La pénibilité a été largement réformée par la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014.

Le nouveau dispositif de pénibilité, notoirement complexe, avait été décrypté dans la Revue en mars 2015[1]. Il a depuis été aménagé par la loi 2015-994 du 17 août 2015 sur le dialogue social et l’emploi afin de répondre à certaines inquiétudes des entreprises.

Deux décrets[2] et huit arrêtés[3] publiés au journal officiel du 31 décembre 2015 viennent ainsi parachever la simplification du dispositif de pénibilité tel que prévu par la loi du 20 janvier 2014.

Ces textes sont entrés en vigueur le 1er janvier 2016, sauf dispositions spécifiques.

Quelles sont les entreprises concernées ?

Les entreprises sont concernées dès lors que leurs salariés sont soumis aux facteurs de pénibilité suivants :

1. Facteurs en vigueur depuis le 1er janvier 2015 : 
– Travail de nuit entre 0 et 5h ;
– Travail en équipes successives alternantes ;
– Travail répétitif ;
– Travail en milieu hyperbare.

2. Facteurs qui entreront en vigueur le 1er juillet 2016 :
– Les manutentions manuelles de charges ;
– L’exposition à des agents chimiques dangereux (les classes et catégorie de dangers, ainsi que les seuils d’exposition, sont fixés par deux arrêtés du 30 décembre 2015) ;
– Les vibrations mécaniques ;
– Les postures pénibles (positions forcées des articulations) ;
– Le bruit.

À partir de 2017, toutes les entreprises seront concernées de façon indirecte. En effet, une nouvelle cotisation sociale de 0.01% de la masse salariale sera prélevée.
 

Quelles sont les conséquences de la loi pour les entreprises ?

1. L’employeur a l’obligation de déterminer si un seuil d’exposition règlementaire est dépassé.

Ces seuils sont fixés pour chaque facteur de pénibilité. Ils sont exprimés en intensité (par exemple, décibels, poids…) et en temps (en heures ou en jours de travail par an).

NB : Ces seuils sont décrits en annexe ci-dessous (la définition des facteurs « bruit » et « travail répétitif » ont été modifiés).

Cette démarche préliminaire peut être effectuée en même temps que l’actualisation du document unique d’évaluation. Tous les types de contrats de travail sont concernés (CDI, CDD…).

Chacun des facteurs de pénibilité donne lieu à une évaluation spécifique. Pour faciliter le travail des entreprises sur ce point, les branches professionnelles ont été invitées par le Gouvernement à définir des situations types et à diffuser des référentiels.

Ces référentiels, établis par une organisation représentative dans la branche concernée (à raison d’un référentiel par branche), doivent être homologués par arrêté conjoint du ministre du travail et des affaires sociales, après avis du conseil d’orientation des conditions de travail.

Les référentiels présentent l’impact des mesures de protection individuelle et collective sur l’exposition des salariés. En vue de l’instruction de la demande d’homologation, ils sont accompagnés de toutes données permettant d’évaluer les effectifs de salariés exposés dans la branche.

Les référentiels sont réévalués selon une périodicité déterminée ne pouvant excéder 5 ans (article D. 4161-4 du Code du travail modifié).

2. Déclaration de l’exposition aux risques professionnels

La fiche d’exposition ayant été supprimée par la loi du 17 août 2015, le décret du 30 décembre 2015 y substitue une déclaration annuelle de l’employeur, sauf pour les salariés détachés.

La fiche individuelle d’exposition est en principe remplacée par une déclaration

Elle est effectuée via la déclaration annuelle des données sociales (DADS) ou la déclaration sociale nominative (DSN) auprès des caisses de retraite compétentes pour les comptes pénibilité.

Elle doit intervenir chaque année au terme de l’année civile, et au plus tard au titre de la paie du mois de décembre  pour les salariés dont le contrat est encore en cours au terme de l’année civile (article R. 4162-1 du Code du travail modifié).

Pour les salariés dont le contrat, d’une durée supérieure ou égale à un mois, s’achève au cours de l’année civile, la déclaration doit être effectuée au plus tard lors de la paie correspondant à la fin du contrat (article R. 4162-1, II du Code du travail modifié).

La fiche individuelle d’exposition demeure pour les salariés détachés

Pour les salariés détachés en France, l’employeur doit continuer d’établir une fiche individuelle de suivi indiquant les facteurs de risques auxquels ils sont exposés au-delà des seuils.

La fiche doit être remise au salarié concerné au terme de chaque année civile ou à la fin du mois suivant la fin de son contrat s’il s’achève en cours d’année.

Les premières fiches à jour de la réforme ont donc été délivrées en janvier 2016.

La fiche devrait pouvoir être éditée par le logiciel de paie des entreprises.

Elle devra être conservée pendant 5 ans (tout moyen de support peut être utilisé).

Le fait de ne pas remplir ou actualiser cette fiche est puni de l’amende prévue pour les  contraventions de 5e classe (i.e. jusqu’à 1500 € par infraction constatée), appliquée autant de fois que de salariés concernés (article R. 4171-1-1, II du Code du travail modifié).

La déclaration de l’employeur s’effectue en fonction de l’évaluation des risques

L’employeur déclare l’exposition des salariés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, en cohérence avec l’évaluation des risques qu’il doit réaliser en application de l’article L.4121-3 du Code du travail.

La déclaration de l’employeur peut être corrigée

L’employeur peut rectifier sa déclaration jusqu’au 5 ou 15 avril de l’année suivante celle au titre de laquelle elle est effectuée, selon le calendrier de paiement de cotisations qui lui est applicable. S’il s’agit d’une rectification en faveur du salarié, elle peut être faite pendant 3 ans.

Toutefois, par dérogation pour l’exposition au titre de l’année 2015, la rectification peut se faire jusqu’au 30 septembre 2016.

3. Les entreprises concernées par l’exposition à un ou des facteurs de pénibilité devront s’acquitter d’une cotisation additionnelle spécifique de :

– en 2015 et 2016 : 0,1% de la rémunération des salariés ayant été exposés à un facteur de pénibilité au-delà des seuils d’exposition;

– à compter de 2017 : 0,2% de la rémunération des salariés ayant été exposés à un facteur de pénibilité au-delà des seuils d’exposition. Cette cotisation additionnelle spécifique sera doublée en présence de salariés exposés à plusieurs facteurs de pénibilité (articles D. 4162-54 et 4162-55 du Code du travail).

Le premier paiement aura lieu début 2016.

Le décret 2015-1885 du 30 décembre 2015 prévoit que cette cotisation additionnelle doit être payée au plus tard au moment de la déclaration d’exposition, ou, en cas de rectification, en même temps que celle-ci (article R. 4162-57 du Code du travail modifié).

4. La nouvelle annexe du document unique d’évaluation des risques :  

Le document unique d’évaluation des risques doit prévoir désormais en annexe les données collectives utiles à l’évaluation des expositions individuelles aux facteurs de risques de nature à faciliter l’établissement des fiches de prévention des expositions, notamment à partir de l’identification des postes, métiers ou situations de travail figurant, le cas échéant, dans un accord collectif de branche étendu ou un référentiel professionnel homologué (article R. 4121-1-1 du Code du travail modifié).

Pour mémoire, doit être également prévue la proportion de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels au-delà des seuils prévus au même article. Cette proportion est actualisée en tant que de besoin lors de la mise à jour du document unique (obligation déjà prévue).

5. L’obligation de négocier un accord de prévention de la pénibilité sera modifiée à compter du 1er janvier 2018

Le seuil déclenchant l’obligation de négocier un accord de prévention de la pénibilité sera abaissé à compter du 1er janvier 2018.

Cette obligation concernera alors les entreprises dont 25% des salariés sont exposés aux facteurs de pénibilité (article à venir D. 4163-1 du Code du travail).

Les accords et plans devront traiter d’un thème supplémentaire parmi les thèmes légaux.
 

Quelles sont les conséquences de la loi pour les salariés ?

Lorsqu’un salarié est reconnu comme exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, il accumule des points sur son nouveau compte personnel de prévention de la pénibilité (dit « C3P ») pour : 

– Financer des formations permettant de se réorienter vers un emploi moins pénible ;
→un point crédité sur le compte pénibilité lui ouvre doit à 25h de prise en charge de formation. Le financeur de la formation (organisme ou employeur) fait l’avance de la formation qui lui est remboursée par la caisse de retraite
→Le montant du plafond de l’heure de formation prise en charge en application de l’article R. 4162-17 du Code du travail est fixé à 12 euros (arrêté du 29/12/2015)

– Financer un maintien de rémunération lors d’un passage à temps partiel en fin de carrière ;
→le compte pénibilité peut financer un passage à temps partiel sans perte de rémunération, 10 points correspondant à un passage à mi-temps pendant 3 mois
→l’employeur maintient le salaire et se fait rembourser par la caisse de retraite
→avant la mise en œuvre du temps partiel, l’employeur doit adresser à la caisse, au moins un mois à l’avance, une copie de l’avenant au contrat de travail, une copie des 3 derniers bulletins de salaire du salarié concerné et un relevé d’identité bancaire pour se faire rembourser 
→pour 2016, l’employeur transmet à l’issue de chaque trimestre civil la copie des 3 bulletins de salaire correspondant au trimestre écoulé (arrêté du 30/12/2015)

– Bénéficier de trimestres additionnels de retraite,
10 points permettant de bénéficier d’un trimestre de retraite.
un trimestre d’exposition donne droit à l’attribution d’un 1 point sur le compte.

C’est au salarié de demander l’utilisation des points affectés à son compte.

Pour faire sa demande d’utilisation des points enregistrés sur son compte pénibilité, le salarié doit remplir le formulaire homologué, qui doit contenir différentes mentions relativement à sa situation.
 
Contact : jean-marc.sainsard@squiresanders.com
   


[1] Le présent article est une mise à jour de l’article initial rédigé par Sarah Joomun [2] Deux Décrets du 30 décembre 2015, n° 2015-1885 et n° 2015-1888 [3] Arrêtés des 11, 29 et 30 décembre 2015, parus au JO du 31 décembre 2015 (n°154, n°136, n°139, 140, 141 et 142, 159 et 160)
 

Annexe

Description des seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité

Les facteurs de risques professionnels et les seuils d’exposition aux facteurs de pénibilité sont fixés comme suit par l’article D. 4161-2 du Code du travail :
 
1° Au titre des contraintes physiques marquées : « Simplification de la pénibilité » 2° Au titre de l’environnement physique agressif : « Simplification de la pénibilité » 3° Au titre de certains rythmes de travail : « Simplification de la pénibilité »