Après l’inattendue réaction de la Cour de Cassation, demandant à la CJUE de se prononcer sur la conformité du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au droit de l’Union Européenne (cf. notre article dans le précédent numéro de La Revue), le Conseil d’État rejoint quant à lui le rang des bons élèves, à la suite du « rappel à l’ordre » émanant du Conseil Constitutionnel.

Dans le cadre du contrôle traditionnel de constitutionnalité d’une loi, le Conseil Constitutionnel a validé l’intégralité des dispositions de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, et en a profité pour préciser l’articulation des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité, en réaffirmant sa décision de 1975 dite « IVG », selon laquelle il ne lui appartient pas d’examiner la compatibilité d’une loi aux engagements internationaux de la France, contrôle incombant aux juridictions administratives et judiciaires.

Répondant aux arguments invoqués par la Cour de Cassation dans sa décision du 16 avril 2010, le Conseil Constitutionnel précise que les juridictions administratives et judiciaires, y compris lorsqu’elles transmettent une question prioritaire de constitutionnalité, ont toujours la faculté ou même l’obligation, lorsque leurs décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne, de saisir la CJUE d’une question préjudicielle en application de l’article 267 du traité de l’Union européenne.

En outre, le Conseil rappelle que l’autorité de ses décisions découlant de l’article 62 de la Constitution « ne limite pas la compétence des juridictions administratives et judiciaires pour faire prévaloir ces engagements sur une disposition législative incompatible avec eux, même lorsque cette dernière a été déclarée conforme à la Constitution ».

Statuant sur la transmission d’une QPC au Conseil Constitutionnel le 14 mai 2010, le Conseil d’État déclare la QPC irrecevable au motif que l’article 61-1 de la Constitution concerne uniquement les questions portant sur une disposition législative. En l’espèce était invoquée la conformité de l’article 1F de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés. La Haute juridiction rappelle à cette occasion que le juge administratif est le juge de droit commun de l’application du droit de l’Union Européenne.

Selon le Conseil d’État, les dispositions de la loi organique, relative à l’application de la QCP, ne font pas obstacle à ce que le juge administratif assure l’effectivité du contrôle de conventionalité, que ce soit au terme de la procédure d’examen de la QPC, ou à tout moment de cette procédure, lorsque l’urgence le commande, pour faire cesser immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l’UE. En outre, le Conseil d’État réaffirme la possibilité pour le juge administratif de poser une question préjudicielle à la CJUE, et ce à tout instant.

Les affres exprimées par la Cour de Cassation dans l’arrêt du 16 avril, ne sont pas partagées par le Conseil d’État, ce dernier s’alignant sur la décision du Conseil Constitutionnel rendue deux jours plus tôt.