t-on ! ?
Il y a 50 ans, la culture française c’était Malraux rue de Valois, « Les 400 coups », la nouvelle vague, le nouveau roman. Aujourd’hui la qualité française c’est « Bienvenue chez les ch’tis », « Astérix aux jeux olympiques » , « Faubourg 36 » , « La culture générale pour les nuls », le spectacle des intermittents (et par exemple celui de BHL et Houellebecq échangeant des brèves de comptoirs). Le rire et l’humour sont sacrés, mais attention au vent mauvais de la grande vadrouillisation générale. Un prix Nobel de littérature ne change pas grand chose à la maldonne. En ce qui me concerne «La route des Flandres »- qui a également 50 ans- plutôt que « Désert ».
Mais la France n’est pas seule, elle n’est pas seule parce que cette décadence est une décadence mondiale… Il y a 50 ans « Soudain l’été dernier », « Les fraises sauvages » , « Anatomy of a murder », « Rio Bravo » , « Lolita », «Die Blechtrommel » (« Le tambour »), « Montolive », « Rhinocéros », « La belle au bois dormant »… Barbie aussi a 50 ans. Ses clones innombrables ont mal vieilli…
Heureusement notre président a plus d’un tour (et d’une poupée) dans son sac. La France va déposer auprès de l’Unesco, dès 2009, une demande de classement de sa gastronomie au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. L’idée a été lancée par Nicolas Sarkozy au dernier salon de l’agri-culture. L’honneur est sauf. Sauvé par le bœuf bourguignon (2009, année du grand bluffle et de la grande bouffle).
Les déboires de Mademoiselle de Chartres
La culture générale semble poser un problème :
– aux jeunes gens (qui selon une enquête récente du « Dispositif informationnel sur les environnements de santé des élèves » passent en moyenne plus de 3 heures par jours devant des écrans de télévisions, d’ordinateurs et de consoles de jeux)
– à Nicolas Sarkozy (qui lui a du passer de « Rahan» à « Largo Winch » ) et, plus grave,
– à beaucoup d’enseignants. S’ils poussent des cris d’Onfray, ils ne sont plus forcément très à l’aise avec Pontus de Tyard ou les Valois Angoulême.
La solution est simple : exit la culture générale (qui en 2009 devrait disparaître des concours administratifs). La Princesse de Clèves est licenciée sans cause réelle et sérieuse, victime du fait du Prince (de Condé) et de la démagogie ambiante. La réforme du Lycée risquait de tourner au vinaigre grec ? On la reporte sine die. Quand la température monte trop, on casse le thermomètre. Au diable Philippe Auguste ! Que nous importe l’ordonnance de Villers-Cotterêts ou la bataille de Lépante ! Tout va très bien Madame la marquise (de Sévigné, bien sûr)… Les jeunes générations méritent mieux que cette lâcheté, ce mépris, et cette éducation au rabais.
Pédagogues démagogues, statisticiens truqueurs de la rue de Grenelle et politiques incultes, même combat, même lâcheté, même jeunisme frelaté. Le piège de la permissivité et du relativisme culturel et esthétique généralisé se referme sur les apprentis sorciers libéralo-libertaires. Ce sont les enfants qui trinquent et les élèves qui sont symboliquement passés au …fil de l’épée. « La véritable école du commandement, c’est la culture générale » (de Gaulle). «L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé » (Bloch).
330 ans plus tard il reste la magie du langage et le plaisir du texte de Madame de La Fayette: « “La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt ans, elle n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages moins éclatants ».
Si c’est trop compliqué, il y a Racine dont le registre lexical est d’environ 1500 mots (beaucoup moins si l’on retire « Les Plaideurs » du corpus). Si c’est encore « trop », pour les super nuls, il y a « Le Cid » en 8 mots : « Il est joli garçon l’assassin de papa » ou « L’Iliade » pour les hypers- pressés : « The rescue of a whore ». Après il ne restera plus qu’à rédiger « La nullité pour les nuls ». Ne nous voilons pas la farce, ni Google, ni le livre numérique ne ressusciteront le goût de la lecture, lequel conditionne celui du savoir et de la pensée.
A vos agendas pour les commémorations 2009
Il y a 700 ans Clément V traversait le Rhône et s’installait en Avignon. 1509, naissance de Calvin. 1609, mort de Joseph Justus Scaliger.
Il y a 200 ans la grande armée traversait le Danube et emportait le morceau à Wagram. Naissance de Gogol, de Proudhon et du baron Haussmann. A ne pas confondre avec le poète anglais Alfred Edward Housman (qui naquit en 1859) ou avec l’avocat Christian Hausmann (beaucoup plus jeune, également visionnaire et poète à ses heures).
Il y a 100 ans Blériot traversait la Manche plus vite qu’un Eurostar (38 minutes). Jeanne d’Arc était béatifiée à Rome. Colette publiait « L’ingénue libertine », Gide « La porte étroite », et les postiers étaient en grève…
9 raisons d’espérer en 2009
– Ingrid Betan-court toujours, en Colombie, libre
– La SEC va créer une commission de contrôle de la SEC
– Christine Lagarde pense qu’il n’est pas impossible que la croissance soit au rendez-vous en 2009, ou en 2010, ou sinon peut être en 2011
– Lance Armstrong a promis de terminer le tour de France 2009 en buvant du Vittel-menthe
– Ségolène Royal va finir par provoquer une lassitude
– Rachida Dati n’a plus de réforme en vue (et pas forcément de ministère)
– Bernard Tapie, après le tordu, va se lancer dans le droit (de l’arbitrage)
– Barack Obama va rétablir la paix en Afghanistan et supprimer le déficit du Trésor américain
– Sarko(bama), toujours à l’affût d’un bon coup, n’est pas encore métis mais a déjà Bruni
En attendant la suite des événements le cabinet Hammonds Hausmann reste, à l’écoute de vos demandes et besoins, à votre service.
TOUTE L’EQUIPE EDITORIALE DE « LA REVUE » ET L’ENSEMBLE DU CABINET
VOUS SOUHAITENT DE TRES HEUREUSES FETES DE NOEL ET DE FIN D’ANNEE !!!!!