Les ordonnances visant à réformer le Code du Travail ont été signées le vendredi 22 septembre 2017 et publiées au Journal Officiel le 23. Certaines mesures très concrètes sont d’application immédiate.

Il s’agit de :

  •  l’ordonnance n°2017-1385 relative au renforcement de la négociation collective,
  •  l’ordonnance n°2017-1386 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales,
  •  l’ordonnance n°2017-1387 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail,
  • l’ordonnance n°2017-1388 portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective,
  •  l’ordonnance n°2017-1389 relative à la prévention et à la prise en compte de effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention.

Cette réforme voulue par le Président de la république s’inscrit autour de 4 axes visant à apporter:

  • des solutions pragmatiques dans les TPE/PME ;
  • de la confiance aux entreprises et aux salariés en leur donnant la capacité d’anticiper et de s’adapter de façon simple, rapide et sécurisée ;
  • de nouveaux droits et nouvelles protections pour les salariés
  • de nouvelles garanties pour les délégués syndicaux et les élus du personnel qui s’engagent dans le dialogue social.

Nous avons choisi de présenter de manière générale les principales mesures phares de cette réforme. Notre présentation n’est donc pas exhaustive.

1. LES NOUVEAUTÉS RELATIVES AU LICENCIEMENT

Modèle type de lettre de licenciement

Un décret va fixer les modèles que l’employeur pourra utiliser pour notifier un licenciement pour motif personnel ou pour motif économique.

Motivation de la lettre de licenciement

Les motifs de la lettre de licenciement pourront être précisés par l’employeur après la notification du licenciement, soit à son initiative soit à la demande du salarié, selon des modalités qui seront fixées par décret. .  La lettre, précisée le cas échéant, fixera les limites du litige.

Lorsque la lettre de licenciement comporte plusieurs motifs et que l’un d’eux viole une liberté fondamentale, la nullité encourue ne dispense pas le juge d’examiner les autres griefs pour en tenir compte dans l’indemnisation à allouer.

Réduction des délais de prescription pour la contestation des licenciements

Le délai de prescription de toute action portant sur le licenciement personnel est réduit à 12 mois à compter de la notification de la rupture (au lieu de deux ans jusqu’à présent).

Toute contestation portant sur le licenciement économique se prescrit par 12 mois, à compter de la dernière réunion du CSE (CSE: cf 5 ci-dessous), ou à compter de la notification du licenciement (dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement).

Revalorisation de l’indemnité légale de licenciement

Par décret publié au journal officiel du 25 septembre 2017, l’indemnité légale de licenciement des 10 premières années d’ancienneté est revalorisée comme suit :

  • un quart de mois par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans,
  • un tiers de mois de salaire pour les années d’ancienneté à partir de 10 ans.

En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

  1. Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;
  2. Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

La revalorisation de l’indemnité légale de licenciement est applicable aux licenciements, aux mises à la retraite prononcés et aux ruptures conventionnelles conclues à compter du lendemain de la publication du décret, soit à partir du 27 septembre 2017.

L’ancienneté requise pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement passe de 12 à 8 mois.

Instauration d’un barème obligatoire en cas de licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse

Le référentiel indicatif, jusqu’alors en vigueur, est supprimé au profit d’un barème obligatoire, qui diffère selon que l’entreprise emploie plus ou moins de 11 salariés.

Pour les entreprises employant au moins 11 salariés, le barème détermine une indemnité minimale et maximale en mois de salaire brut en fonction de l’ancienneté acquise par le salarié. Le salarié ayant moins d’un an d’ancienneté peut se voir attribuer au maximum 1 mois de salaire, le salarié ayant 30 ans et plus d’ancienneté aura droit à une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 20 mois.

Pour les entreprises employant moins de 11 salariés, le barème des indemnités maximales est identique. Le barème des indemnités minimales est en revanche différent. L’indemnité minimale va de 0,5 mois de salaire brut pour un salarié ayant 1 an d’ancienneté à 2,5 mois de salaire brut pour le salarié ayant 10 ans d’ancienneté et plus.

Pour déterminer le montant de l’indemnité éventuelle allouée au salarié, le juge pourra tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture (notamment, les indemnités supra légales versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ce qui n’était pas le cas auparavant, selon la jurisprudence).

Ce barème est inapplicable en cas de licenciement nul pour violation d’une liberté fondamentale, harcèlement moral ou sexuel, licenciement discriminatoire, violation du statut protecteur du salarié protégé, violation des règles de protection de la femme enceinte ou  licenciement pendant la suspension du contrat de travail pour maladie ou accident professionnel (sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat).

Indemnisation en cas de licenciement économique

Lorsque le licenciement est nul en raison de la nullité de la procédure, l’indemnité ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaire au lieu des 12 précédemment. En cas de non-respect de la priorité de réembauche, l’indemnité ne peut être inférieure à 1 mois de salaire au lieu de 2.

2. CE QUI CHANGE POUR LES LICENCIEMENTS POUR MOTIF ÉCONOMIQUE

Le périmètre d’appréciation des difficultés économiques est limité au territoire français pour les entreprises appartenant à un groupe

La cause économique s’apprécie au niveau de l’entreprise, et si l’entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe, établies sur le territoire national. Le terme « sauf fraude », censé servir de garde-fou pour éviter que les multinationales n’organisent l’insolvabilité de leur unique site en France, a été supprimé du texte définitif de l’ordonnance.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé notamment par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché (nouvelle rédaction de l’article L.1233-3 du code du travail).

La notion de groupe est définie, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français.

Le périmètre des recherches de reclassement se limite dorénavant au territoire national

L’obligation de l’employeur de proposer des postes de reclassement à l’étranger est supprimée. Dorénavant le périmètre sur lequel s’applique les recherches de reclassement se limite au territoire national, sur les postes disponibles dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient, et dont l’organisation, les activités, ou le lieu d’exploitation permettent d’assurer la permutation de tout ou partie du personnel.

3. NOUVELLES MODALITES DES DEPARTS VOLONTAIRES : les accords portant ruptures conventionnelles collectives et le congé de mobilité

Une nouvelle section intitulée « rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif » est insérée dans le Code du travail.

Un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de rupture d’un commun accord du contrat de travail.

L’administration doit être informée sans délai de l’ouverture de négociation d’un tel accord.

Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission ne peuvent être imposées par l’une ou par l’autre des parties.

Amélioration et sécurisation des congés de mobilité

Le congé de mobilité, jusqu’à présent réservé aux entreprises de plus de 1000 salariés, peut désormais être proposé par l’employeur qui a conclu un accord collectif sur la gestion des emplois et des compétences, soit dans toutes les entreprises d’au moins 300 salariés.

La procédure d’information consultation applicable au PSE n’est pas applicable, mais le CSE doit cependant être informé et consulté.

Les modalités de départ et de déroulement du congé ne sont pas modifiées.

Accords portant ruptures conventionnelles collectives

Les ruptures conventionnelles collectives relèvent d’un accord collectif qui devra déterminer :

  • les modalités et conditions d’information du CSE ;
  • le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées et la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;
  • les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
  • les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
  • les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
  • les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord ;
  • des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur les emplois équivalents, telles que les actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion, ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;
  • les modalités de suivi de la mise en œuvre de l’accord portant rupture conventionnelle collective.

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture d’un commun accord des parties. L’autorisation de l’inspection du travail est requise pour les salariés protégés souhaitant conclure une rupture conventionnelle collective.

L’administration dispose d’un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord pour le valider. Son silence gardé pendant ce délai vaut validation.

L’accord portant sur les ruptures conventionnelles collectives n’est pas soumis aux modalités d’information consultation du CSE en cas de PSE.

Un régime d’exonérations sociales et fiscales sera proposé dans le cadre de la discussion au Parlement de la prochaine loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, afin de garantir l’attractivité de ces deux dispositifs (i.e. rupture conventionnelle collective et congé de mobilité), selon le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2017-1387.

4. NÉGOCIATION COLLECTIVE

Accès facilité à la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux et/ou de représentants élus du personnel

Dans les entreprises de moins de 11 salariés : l’employeur pourra proposer un projet d’accord collectif d’entreprise directement aux salariés, sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective, qui devra être soumis à référendum des salariés à l’issue d’un délai minium de 15 jours courant à compter de de la communication à chaque salarié du projet d’accord. Pour être valide, l’accord devra recueillir l’approbation des 2/3 des salariés. (nouveaux articles L.2232-21 et L.2232-22 du Code du travail).

Dans les entreprises entre 11 et moins de 50 salariés, sans délégué syndical, des accords pourraient être conclus :

  • soit par un ou plusieurs salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche (membre ou non du CES), ou à défaut par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel. L’approbation des salariés par référendum (majorité des 2/3) est requise pour que l’accord soit valide lorsqu’il a été signé par un ou plusieurs salariés mandatés, non membre du CES ;
  • soit par un ou plusieurs membres de la délégation du personnel du comité économique et social (résultant des ordonnances) : pour être valable, l’accord devra être signé par un ou plusieurs membres de la délégation du personnel, représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles (nouvel article L.2232-23-1 du Code du travail)

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, sans délégué syndical, des accords pourront être négociés, conclus ou révisés :

  • Avec les élus du CES mandatés dans les mêmes conditions que dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et moins de 50 salariés (cf. ci-dessus). Pour être valide, l’approbation des salariés (à la majorité des suffrages exprimés) est requise .
  • Avec les élus du CES non mandatés par une organisation syndicale représentative, à condition qu’ils représentent la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections. La validation référendaire n’est pas nécessaire pour que les accords ainsi conclus soient valides. Les accords ainsi conclus ne peuvent porter que sur des mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif (Nouveaux articles L.2232-24 à L.2232-26 du Code du travail).
  • Avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, lorsque l’employeur a fait connaitre son intention de négocier au CSE et qu’aucun élu n’a manifesté son souhait de négocier. Cette possibilité s’applique de droit dans les entreprises dépourvues de DS dans lesquelles un procès-verbal de carence a établi l’absence de représentants élus du personnel. Pour être valide, l’accord signé par un salarié mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés (nouveaux articles L.2232-27 et L.2232-29-2 du Code du travail).

L’entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée à la publication de décrets.

Confirmation de la nouvelle articulation entre accords de branche et accords d’entreprise

Trois blocs de matières sont définis :

– Le premier bloc regroupe les matières pour lesquelles il ne peut être dérogé à l’accord de branche par l’accord d’entreprise conclu avant ou après, sauf si elle assure des garanties au moins équivalentes et notamment les salaires minima et hiérarchiques, les classifications ;

– Le deuxième bloc regroupe les matières dans lesquelles l’accord de branche peut prévoir des « clauses de verrouillage », c’est-à-dire que l’accord de branche peut prévoir, dans ces matières, que l’accord d’entreprise conclu postérieurement ne pourrait pas comporter de dispositions différentes, sauf si elles assurent des garanties au moins équivalentes, à savoir la prévention des effets de l’exposition à certains risques professionnels, l’insertion professionnelle et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, l’effectif à partir duquel les délégués syndicaux peuvent être désignés, leur nombre et la valorisation de leur parcours syndical, les primes pour travaux dangereux et insalubres ;

– Le troisième bloc regroupant toutes les autres matières, pour lesquelles les accords d’entreprises prévaudront sur les conventions de branche.

5. FUSION DES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DU PERSONNEL EN UNE INSTANCE UNIQUE : le comité social et économique (CSE)

Le CSE est mis en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés et au sein d’une unité économique et sociale. Le CSE peut être mis en place par accord collectif entre plusieurs entreprises d’un même site ou d’une même zone.

Ses attributions varient selon l’effectif de l’entreprise :

  • Dans les entreprises de moins de 50 salariés le CSE exercera les mêmes attributions que celle des délégués du personnel (présentation des réclamations individuelles et collectives de travail notamment) et du CHSCT (promotion de la santé et de la sécurité dans l’entreprise, enquête en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle) ;
  • Dans les entreprises à partir de 50 salariés, s’ajouteront aux missions précédentes celles exercées jusqu’à présent par le comité d’entreprise.

Une commission santé, sécurité et conditions de travail doit être mise en place dans les entreprises et établissements d’au moins 300 salariés, ou dans les établissements à hauts risques (installation nucléaire, classement Seveso).

Un accord collectif ou en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le CSE adopté à la majorité des membres titulaires, peut définir le contenu, la périodicité et les modalités de consultation récurrentes du CSE ainsi que la liste des informations nécessaires à ces consultations, le nombre de réunions annuelles (minimum 6 par an), les niveaux auxquelles les consultations sont conduites et leur articulation le cas échéant, les délais dans lesquels les avis sont rendus.

Le budget de fonctionnement est fixé à 0,20% de la masse salariale brute dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 2000 salariés et 0,22% dans les entreprises employant plus de 2000 salariés.  Quant au budget des activités sociales et culturelles, il est désormais défini par accord d’entreprise. A défaut, les mêmes règles que celles applicables jusqu’à présent demeurent.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.

Le CSE devra être mis en place lors des prochaines élections (institution ou renouvellement) de l’une des instances représentatives  (comité d’entreprise, délégués du personnel, CHSCT, instance regroupée) et au plus tard le 31 décembre 2019. Des dispositions transitoires spécifiques (réduction ou allongement des mandats en cours) ont été prises pour tenir compte de certains cas particuliers.

Cet article a été écrit par Delphine Monnier