Michel Prada, ancien directeur de l’Autorité des marchés financiers, qui elle n’est pas dissoute, ni fusionnée, contrairement à la Halde, a remis le mois dernier au ministre de la Justice, garde des Sceaux et à Madame Lagarde un rapport sur « certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la Place de Paris ». Ce rapport lui avait été commandé par Michèle Alliot-Marie, qui n’est plus là pour le recevoir. Le lira-t-elle ?

D’aucun se souviendront que le statut des avocats en entreprise avait déjà été abordé dans le rapport Darrois en 2009 et aussi par les rapports Grandrut et Varaut dans les années 1990. C’est ainsi que 20 ans après la fusion des avocats et conseils juridiques de 1991 qui avait laissé sur le trottoir les juristes d’entreprise, la question revient une nouvelle fois sur le devant de la scène.

Par ailleurs Michel Prada dans sa conclusion souhaite que les « propositions de son rapport fassent l’objet de consultions ad hoc et, pour certaines d’entre elles de travaux complémentaires en permettant la finalisation juridique (rédaction de texte) ou technique (par exemple définition précise des conditions d’intégration des juristes d’entreprise au statut d’avocat) ». Nous apprenons que cette consultation a débuté le 19 avril.

Il est noté en page 31 du rapport que le Conseil de l’ordre du barreau de Paris s’est prononcé en faveur de la création du statut d’avocat en entreprise en 2009, alors que la Conférence des bâtonniers l’a rejetée en 2010, comme d’ailleurs le Conseil national des barreaux (exequo entre les oui et les non). Un certain nombre d’organisations professionnelles comme le Medef, l’AFEP, l’ACE et le Cercle Montesquieu soutiennent cette initiative avec plus ou moins de réserves.

L’approche du rapporteur est originale en ce qu’il estime que la création d’une profession unique englobant les juristes d’entreprises à l’instar de nombreux pays européens et d’Amérique du Nord renforcerait la compétitivité de la place de Paris. Il en irait ainsi de l’attrait de la France pour localiser les services juridiques européens ou mondiaux de multinationales qui préfèrent aujourd’hui s’installer en Suisse ou à Londres et dans une moindre mesure à Bruxelles. Si les avocats en entreprise inscrits au barreau bénéficiaient d’un privilège de confidentialité sur leurs conseils écrits donnés en interne à la direction générale, comme c’est le cas au Royaume-Uni et aux États-Unis, des groupes multinationaux pourraient s’intéresser à la France comme siège d’une direction juridique régionale, voire globale.

Le rapport aborde de nombreuses autres questions y compris l’attractivité de Paris comme place d’arbitrage, notamment après la décision de la ICC de rester en France. Il convient donc de faire une lecture attentive de ce rapport et des divers sujets qu’il évoque comme le « legal privilege » et la sous-traitance à l’étranger, ce que nous nous efforceront de faire pour la prochaine édition de La Revue.

Il est trop tôt pour spéculer sur le sort qui sera donné aux recommandations de Michel Prada. Il est d’ores et déjà acquis qu’un long travail devra encore être accompli avant que le législateur puisse utilement intervenir. Ce n’est donc pas demain, ni pendant la présente législature que le statut de l’avocat en entreprise sera instauré. D’aucuns estiment qu’ayant attendu 20 ans, le rapport Prada s’inscrit néanmoins dans la bonne voie.