Recommandation de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) n° 2011-R-05

Le 15 décembre 2011, l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article L612-29-1 du Code monétaire et financier en matière de protection de la clientèle des organismes soumis à son contrôle, a publié une recommandation sur le traitement des réclamations.

Cette recommandation, portant le n° 2011-R-05, a pour objet de garantir à la clientèle des organismes entrant dans son champ d’application :

• une information claire et transparente sur les modalités de traitement des réclamations et un accès facile au système de traitement des réclamations ;

• un traitement des réclamations qui soit efficace, égal et harmonisé ;

• la mise en place d’éventuelles actions correctives destinées à corriger les dysfonctionnements identifiés à travers le traitement des réclamations
.
Cette recommandation a été adoptée après que l’ACP a constaté que, malgré l’existence de divers textes législatifs et réglementaires applicables aux secteurs de la banque et de l’assurance en matière d’information du client sur les modalités d’examen des réclamations, ainsi que de traitement des réclamations, certaines modalités de saisine et de traitement des réclamations au sein de ces secteurs sont insuffisamment protectrices de la clientèle.

L’ACP a porté en annexes à sa recommandation, d’une part, les règles applicables aux organismes d’assurance et aux établissements de crédits (Annexe 1) et, d’autre part, des exemples de situations pour lesquelles les modalités de saisine et de traitement des réclamations sont insuffisamment protectrices de la clientèle (Annexe 2).

Cette seconde annexe fournit des détails intéressants sur les pratiques que l’ACP juge insatisfaisantes, et devrait aider les opérateurs à se situer par rapport aux pratiques ainsi « épinglées ».

I. Organismes concernés, date d’application et portée de la recommandation

1. Champ d’application :

Les organismes tenus d’appliquer la recommandation n°2011-R-05 sont fort nombreux, puisqu’il s’agit des :

• des entreprises d’assurance régies par le Code des assurances,

• des mutuelles et unions régies par le Livre II du Code de la mutualité,

• des institutions de prévoyance et unions d’institutions de prévoyance,

• des établissements de crédits,

• des établissements de paiement,

• des intermédiaires d’assurance,

• des intermédiaires en opérations de banque et services de paiement.

Les organismes précités tombent dans le champ de la recommandation y compris s’ils interviennent en France en libre prestation de services ou en libre établissement.

2. Date d’application :

La recommandation devra être appliquée par les organismes susvisés à compter du 1er septembre 2012.
De ce fait, ceux des organismes visés qui sont tenus de se doter d’un contrôle interne devront, dès 2013, justifier dans l’annexe de leur rapport de contrôle interne afférent à l’exercice 2012, des moyens et procédures mis en œuvre pour le contrôle et le suivi des réclamations et la prise en compte des manquements identifiés à travers les réclamations formulées (voir infra II 3. sur ce point).

3. Portée – caractère contraignant :

La portée des recommandations de l’ACP – qui constituent des instruments spécifiques de l’ACP en matière de commercialisation et de protection de la clientèle – a été explicitée par l’ACP elle-même dans le document intitulé « Politique de transparence de l’Autorité de Contrôle Prudentiel », publié en juillet 2011, dont nous reportons ci-après un extrait (en mettant en exergue certains passages):

« Les recommandations : l’ACP peut définir elle-même des règles de bonne pratique en matière de commercialisation et de protection des intérêts de la clientèle des assurés, adhérents ou bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle. Ces recommandations sont prises à l’initiative de l’ACP, elles portent sur un thème identifié et consistent en des préconisations pratiques adressées aux personnes contrôlées. Elles peuvent regrouper des bonnes pratiques et, le cas échéant, décrire les mauvaises pratiques qu’elle proscrit, en particulier celles constatées à l’occasion de mises en garde individuelles.

Lorsque l’ACP adopte et publie une recommandation, les bonnes pratiques qu’elle mentionne prennent une portée générale pour l’ensemble des personnes concernées par le champ d’application qu’elle mentionne. Elle précise, le cas échéant, la date à compter de laquelle la recommandation s’applique. L’ACP veille au respect, pour l’avenir, des recommandations publiées.

La méconnaissance des bonnes pratiques constatées ou recommandées par l’ACP ne donne pas directement lieu à sanction disciplinaire. Des mesures de police sont en revanche prévues : mise en garde individuelle lorsque l’ACP constate qu’une personne contrôlée a des pratiques différentes, susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires. Le non-respect d’une mise en garde13 peut alors donner lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire14. Conformément aux dispositions des articles L. 612-35 et R. 612-34, les mesures de police administrative sont prononcées à l’issue d’une procédure contradictoire. La procédure disciplinaire telle qu’elle est définie aux articles L. 612-38 et suivants et R. 612-35 et suivants respecte aussi scrupuleusement le principe du contradictoire.

Pour les personnes qui sont tenues de mettre en œuvre un dispositif de contrôle interne, ce dispositif de contrôle doit intégrer le respect de ces bonnes pratiques.

13. Article L. 612-30 du Code monétaire et financier.

14. Articles L. 612-38 et L. 612-39 du Code monétaire et financier.».

II. Contenu de la recommandation

L’ACP distingue trois volets distincts de recommandations :

• le premier volet porte sur les recommandations afférentes à l’information et l’accès de la clientèle au système du traitement des réclamations ;

• le deuxième volet contient les recommandations afférentes à l’organisation du traitement des réclamations ;

• le troisième volet porte sur les recommandations afférentes au suivi et au contrôle du traitement des réclamations et à la prise en compte des manquements ou mauvaises pratiques identifiés à travers les réclamations 1. Les recommandations portant sur l’information et l’accès de la clientèle au système de traitement des réclamations :

En la matière, qui se décline en 6 rubriques, l’ACP recommande :

« 3.1.1. D’informer la clientèle, dans un langage clair et compréhensible, sur :

– les modalités de saisine de chacun des niveaux de traitement des réclamations mis en place, notamment les coordonnées (adresse, numéro de téléphone non surtaxé…) de la (des) personne(s) ou du service en charge du traitement des réclamations et du médiateur compétent quand ce dernier existe.

Lorsque plusieurs intervenants sont impliqués dans le processus de commercialisation ou de gestion, cette information doit être déclinée pour chaque catégorie de réclamations nécessitant un circuit de traitement distinct ;

– les délais de traitement de la réclamation auxquels l’entité s’engage ;

– l’existence de la (des) charte(s) ou du (des) protocole(s) de la médiation, lorsque cette dernière existe, et d’en donner la (les) référence(s).

3.1.2. De rendre l’information visée au i) ci-dessus rapidement accessible à l’ensemble de la clientèle, notamment dans les lieux d’accueil de la clientèle, lorsqu’ils existent, ou sur un site Internet.

3.1.3. D’accuser réception de la réclamation dans le délai sur lequel l’entité s’est engagée à le faire, sauf si la réponse elle-même est apportée au client dans ce délai.

3.1.4. De tenir informé le client du déroulement du traitement de sa réclamation, notamment lorsque, en cas de survenance de circonstances particulières, les délais sur lesquels l’entité s’est engagée ne peuvent pas être respectés.

3.1.5. En cas de rejet ou de refus de faire droit en totalité ou partiellement à la réclamation, de préciser, dans la réponse apportée au client, les voies de recours possibles, notamment l’existence et les coordonnées du (des) médiateur(s) compétent(s), lorsqu’il(s) existe(nt).

3.1.6. D’éviter toute confusion, en particulier dans l’intitulé des services ou dans les courriers adressés à la clientèle, entre, d’une part, les services de l’entité et, d’autre part, le dispositif de médiation indépendante. »

2. Les recommandations portant sur l’organisation du traitement des réclamations

Sur cet aspect, les recommandations de l’ACP sont nombreuses et précises. Il est en effet recommandé en la matière :

« 3.2.1. De mettre en place les moyens et procédures permettant d’identifier les courriers, appels téléphoniques et courriels qui constituent des réclamations et de définir les circuits de traitement de celles-ci.

3.2.2. De veiller à ce que le (les) collaborateur(s) habituellement en relation avec la clientèle ou qui réceptionne(nt) des demandes de la clientèle, ai(en)t une formation lui (leur) permettant d’identifier clairement les réclamations reçues et d’utiliser de façon appropriée le(s) circuit(s) de traitement des réclamations.

3.2.3. De mettre en place une organisation du traitement des réclamations qui :

– permet au client de présenter sa réclamation à son interlocuteur habituel, conseiller ou gestionnaire et, s’il n’a pas reçu une réponse satisfaisante à sa réclamation, de s’adresser à un service dédié de traitement des réclamations distinct des conseillers ou gestionnaires, dans la mesure où la taille et la structure de l’entité le permettent3
[Sur ce point, la recommandation contient la note de bas de page suivante] :

3. Ce circuit de traitement des réclamations pourra être organisé de manière transversale entre les entités concernées dont la responsabilité est susceptible d’être engagée au titre de l’objet des réclamations. Par exemple, s’agissant des réclamations portant sur la présentation d’une opération d’assurance, le circuit pourra être organisé entre les différents intermédiaires d’assurance impliqués dans cette présentation. ;

– lorsque plusieurs circuits de traitement des réclamations existent4, prévoit clairement :

● les entités concernées qui sont compétentes selon l’objet de la réclamation ou, par défaut, un point d’entrée unique auquel le client peut adresser sa réclamation et qui se chargera de la transmettre à l’interlocuteur compétent et d’assurer un suivi de la réponse,

● les modalités de transmission entre les entités des réclamations adressées par erreur à un interlocuteur non compétent ;
[Sur ce point, la recommandation contient la note de bas de page suivante] :

4. Plusieurs circuits de traitement des réclamations coexistent lorsque plusieurs entités sont impliquées dans l’opération faisant l’objet de la réclamation, notamment lorsque des contrats d’un organisme d’assurance sont distribués par un établissement de crédit ou lorsqu’une délégation de gestion a été consentie.).

– permet de respecter les délais de traitement qui ont été communiqués au client dans les conditions prévues au 3.1 supra et qui ne devraient pas excéder, au total :

● dix jours ouvrables à compter de la réception de la réclamation, pour en accuser réception, sauf si la réponse elle-même est apportée au client dans ce délai,

● deux mois entre la date de réception de la réclamation et la date d’envoi de la réponse au client ;

– prévoit clairement les modalités de transmission au(x) médiateur(s) désigné(s), lorsqu’il(s) existe(nt), de tout courrier qui lui (leur) est destiné ;

– prévoit les modalités d’enregistrement des réclamations et du suivi de leur traitement ;

– prévoit un niveau de qualification requis pour le (les) collaborateur(s) en charge de la fonction de traitement des réclamations, incluant une bonne connaissance des produits, services, contrats, outils et procédures des entités concernées ;

– prévoit les principes de responsabilités et délégations au sein des entités concernées, s’agissant notamment des niveaux d’habilitation des collaborateurs5

[Sur ce point l’ACP indique] : 5. Par exemple concernant la signature des courriers ou les gestes commerciaux ;

– comporte, dans la mesure où la taille et la structure de l’entité le permettent, un responsable chargé de veiller à la conformité et à l’efficacité du traitement des réclamations.

3.2.4. De formaliser cette organisation dans une (des) procédure(s) de traitement des réclamations de la clientèle, communiquée(s) à l’ensemble des collaborateurs concernés.

3. Recommandations portant sur le suivi et le contrôle du traitement des réclamations et la prise en compte des manquements ou mauvaises pratiques identifiés à travers les réclamations

Dans le cadre de ce troisième volet, l’ACP recommande aux opérateurs :

« 3.3.1 De mettre en place un suivi des réclamations6 et d’en effectuer une restitution aux services/personnes concernés de l’entité et, le cas échéant, aux organes définissant la politique commerciale du réseau auquel appartient l’entité ainsi qu’aux intervenants impliqués dans le processus de commercialisation ou de gestion.

3.3.2. D’identifier les manquements et mauvaises pratiques en matière de commercialisation et de protection de la clientèle afin de mettre en oeuvre des actions correctives au niveau de l’entité et, le cas échéant, de permettre la mise en œuvre d’actions correctives au niveau du réseau auquel elle appartient et des intervenants impliqués dans le processus de commercialisation ou de gestion.

3.3.3. Pour les entités tenues de se doter d’un contrôle interne :

– de mettre en œuvre les moyens et procédures nécessaires pour assurer un contrôle interne adapté, par les entités concernées, sur l’information délivrée, l’organisation et la qualité du traitement des réclamations, selon les modalités recommandées aux paragraphes 3.1 à 3.2 supra ;

– de prendre en compte et de contrôler, au titre du contrôle interne de l’entité concernée, les risques subis par la clientèle que pourraient causer les manquements et/ou atteintes aux règles de protection de la clientèle, identifiés au travers des réclamations ;

– d’en justifier notamment dans l’annexe du rapport de contrôle interne prévue à cet effet, pour les entités concernées. »

Pour bon nombre d’opérateurs tombant dans le champ d’application de la recommandation n° 2011-R-05 susvisée, la mise en conformité avec les préconisations de l’ACP va requérir un travail important de recensement et de structuration des circuits de traitement des réclamations, de rédaction et/ou d’harmonisation des procédures existant en la matière, de formation des personnels concernés, devant ensuite permettre auxdits opérateurs de délivrer à leurs clients une information claire et adaptée et de leur garantir un mode de traitement des réclamations qui soit conforme aux procédures ainsi mises en place.

En outre, il conviendra de structurer et de professionnaliser le circuit « aval » des réclamations, en mettant en œuvre des procédures de suivi et de contrôle du traitement des réclamations qui permettront de prendre en compte les manquements et les pratiques inadaptées, afin de mettre en œuvre les actions correctives nécessaires à la protection des clients.

Enfin, pour les opérateurs tenus de se doter d’un contrôle interne, parmi lesquels figurent les organismes assureurs, il conviendra notamment d’identifier et de mettre en œuvre les moyens et les procédures permettant de réaliser un contrôle interne adapté sur ces aspects et, pour les opérateurs concernés, d’en rendre compte dans l’annexe au rapport de contrôle interne sur l’application des règles de protection de la clientèle.

Précisons sur ce dernier point que, dans un courrier adressé le 10 novembre 2011 aux représentants respectifs de la FFSA, du CTIP et de la FNMF, Madame Danièle Nouy, Secrétaire général de l’ACP, a indiqué ce qui suit en ce qui concerne ladite annexe :

«i[ Depuis 2011, dans le cadre de la nouvelle mission de l’Autorité de contrôle prudentiel, prévue à l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, des informations relatives à l’application des règles de protection de la clientèle et à leur insertion dans le dispositif de contrôle interne sont demandées dans une annexe spécifique au rapport de contrôle interne. Ce rapport doit être remis chaque année à l’Autorité de contrôle prudentiel, en application des dispositions de l’article [R.336-1 du code des assurances /R.931-43 du code de la sécurité sociale / R.211-28 du code de la mutualité].

L’analyse des annexes reçues au titre de l’année 2010, de même que des considérations de simplicité et d’efficacité, nous conduisent à proposer, à partir de l’an prochain, aux organismes qui le souhaitent de remplir un questionnaire sous forme électronique qui se substitue à l’envoi d’une annexe rédigée et envoyée sous format papier. Ce questionnaire en format pdf modifiable, constitué majoritairement de questions fermées ou de choix dans des listes déroulantes, pourra être complété par les différents interlocuteurs concernés au sein de l’organisme, avant renvoi par courriel à l’ACP.

Le questionnaire tient compte des observations émises lors de la période de consultation des associations professionnelles, qui s’est déroulée du 3 octobre au 3 novembre 2011. La réponse à la plupart des questions et le renseignement des tableaux demeurent, pour ce premier exercice, facultatifs, et de larges zones de commentaires seront ouvertes pour permettre d’expliquer les situations particulières. Une notice explicative sera jointe au formulaire lors de sa mise en ligne sur le site de l’ACP prévue en mars 2012.]i »

Des précisions devraient donc être apportées par l’ACP sur ce questionnaire dans les mois à venir.