Une obligation

Au 31 décembre 2019, tous les mandats des salariés élus en tant que feu délégués du personnel, membres du comité d’entreprise, membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou membres de la délégation unique du personnel, ont automatiquement pris fin.

Toutes les entreprises françaises qui comptaient au moins onze (11) salariés depuis douze (12) mois consécutifs étaient donc tenues de déclencher des processus électoraux en leur sein dans le courant du mois de septembre 2019 au plus tôt afin de préserver l’intégrité de la représentation du personnel en place, ou de la mettre en place si les aléas de la vie de l’entreprise ne l’avaient pas permis.

En effet, à compter du 1er janvier 2020, toutes ces entreprises devaient avoir mis en place leur comité social et économique.

Or, au début du dernier trimestre de l’année 2019, de nombreuses sociétés n’avaient toujours pas engagé leurs processus électoraux, au risque de ne plus avoir d’instances représentatives du personnel à compter du 1er janvier 2020, ou de continuer à ne plus en avoir.

Face à ce constat, les syndicats CGT, FO, CFTC et CFE-CGC ont adressé en octobre 2019 une requête commune à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, afin de demander un report de la « date butoir », ainsi que le maintien des anciennes instances représentatives du personnel jusqu’à l’élection effective d’un comité social et économique.

La ministre du Travail n’a pas satisfait aux attentes des organisations syndicales.

L’exécutif considérait en effet qu’un délai important avait été laissé pour se conformer à cette obligation, que ce soit par le biais de la négociation collective, ou en application des dispositions transitoires issues de l’article 9 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 dans sa rédaction issue de la loi de ratification n° 2018-217 du 29 mars 2018[1].

Il en résulte que depuis le 1er janvier 2020, les entreprises « défaillantes » s’exposent à des difficultés de fonctionnement, et à d’éventuelles sanctions civiles comme pénales du fait de l’absence de représentation du personnel.

Des difficultés de fonctionnement

Les difficultés de fonctionnement concernent tout particulièrement les sociétés qui étaient dotées d’instances de représentation du personnel au 31 décembre 2019 et qui se retrouvent du jour au lendemain sans instance susceptible d’émettre un avis sur certaines décisions relatives à la marche générale de l’entreprise, alors que de nombreuses décisions de cette nature doivent en général être prises en début d’année civile.

En outre, alors même que le Code du travail permet désormais une négociation collective plus directe avec le comité social et économique, les entreprises dépourvues de cette instance ne sont pas en mesure d’y recourir.

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020 permet notamment de reconduire la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat, sous réserve de conclure un accord d’intéressement entre autres conditions[2].

Les entreprises dépourvues de comité social économique, instance qui a vocation à être le partenaire privilégié de ce type de négociation, ne pourront mettre en place un accord d’intéressement que par la voie référendaire, avec les difficultés organisationnelles inhérentes à cette modalité de mise en place, alors que la négociation avec le comité social et économique aurait été sans aucun doute moins problématique en raison du consensus autour du partage de la valeur.

Des sanctions pénales

Outre les difficultés de fonctionnement qui peuvent être redoutées lorsque l’élection d’un comité social et économique n’a pas été déclenchée, ce manquement est constitutif du délit d’entrave à la constitution de cette instance, qui est sanctionné par un an d’emprisonnement et une amende de 7 500 euros pour le représentant légal[3].

Le montant de l’amende pénale est d’ailleurs multiplié par cinq si la responsabilité de la personne morale est reconnue, soit un risque supplémentaire de 37.500 euros[4].

Quand bien même la peine d’emprisonnement n’est que rarement prononcée, ou sinon avec sursis, il en va différemment de l’amende pénale, l’exposition au risque étant particulièrement importante pour les entreprises n’ayant entrepris aucune démarche au 1er janvier 2020 sur un sujet dont la réalité ne pouvait être ignorée.

Des sanctions civiles

Le fait, pour une entreprise, de n’avoir pas accompli les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel est également susceptible de causer un préjudice aux salariés, qui pourront potentiellement réclamer des dommages-intérêts s’ils sont en mesure d’établir la réalité du préjudice allégué.

Restent toutefois prémunies contre ces divers risques les entreprises susceptibles de se prévaloir de l’existence d’un procès-verbal de carence établi antérieurement à la publication de l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Ce procès-verbal continue à produire ses effets pour la durée des mandats de l’élection à laquelle il se rapporte[5].

Par conséquent, si les mandats pour lesquels il y a eu carence devaient durer quatre années, cette protection sera donc valable jusqu’au 22 septembre 2021 et les entreprises concernées n’auront pas à organiser d’élections avant cette échéance.

A tout principe une exception : si une organisation syndicale ou un salarié de l’entreprise devait demander l’organisation des élections du comité social et économique entre le 1er janvier 2020 et le 22 septembre 2021, il appartiendra à l’entreprise concernée d’engager la procédure électorale dans le mois qui suit cette demande[6].

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Afin de remédier rapidement aux difficultés et risques encourus, il convient de rappeler aux entreprises qui n’ont pas encore déclenché les élections de leur comité social et économique (sans pour autant pouvoir se prévaloir d’un procès-verbal de carence), d’y procéder sans délai afin d’être pourvues de cette instance environ trois mois plus tard, délai maximal pour qu’un comité social et économique soit élu au terme d’un processus électoral.

 

Cet article a été co-écrit par Camille Bailleul et Jean-Sébastien Lipski

 

[1] LOI n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social

[2] LOI n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020, Article 7

[3] Article L. 2317-1 du Code du travail

[4] Article 131-38 du Code pénal

[5] Comité Social et Économique, 117 Questions – Réponses, Question n° 11, décembre 2019

[6] Comité Social et Economique, 117 Questions – Réponses, Question n° 11, décembre 2019 ; Artcile L. 2314-8 du Code du travail