L’année 2014 aura été une année riche s’agissant des contrats d’assurance vie dits « en déshérence », contrats qui ont en effet la particularité d’errer en attendant d’être sollicités par leur(s) bénéficiaire(s).
Depuis 2007, la question des moyens mis en œuvre pour permettre aux assureurs d’identifier les bénéficiaires étaient au cœur des débats et a donné lieu à l’adoption de la loi n° 2007-1775 du 17 décembre 2007 imposant aux assureurs de (i) s’informer du décès éventuel de l’assuré en utilisant le Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques (RNIPP) et (ii) de procéder à la recherche des bénéficiaires.
Cette volonté législative affichée n’a pourtant pas été suivie des effets escomptés, de telle sorte que, le 17 juillet 2013, la Cour des comptes rendait les conclusions de son rapport selon lequel l’assurance vie en déshérence représenterait plus de 2,78 milliards d’euros. Hasard du calendrier (ou pas), le 26 juillet 2013, la loi n° 2013-672 était adoptée, imposant aux assureurs – dans un souci de transparence – de publier chaque année le fruit de leurs recherches des assurés éventuellement décédés et de leurs bénéficiaires.
En 2014, le régulateur (l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) s’est également saisi du sujet et a sévèrement sanctionné certaines compagnies d’assurance du fait de l’absence de moyens suffisants mis en œuvre pour identifier les éventuels bénéficiaires de contrats d’assurance vie dont les assurés étaient décédés.
Fort du soutien de l’ACPR, le législateur s’est à nouveau emparé de la question pour adopter le 13 juin 2014, la loi n° 2014-617, qui prévoit de nouvelles sanctions en cas de retards d’exécution. Tout d’abord, l’article L. 132-23-1 du Code des assurances est modifié et prévoit, à compter du 1er janvier 2016 : « L’entreprise d’assurance dispose d’un délai de quinze jours, après réception de l’avis de décès et de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire ou au terme prévu pour le contrat, afin de demander au bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie de lui fournir l’ensemble des pièces nécessaires au paiement.
A réception de ces pièces, l’entreprise d’assurance verse, dans un délai qui ne peut excéder un mois, le capital ou la rente garantis au bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie.
Plusieurs demandes de pièces formulées par l’entreprise d’assurance ne peuvent concerner des pièces identiques ou redondantes.
Au-delà du délai prévu au deuxième alinéa, le capital non versé produit de plein droit intérêt au double du taux légal durant deux mois puis, à l’expiration de ce délai de deux mois, au triple du taux légal. Si, au-delà du délai de quinze jours mentionné au premier alinéa, l’entreprise a omis de demander au bénéficiaire l’une des pièces nécessaires au paiement, cette omission n’est pas suspensive du délai de versement mentionné au présent article » (nous soulignons).
Autre innovation majeure et originale de la loi du 13 juin 2014, les capitaux en déshérence seront, à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter du décès de l’assuré ou de l’échéance du contrat, automatiquement confiés à la Caisse des dépôts et consignations ; ainsi, conformément au nouvel article L. 132-27-2 du Code des assurances :
« Les sommes dues au titre des contrats d’assurance sur la vie et des bons ou contrats de capitalisation qui ne font pas l’objet d’une demande de versement des prestations ou du capital sont déposées à la Caisse des dépôts et consignations à l’issue d’un délai de dix ans à compter de la date de prise de connaissance par l’assureur du décès de l’assuré ou de l’échéance du contrat. Le dépôt intervient dans le mois suivant l’expiration de ce délai ».
En outre, si dans le délai de 20 ans à compter du dépôt, les sommes ne sont pas réclamées, elles seront définitivement acquises à l’État. Ceci illustre la volonté du législateur de protéger les capitaux des contrats d’assurance vie quitte pour l’État à se les approprier et en devenir lui-même bénéficiaire à l’issue d’un délai de 30 ans…
La loi du 13 juin 2014 marque un tournant certain dans la gestion par les assureurs et par le législateur des contrats d’assurance vie en déshérence. Nul doute qu’à compter de l’entrée en vigueur des principales dispositions de cette loi, le 1er janvier 2016, l’ACPR sera attentive à son respect par les assureurs concernés. Il convient donc dès maintenant de mettre en place les moyens humains et matériels nécessaires à l’identification des assurés de contrats d’assurance vie éventuellement décédés et des bénéficiaires désignés par ces derniers.
Contact : stephanie.simon@squirepb.com