Nul n’ignore aujourd’hui que la rupture brutale de relations commerciales (article L.442-6-II al.5 du Code de commerce) génère toujours abondance de contentieux et constitue une énigme pour nos clients étrangers. Elle bénéficie d’un régime dérogatoire à de nombreux égards et particulièrement en ce qui concerne la compétence des tribunaux appelés à statuer.

En effet, en premier lieu, la rupture brutale de relations commerciales étant considérée comme une faute délictuelle, le tribunal compétent pour en connaitre est notamment le tribunal du lieu où la faute a été commise : ce qui implique, si la victime de la rupture est une société française, qu’elle peut assigner son cocontractant étranger en France, au tribunal du lieu de son siège social.

En second lieu, selon l’article D.442-3 du Code de commerce mis en place par la loi du 11 novembre 2009, les tribunaux exclusivement compétents pour statuer sur les litiges relatifs à la rupture brutale de relations commerciales sont limités à 8 tribunaux de commerce fixés par décret. La seule cour d’appel compétente est celle de Paris.

Cette compétence exclusive est d’ordre public, ce qui signifie que les clauses attributives de juridiction, contenues dans le contrat objet de la rupture, ne sont pas applicables (le caractère délictuel de la faute permet également d’écarter l’application de ce type de clause).

Cela signifie aussi que l’incompétence peut être soulevée d’office par les tribunaux et la Cour d’appel à tout moment.

La Cour d’appel de Rennes dans un arrêt du 9 avril 2013 a considéré que le Tribunal de commerce de Vannes qui n’est pas sur la liste des tribunaux compétent de l’article D.442-3 du Code de commerce et qui s’est prononcé sur la rupture brutale de relations commerciales postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 11 novembre 2009 « n’avait plus à cette date le pouvoir de statuer sur le litige de sorte que la nullité du jugement doit être relevée d’office en application de l’article 125 du Code de Procédure Civile ».

Ainsi le jugement d’un tribunal incompétent au regard de l’article D442-3 devrait être déclaré nul par la cour d’appel saisie d’office de l’incompétence.

Pour autant, la Cour de cassation dans un arrêt du 7 octobre 2014 vise une décision de la Cour d’appel de de Versailles qui a déclaré de son côté l’appel contre le jugement d’un tribunal incompétent du même chef, irrecevable. La Cour de cassation sanctionne l’arrêt, non pas parce que le jugement aurait dû être déclaré nul, mais parce que la Cour d’appel a accepté de statuer sur les autres demandes des parties, fondées sur l’article 1134 du Code civil.

Ainsi, il ressort clairement de l’arrêt que la compétence exclusive des tribunaux de commerce visés à l’article D.442-3 du Code de commerce inclue tout le litige dès qu’il comporte une demande relative à la rupture brutale de relations commerciales.

Ce qui est moins clair ce sont les conséquences d’un constat d’incompétence par la Cour d’appel : annulation du jugement ou irrecevabilité de l’appel ?

Un arrêt du 4 décembre 2014 de la Cour d’appel d’Aix en Provence a de son côté soulevé d’office son incompétence pour statuer sur un jugement du Tribunal de commerce de Toulon du fait de l’existence d’une demande relative à la rupture brutale de relations commerciales. La demande formulée devant le tribunal de commerce ne visait pas l’article L442-6 III al.5. Cependant, la Cour d’appel a considéré que le Tribunal de commerce de Toulon aurait dû requalifier la demande et se déclarer incompétent. À défaut, la Cour d’appel a considéré l’appel du défendeur irrecevable.

Ainsi l’erreur de qualification et de saisine du demandeur a pour effet de priver le défendeur d’un second degré de juridiction, sauf à ce que l’ordonnance d’irrecevabilité fasse courir un nouveau délai comme l’a récemment jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 16 octobre 2014.

Il convient en tout état de cause d’être particulièrement vigilant sur ces questions de compétence et les particularismes de la rupture brutale qui absorbe au surplus toutes les autres demandes présentées dans le cadre du litige.