Un projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale pour 2011, dont le gouvernement espère l’adoption définitive « avant l’été », prévoit d’obliger les entreprises de 50 salariés et plus qui distribueraient un dividende par action en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes distribués au cours des deux exercices précédents à négocier, dans les trois mois de l’attribution dudit dividende décidée par l’assemblée générale des actionnaires, le versement d’une « prime » à l’ensemble de leurs salariés.

Selon une première étude d’impact, entre 4 et 8 millions de salariés seraient concernés par ce dispositif.

1. Les entreprises assujetties

Il s’agirait de celles – publiques ou privées – qui sont assujetties à l’obligation de mettre en place le régime légal de la participation et qui donc emploient 50 salariés et plus.

Le texte permet également aux entreprises de moins de 50 salariés de verser volontairement la prime, si la condition d’augmentation du dividende par action est remplie. Le choix leur serait laissé entre une mise en œuvre « à leur initiative » ou par un accord conclu selon l’une des modalités de conclusion d’un accord d’épargne salariale (cf ci-après).
2. La condition d’augmentation du dividende par action

Le texte du II du projet de loi se suffit à lui-même :

« Lorsqu’une société attribue à ses associés des dividendes, en application de l’article L. 232-12 du code de commerce, et lorsque le montant du dividende par action est en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, elle verse une prime au bénéfice de l’ensemble de ses salariés. ».

En conséquence, toute augmentation du dividende par action versé au titre d’un exercice social par rapport à la moyenne de ceux versés au titre des deux exercices sociaux précédents, ne serait-ce que d’un centime d’euro, entraînerait l’application du dispositif.

Compte tenu de la référence à l’article L. 232-12 du Code de commerce, seraient concernées non seulement les distributions de dividendes décidées par l’assemblée générale ordinaire annuelles des actionnaires, mais également les distributions d’acomptes sur dividendes décidées en cours d’exercice par l’organe de gestion. En revanche, les distributions de réserves décidées en cours d’année par une assemblée générale autre que l’assemblée générale ordinaire annuelle seraient exclues du dispositif.

Le texte précise, par ailleurs, que lorsqu’une société appartient à un groupe au sens du I de l’article L. 2331-1 du Code du travail, ce sont les dividendes versés par « l’entreprise dominante du groupe » qui seraient pris en considération et qui entraînerait, en cas de hausse, l’obligation de verser la prime pour tous les salariés du groupe.

Selon nos informations, dans le cas de groupes multinationaux dont certaines filiales sont implantées en France, la prime devrait être versée si « la plus haute maison mère située sur le territoire » a augmenté ses dividendes. Un recul des dividendes au niveau mondial ne permettrait donc pas d’échapper au dispositif.

Enfin, reste le cas d’une société qui distribuerait pour la première fois un dividende. Serait-elle ou non concernée par le dispositif ? A notre sens, compte tenu de la rédaction du texte et de l’esprit de la loi, cela devrait être le cas.

3. L’obligation d’ouverture d’une négociation

La prime serait instituée par un accord conclu « selon l’une des quatre modalités visées à l’article L. 3322-6 du code du travail », c’est-à-dire :

• soit par un accord d’entreprise de droit commun,

• soit par un accord conclu avec « les représentants d’organisations syndicales dans l’entreprise »,

• soit par un accord conclu avec le comité d’entreprise,

• soit par ratification à la majorité des deux tiers du personnel (s’il existe une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou un comité d’entreprise, la ratification est demandée conjointement par l’employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité).

La conclusion d’un accord devrait obligatoirement intervenir dans un délai de trois mois suivant l’attribution de dividende autorisée par l’assemblée générale.

Ce dispositif serait applicable aux attributions de dividendes autorisées à compter du 1er janvier 2011 au titre du dernier exercice clos. Pour les attributions de dividendes déjà intervenues à la date de publication de la loi, le délai de trois mois susvisé serait décompté à compter de cette date de publication.

Pour les entreprises qui emploient 50 salariés et plus, les distributions de dividendes décidées par les assemblées générales qui sont réunies en ce moment même, aux fins de statuer sur l’approbation des comptes 2010, entraîneraient ainsi l’application du dispositif, si le dividende par actions distribué dans le cadre de cette approbation des comptes est supérieur à la moyenne des dividendes versés en 2009 et 2010.

Si la négociation n’aboutit pas, un procès-verbal de désaccord serait établit, consignant les propositions respectives des parties et le montant de la prime que l’employeur s’engage à appliquer unilatéralement, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s’il en existe.

4. La fixation du quantum de la prime

Le quantum de la prime serait fixé par la négociation, ou en cas d’échec de celle-ci, librement par l’employeur. Le projet de loi n’impose aucun montant de prime minimum.
La prime pourrait être uniforme ou modulée en fonction du salaire et de la durée de présence des salariés.

En revanche, elle ne pourrait se substituer, ni à des augmentations de rémunération prévues par la convention ou l’accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail, ni à aucun des éléments de rémunération versés par l’employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu des règles légales ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.

Selon nos informations, dans un groupe, si la prime concerne tous les salariés du groupe, son montant ne serait toutefois pas forcément le même pour tous : il pourrait être négocié entité par entité.

5. Les exonérations, le versement de substitution et la sanction

Le quantum de la prime serait exonéré, dans la limite de 1.200 euros, de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, mais assujetti à la CSG/CRDS, ainsi qu’au forfait social applicable en matière d’intéressement et de participation.

Il convient de noter que le projet de loi permet de préférer au versement de la prime l’attribution d’un « avantage pécuniaire non obligatoire » (par exemple, selon l’exposé des motifs, l’attribution d’actions gratuites ou le versement d’un supplément d’intéressement ou de participation), à condition que celle-ci intervienne également par accord ; cette substitution légalisée par le VI du projet de loi pourrait présenter un intérêt fiscal pour les salariés, mais supposerait, notamment, que l’entreprise ait dégagé au titre de l’exercice clos un intéressement collectif ou une participation.

Enfin, l’absence d’engagement des négociations serait sanctionné pénalement (emprisonnement d’un an et amende de 3.750 euros).